Intervention de Michel Doublet

Réunion du 4 décembre 2007 à 15h10
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Michel DoubletMichel Doublet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui doivent répondre à un enjeu majeur, celui du défi alimentaire. C'est un défi pour la France, pour l'Europe, mais également pour le reste de la planète. En effet, la population mondiale va s'accroître dans les années à venir, augmentant par là même les besoins en productions agricoles.

Ce défi est une immense chance pour notre pays dont le savoir-faire est reconnu dans le monde entier. Il faut, ici, instaurer une démarche de développement durable.

Ce n'est qu'en favorisant la biodiversité, en préservant les ressources naturelles de notre pays, comme l'eau, et en valorisant les équilibres du paysage que l'on pourra répondre aux besoins de production et aux attentes de la société.

Le Grenelle de l'environnement s'est, d'ailleurs, largement fait l'écho de tous ces problèmes. Les débats ont accordé une place majeure à l'agriculture, l'une des priorités affichées étant la biodiversité.

Or, certaines mesures contenues dans le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » font l'objet de restriction budgétaires. Je veux parler ici des mesures agro-environnementales, les MAE. Destinées à favoriser la diversification des cultures dans l'assolement, elles visent à encourager la pratique de rotations plus longues et d'assolements plus diversifiés, avec pour objectif d'améliorer la qualité de l'eau et des sols.

Par ailleurs, la France et l'Europe sont déficitaires dans certaines cultures comme le pois protéagineux ou la luzerne.

À l'heure actuelle, les crédits de paiement ne permettront pas de financer les contrats en cours. Dès lors, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, des contrats arrivant à expiration ? Pour le département de la Charente-Maritime, plus de quatre-vingt-dix agriculteurs sont concernés.

Cet outil doit être doté de véritables moyens qui soient à la hauteur des ambitions annoncées par la France, et ce d'autant plus que nous sommes à l'aube du « bilan de santé » de la PAC. Nous devons donc être très vigilants sur le sujet.

Je veux également évoquer, dans le cadre de l'examen du programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement rural », les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA.

Ce dispositif vise à limiter la pollution des eaux en accompagnant la mise aux normes des exploitations. Je me félicite des engagements qui sont tenus, mais force est de constater que les besoins restent importants. Certains agriculteurs s'inquiètent de ne pas pouvoir bénéficier des soutiens nécessaires à la réalisation de travaux. Il faut donc les rassurer.

La notion d'environnement, on le voit bien, sera de plus en plus présente dans notre vie de tous les jours. L'un des secteurs les plus concerné par cette notion est celui des transports.

La France s'est engagée, dans le cadre du protocole de Kyoto en 1997, à réduire ses gaz à effet de serre. C'est ce qui est prévu aux termes de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Nous devons donc, à l'échelon national, développer les biocarburants et les agrocarburants de deuxième génération.

Le développement de cette filière passe obligatoirement par le maintien d'une fiscalité adaptée et par l'encouragement de la préférence nationale. Il faut également augmenter le nombre de pompes distribuant de l'éthanol.

Par ailleurs, cette politique doit d'appuyer sur une évaluation rationnelle des performances, tant sur le plan énergétique que sur le plan économique. Pouvez-vous à ce sujet, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur le bilan environnemental que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, doit présenter le 1er janvier 2008 ?

Il faut, en effet, rester attentif quant à l'utilisation des terres agricoles et à l'équilibre entre productions alimentaires et productions non alimentaires. Ainsi, le développement des agrocarburants ne doit pas provoquer de flambée des prix des céréales.

À l'heure actuelle, le marché alimentaire connaît une situation très tendue en raison des aléas climatiques à répétition et de l'augmentation de la demande des pays en voie de développements. Il ne faudrait pas que le développement sans contrôle de cette filière nous conduise à une catastrophe écologique majeure.

Les agrocarburants n'empêchent pas, aujourd'hui, les exploitants agricoles de subir de plein fouet la flambée des cours du pétrole et de ses dérivés. Les agriculteurs pourront-ils bénéficier d'un remboursement de la TIPP à hauteur de 5 centimes d'euros par litre comme en 2005 ? C'est, en effet, le seul moyen pour eux de préserver la compétitivité de leurs exploitations.

Je souhaite, à présent, mettre l'accent sur deux sujets qui me tiennent à coeur et qui touchent à l'élevage et à la viticulture.

Les éleveurs ovins doivent faire face à une crise sans précédent. La baisse de leurs revenus est flagrante et leurs marges de manoeuvre sont extrêmement réduites dans un secteur où la concurrence fait rage. C'est ainsi que la région Poitou-Charentes a perdu plus de 20 000 brebis en 2006 sur un cheptel de 600 000 têtes, et que le revenu des éleveurs a été divisé par deux en trois ans.

La capacité d'adaptation de la filière ne suffira pas à surmonter la crise, et c'est tout l'avenir de cette production qui est en péril. Une gestion plus saine des marchés et une amélioration de la trésorerie des éleveurs sont nécessaires.

La situation des éleveurs bovins n'est, aujourd'hui, guère plus enviable. On ne peut que constater une baisse des cours, une concurrence déloyale des viandes étrangères ainsi que des problèmes sur le plan de la politique pratiquée par la grande distribution.

Des solutions existent ; il faut favoriser le redressement de la consommation. Cela passe par un relèvement des cours, une baisse des prix de vente au détail et un soutien sans faille à la filière « viande française » en raison des efforts réalisés en termes de qualité et de traçabilité.

De plus, les actions menées en faveur de l'élevage et de la viande bovine française doivent être renforcées. Il faut que ces deux filières d'élevage sortent de la crise qu'elles traversent : il en va de la survie de nombre d'exploitations sur notre territoire.

Quant au prix du lait, il connaît actuellement une hausse qui devrait se poursuivre. Toutefois, les professionnels restent prudents et pensent qu'il faudrait anticiper une baisse dans quelques années. Ils souhaiteraient donc, si la conjoncture actuelle perdure, que les provisions faites par les agriculteurs pour les mauvaises années ne soient pas soumises à l'impôt.

J'en viens à la viticulture. Celle-ci connaît des difficultés et les perspectives d'avenir, à moyen terme, inquiètent la profession.

Le projet de réforme de l'Organisation commune des marchés, l'OCM, avec la libéralisation de l'étiquetage et celle des plantations, conduira nécessairement à une surproduction, à une chute des prix, à une perte de la valeur patrimoniale des terrains et à la remise en cause des efforts qualitatifs.

L'autorisation d'utiliser le cépage pour les vins de table serait catastrophique pour la production des vins de pays de la région Poitou-Charentes. Cette politique va totalement à l'encontre de la viticulture française et européenne.

Quant à la libéralisation des plantations, elle est particulièrement risquée dans un contexte économique très tendu, en raison de la surproduction mondiale de vins. L'arrachage définitif doit être limité et encadré afin d'éviter la déprise de certaines zones géographiques.

Il faut que le Gouvernement pèse de tout son poids dans les négociations pour que la mention « cépage » soit limitée aux vins à indication géographique.

Je parlerai, dans le cadre de l'examen du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », des prêts bonifiés.

Je me félicite que le Gouvernement ait maintenu ce mécanisme d'aide aux jeunes agriculteurs et je me réjouis de sa décision de dégager 20 millions d'euros supplémentaires. Cet outil reste, en effet, essentiel pour l'installation de nos jeunes.

Cependant, malgré son abondement, le volume des crédits ne va pas augmenter de manière significative. Or, compte tenu de l'annualité budgétaire, je me demande ce qui se passera pour les jeunes agriculteurs qui s'installeront au 1er janvier. Quelles solutions peut-on envisager dans ce cas précis, monsieur le ministre ?

Dans les missions interministérielles concernant l'agriculture, je dirai un mot de l'enseignement technique agricole.

Les différentes baisses de la dotation globale horaire et les plafonnements d'effectifs entraînent une dégradation de la situation de l'enseignement agricole public.

La mission d'insertion professionnelle de l'enseignement technique agricole est primordiale pour le développement des territoires ruraux et de l'agriculture. En effet, cette formation est indispensable pour les jeunes qui veulent s'installer et reprendre une exploitation.

Nous le savons, l'installation des jeunes pour assurer le renouvellement des générations est l'une de vos priorités. J'attirerai votre attention sur la conclusion des baux cessibles hors cadre familial, car peu de contrats ont été signés en raison des conditions exigées. Il faudrait améliorer les règles mises en place en 2006 pour que cet outil réponde mieux aux souhaits des exploitants.

De plus, toujours en ce qui concerne les baux, j'aimerais avoir votre avis, monsieur le ministre, sur la demande de la Fédération nationale de la propriété privée rurale, FNPPR, au sujet de la mise en place d'une nouvelle composition de l'indice de fermage.

Concernant le fonds de financement des prestations sociales agricoles, j'évoquerai le dossier des retraites. En effet, les petites retraites restent faibles au regard du minimum vieillesse. Il convient de réformer ce système de protection sociale et d'améliorer le montant des prestations vieillesse pour les agriculteurs, plus particulièrement pour les femmes et les veuves.

Quels sont vos projets, monsieur le ministre, pour le rendez-vous de 2008 ? Peut-on envisager que les retraites pour carrières complètes soient portées à 85 % du SMIC ?

Avant de conclure, je dirai un mot de la PAC.

Bon nombre d'agriculteurs de mon département s'inquiètent des perspectives d'évolution de la politique agricole commune. Il nous faut la redéfinir, afin de préserver notre indépendance alimentaire.

Sachant pouvoir compter sur nos agriculteurs pour relever les défis qui s'imposent à nous en ce début de xxie siècle, et ne doutant pas de la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour les y aider, je voterai en confiance les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

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