Le Grenelle de l'environnement a permis de dresser un constat quasi consensuel sur les difficultés engendrées par une agriculture productiviste, dopée depuis de trop longues années à coups de crédits publics, et de tracer un axe de travail dont je tiens à souligner ici la pertinence : s'engager résolument vers une agriculture HVE, à haute valeur environnementale.
Dans cette perspective, ses conclusions préconisant la réduction drastique de l'emploi des pesticides et le développement de l'agriculture biologique constituent d'excellents objectifs intermédiaires pour la nouvelle politique agricole française. Nos choix budgétaires ne peuvent pas ne pas intégrer cette rupture attendue par nos concitoyens.
En matière de pesticides, le temps est venu de mettre en place une fiscalité réellement incitative, d'une part, pour dissuader l'emploi de produits globalement indésirables pour l'environnement et dangereux pour la santé humaine, et plus particulièrement pour leurs utilisateurs, d'autre part, pour donner aux agences de l'eau les moyens nécessaires, aujourd'hui totalement insuffisants, pour inciter et soutenir la reconversion à l'agriculture biologique dans les zones sensibles de captages.
Je propose, par conséquent, une révision en profondeur de la « pollutaxe » actuelle sur les pesticides. Il faut qu'elle devienne effectivement dissuasive, de manière à s'inscrire dans la logique du « pollueur-payeur », qui est l'un des concepts économiques de base du développement soutenable. Elle est le seul moyen crédible, non réglementaire, de faire évoluer en profondeur les pratiques agricoles dans le sens d'une forte réduction de l'emploi des pesticides, à l'instar de ce que l'on peut déjà observer, par exemple, au Danemark.
En matière de développement de l'agriculture biologique, les intentions affichées dans le plan d'action ministériel vont dans le bon sens, mais je reste perplexe face au diagnostic et à la faiblesse des moyens qui seront mis en oeuvre.
S'il est louable, pour la santé de nos enfants, d'afficher un premier objectif de 20 % de repas « bio » dans les cantines publiques, cela ne répond pas aux enjeux présents : notre pays est de plus en plus déficitaire en produits biologiques, car l'offre nationale est de moins en moins capable de répondre à une demande croissante pour ce type de produits.
Par conséquent, compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre de l'action budgétaire, qui est due en bonne partie aux mauvais choix opérés cet été en faveur des plus riches - 8 milliards d'euros cette année, 15 milliards d'euros l'an prochain -, notre priorité doit aller à une politique ambitieuse de l'offre de produits.
Il nous faut soutenir efficacement le développement de la production biologique pour marquer des points sur plusieurs tableaux : pour la santé des utilisateurs de pesticides, dont les cocktails de molécules sont aujourd'hui considérés comme dangereux pour la santé humaine, même à faible dose ; pour la santé des consommateurs, s'agissant surtout des produits frais, plus particulièrement des fruits et légumes, sur lesquels nous enregistrons les chiffres les plus inquiétants en matière de résidus de pesticides ; pour l'équilibre de l'environnement, concernant la qualité des eaux et de l'air, la biodiversité et, notamment, la protection des abeilles pollinisatrices ; pour la diffusion de techniques, de savoir-faire et d'approches en termes de systèmes de production agricoles durables, qui ne concernent pas uniquement le développement de l'agriculture biologique, mais qui seront indispensables pour passer d'une agriculture productiviste, aujourd'hui dominante, à une agriculture HVE telle que le Grenelle de l'environnement l'a conceptualisée, mais qui n'est pas forcément biologique stricto sensu ; enfin, pour la diminution de notre déficit commercial en produits biologiques.
S'agissant des filières, alors que le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, le CGAAER, recommandait, dans son rapport publié en août dernier, « le soutien spécifique à l'aval de la filière » biologique en « s'inspirant de l'expérience allemande et du rapport de la FAO », je suis au regret de devoir relever la timidité des dispositions proposées.
Une partie - la proportion n'est pas clairement définie -des 387 millions d'euros inscrits au titre de « l'adaptation des filières à l'évolution des marchés » doit servir à cet effet. Mais l'indicateur de performance utilisé laisse perplexe quant à l'ambition du Gouvernement : faire passer la part des superficies cultivées en agriculture biologique de 2, 45 % à 2, 55 % de la surface agricole utile. Cela en dit long sur l'ambition affichée par le Gouvernement de développer l'agriculture biologique : une augmentation grandiose de 0, 1 % en un an, soit 1 % en dix ans et 10 % en cent ans !