Intervention de Michel Miraillet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 juin 2020 à 10h35
Pilotage stratégique par le ministère de l'europe et des affaires étrangères des opérateurs de l'action extérieure de l'état et sa déclinaison au niveau des postes diplomatiques — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Michel Miraillet, de la culture, de l'enseignement et du développement international au ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

directeur général de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. - Je veux d'abord me féliciter de la qualité du rapport de la Cour des comptes. Le sujet est complexe à aborder tant le paysage est éclaté, les structures hétérogènes et les surfaces des différents opérateurs diverses. Vous avez peut-être pu le constater dans les réponses envoyées par le secrétaire général du Quai d'Orsay à la Cour des comptes, nous sommes assez en ligne avec les jugements qui ont été portés sur notre activité.

Je voudrais d'abord aborder les questions relatives aux ressources humaines, qui ne sont pas une petite chose. Ce n'est pas parce que nous avons recruté des contractuels que nous n'avons pas l'expertise, loin de là ! Je vois autour de moi des équipes extrêmement engagées, mais le rapport de la Cour des comptes met le doigt sur ce qui fait mal... Nous demandons à des agents recrutés sur des CDD qui touchent 2 500 euros par mois de travailler 12 heures par jour pour surveiller l'exercice de la tutelle et l'engagement d'un milliard d'euros dans des projets, par exemple d'aide aux systèmes de santé en Afrique. En face, nous avons des opérateurs qui peuvent offrir un salaire deux fois supérieur lorsqu'ils repèrent un agent de grande qualité. On peut me rétorquer que je n'ai qu'à les remplacer par des agents titulaires, mais l'AFD propose un salaire 1,5 fois supérieur et offre la possibilité de démissionner. Le niveau des rémunérations en administration centrale des personnels du MEAE pose vraiment problème.

J'ai été sous-directeur des personnels. La mode aujourd'hui, et je pense que c'est absolument fondamental, est de faire tourner nos diplomates dans des postes de mobilité auprès d'opérateurs ou d'autres structures. Mais ils y découvrent qu'ils y sont infiniment mieux payés qu'à l'intérieur même du ministère ! Aujourd'hui, nous nous trouvons dans des situations de grande difficulté. Ainsi, le chef de la délégation des programmes et des opérations de la DGM, qui gère la moitié des crédits du Quai d'Orsay, n'est même pas sur un poste de sous-directeur budgétaire. C'est à la direction du budget qu'il faut vous adresser, car elle a pour le ministère la condescendance de ceux qui n'ont jamais entendu le gargouillis d'un robinet qui crie parce qu'il n'y a pas d'eau ou le feulement d'une queue de roquette au Tchad ou à Bagdad. Cette paupérisation nous conduit à faire avec des élastiques, et à le faire remarquablement bien. Les trois mois de crise l'ont montré de façon flagrante.

Je ne demande qu'à recruter des titulaires et à créer une filière de gestion : il faut en effet un investissement dans la matière budgétaire qui n'est pas forcément ce à quoi aspire le jeune énarque ou le jeune recruté au travers du concours d'Orient.

Comment garder nos agents de qualité, alors qu'au bout de quatre ans et demi, cinq ans maximum, nous sommes obligés de nous séparer d'eux, parce que nous ne pouvons pas intégrer ces agents ou leur donner un contrat à durée indéterminée. C'est une véritable question pour la commission des finances, et je souhaite que cette situation soit gardée à l'esprit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

S'agissant de la complexité du pilotage de l'AEFE, vous avez porté un jugement un peu sombre sur la gestion d'un réseau totalement hétérogène de plus de 500 établissements scolaires. Il est toujours possible de faire mieux, mais j'ai la prétention de penser que le réseau tient plutôt bien. On peut peut-être reprocher à l'AEFE une trop grande complexité et un manque de précision des services juridiques, mais il ne faut pas oublier que nous avons là l'un de nos plus beaux instruments d'influence. Les réflexions de la Cour des comptes seront naturellement prises en compte. Le Parlement se penchera probablement sur le retour d'expérience de l'action de l'AEFE en période de crise. Tout n'est pas parfait, mais nous sommes arrivés à maintenir dans beaucoup d'endroits un enseignement minimal de qualité. C'est à mettre au crédit des enseignants, des personnels de direction des établissements et des personnels de l'AEFE.

En ce qui concerne le comité des opérateurs, l'idée d'avoir tous les opérateurs autour d'une table peut paraître intéressante sur le papier. En réalité, la plupart d'entre eux n'ont rien à se dire ou à mettre en commun, qu'il s'agisse des mammouths comme l'AFD, qui ne parle qu'à elle-même, ou l'AEFE ou d'opérateurs comme France Volontaires, dont personne ne connaît l'existence et pour lequel des réformes devront intervenir assez rapidement, avant que M. Andréani ne souhaite s'y intéresser de plus près !

Pendant la crise, nous avons créé un rendez-vous bihebdomadaire pendant les deux premiers mois, par téléconférence, avec tous les directeurs d'agences et d'opérateurs afin de faire le point sur différents sujets : distribution de masques, gestion des agents à l'étranger - la politique du ministre, en accord avec le Président de la République, a été de maintenir sur place les agents français à l'étranger -, modalités de confinement. Ces rendez-vous, conduits par le directeur adjoint de cabinet du ministre avec mon adjoint ou moi-même, ont été très opérationnels. Si on nous recommande de continuer ces réunions, nous le ferons, mais reste à trouver un fil conducteur suffisamment intéressant pour que les équipes dirigeantes, et non pas à l'échelon n-3, se rendent à ce type d'exercice.

Sur l'Institut français, je sais que beaucoup ont la nostalgie, dans cette enceinte, de l'abandon de l'expérimentation, qui faisait de l'Institut à Paris la cellule de commandement de ce qui n'était autre que les services culturels et de coopération des ambassades. Nous y avons mis fin pour une raison très simple : cela ne fonctionnait pas. Les instituts français sont des établissements dotés d'une autonomie financière, ce qui présente des avantages, notamment pour récupérer le mécénat, mais ils sont quelquefois tellement indépendants qu'ils privent le chef de poste d'un véritable moyen d'action. On donne un chèque en début d'année et à la fin de l'année on ne sait pas vraiment comment les choses ont été faites. Quand les personnes en poste s'entendent bien, les choses vont bien ; mais quand il y a des problèmes d'ego, souvent exacerbés à l'étranger, la situation peut devenir catastrophique.

Je suis le seul ambassadeur qui a dissout son institut français - il n'y en a plus au Brésil. Je l'ai fait parce qu'il était devenu une grosse masse, disposant de beaucoup d'argent et menant très peu d'actions. On y vivait bien, on se baladait, on rendait peu compte... Aujourd'hui, nous sommes revenus à une fonction plus napoléonienne : le conseiller culturel et l'ambassadeur tiennent tout. Si vous voulez qu'un institut marche, il faut trouver la bonne personne et qu'elle ait avec le personnel de l'ambassade un rapport quotidien d'échange et de confiance. L'expérimentation a montré que nous n'y étions pas parvenus.

Il existe peut-être d'autres manières de le faire, je vous le concède, mais l'Institut français est d'abord un institut parisien qui a pour but de développer un certain nombre de produits. Sous la direction de Pierre Buhler, des choses très intéressantes ont été faites, notamment en matière de produits numériques.

Nous sommes en train de redéfinir ce que doit être une politique d'influence en s'appuyant sur notre réseau culturel - l'Institut français de Paris jouera tout son rôle -, mais également sur l'AFD, l'AEFE et Campus France.

On peut trouver que l'Institut français n'a pas forcément le rayonnement qu'il devrait avoir. Je vous suis tout à fait dans la nécessité d'avoir une marque. Mais « Institut français », cela fonctionne très bien quand ce n'est ni plus ni moins que la nouvelle appellation du SCAC de l'ambassade.

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