Nous allons procéder à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission des finances en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur le pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) des opérateurs de l'action extérieure de l'État. Beau sujet, que nous aurions eu du mal à mener par nos propres forces, quels que soient la qualité et l'investissement des administrateurs de la commission, et pour lequel l'aide de la Cour des comptes a été précieux.
Nous abordons régulièrement, au sein de cette commission, la situation de ces opérateurs, qu'ils relèvent de l'aide au développement, de la sphère culturelle, audiovisuelle, économique ou encore touristique. Nous abordons plus rarement, en revanche, ce qui les lie : la tutelle ou cotutelle du MEAE. Or la réforme des réseaux de l'État à l'étranger, débutée en 2018, rend d'autant plus nécessaire cette approche commune.
C'est pourquoi notre commission a souhaité demander à la Cour des comptes d'analyser le pilotage, par le MEAE, de l'ensemble des opérateurs extérieurs sur lesquels il a, même partiellement, un rôle de tutelle.
Nous recevons Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, qui nous présentera les principales conclusions des travaux menés.
Pour nous éclairer sur le sujet, est également présent aujourd'hui Michel Miraillet, directeur général de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international au ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Par ailleurs, nous avons invité pour cette audition les rapporteurs pour avis des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et affaires consulaires » et « Diplomatie culturelle et d'influence » de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le rapporteur pour avis de la mission « Action extérieure de l'État » de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il s'agit de nos collègues Ladislas Poniatowski, Bernard Cazeau, Robert Del Picchia, André Vallini, Jean-Pierre Grand, Rachid Temal et Claude Kern.
Après avoir entendu le président Andréani, Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, présenteront les principaux enseignements qu'ils tirent de cette enquête. Ils poseront également leurs premières questions aux différentes personnes entendues ce matin.
À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
Je vous rappelle que notre réunion est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet du Sénat et qu'un certain nombre de nos collègues la suivent en téléconférence et pourront intervenir dans le débat qui s'ouvrira.
Je laisse la parole au président Gilles Andréani, pour qu'il nous présente les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes.
C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être aujourd'hui devant votre commission pour cette audition, initialement prévue début mars. Sont présents ici avec moi Dominique Antoine, conseiller maître, et Laurence Haguet, vérificatrice. Les deux piliers de l'enquête, Adeline Baldacchino et Claude Lion, conseillers référendaires, suivent la réunion en téléconférence.
Je vous remercie de nous avoir donné ce sujet à traiter, qui nous a permis de faire un inventaire des relations du MEAE avec 12 entités, dont toutes ne sont pas des opérateurs au sens de la LOLF. Nous avons défini ce périmètre à la suite d'échanges avec les rapporteurs spéciaux, et une lettre du Premier président du 29 mars 2019 a précisé le champ de l'enquête.
Je le rappelle, 4 opérateurs relèvent directement du programme 185 « Action extérieure de l'État » : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), l'Institut français, Campus France et Atout France. Le ministère participe, conjointement avec d'autres ministères, à la gouvernance des 8 autres entités : l'Agence française de développement (AFD), en cotutelle avec les finances et les outre-mer, Business France et Expertise France en cotutelle avec les finances, France Volontaires, en association avec l'agriculture et l'éducation nationale, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l'Institut de recherche pour le développement (IRD) en cotutelle avec l'enseignement supérieur, et enfin Canal France International et France Médias Monde en cotutelle avec la culture.
Nous avons étudié le sujet au travers de deux prismes : comment est organisé le ministère pour dialoguer et travailler avec ces « opérateurs » au sens large, y compris ceux qui ne sont pas formellement des opérateurs ? Les fils qui relient ces opérateurs au MEAE convergent vers la direction générale de la mondialisation (DGM), dont le directeur est ici présent. Les trois champs d'intervention sont la culture, le développement et l'action économique extérieure.
Nous avons laissé de côté, en accord avec les rapporteurs spéciaux, les modalités techniques d'exercice de la tutelle, pour nous concentrer sur la fonction d'orientation stratégique du ministère et l'articulation des missions des opérateurs avec l'action extérieure de la France. Nous avons examiné si les priorités de ces derniers étaient bien en adéquation avec les priorités politiques et géographiques du ministère, si les objectifs stratégiques définis par le MEAE étaient convenablement reflétés dans les conventions d'objectifs et de moyens ou de performance des opérateurs et quelle était la qualité du suivi de ces orientations par le ministère. Un volet particulier a été réservé à la coordination locale par les postes au sein des ambassades.
En ce qui concerne la méthodologie, nous avions fort heureusement contrôlé récemment certains de ces opérateurs : l'AEFE, l'AFD, ainsi que la DGM elle-même. Par conséquent, nous avions déjà des informations. Nous avons procédé à des enquêtes sur pièces, mais également sur place, dans deux postes diplomatiques. Nous en avons tiré des constats transversaux et des observations propres à chacun des opérateurs.
Les constats transversaux se déclinent en trois séries d'observations.
D'abord, nous avons dressé un inventaire des différents outils qui servent au pilotage stratégique des opérateurs, sur la base des directives de 2010 et 2015 du Premier ministre. Ils comprennent des conventions d'objectifs et de moyens, des lettres de missions et d'objectifs, des évaluations, etc. On constate une tension entre l'utilisation parfois minutieuse de ces instruments, qui tend à obérer la liberté de gestion des opérateurs, et la capacité d'influence au fond du MEAE, qui n'est pas toujours aussi exacte et articulée avec ses objectifs généraux qu'on pourrait le souhaiter. Aux instruments prévus par les circulaires du Premier ministre s'ajoutent des documents d'orientation, des stratégies sectorielles, des rapports, des discours de politique étrangère - en la matière, le rôle du Président de la République s'exerce parfois par ce biais -, et de simples courriers. Bref, un ensemble de documents qui nous paraissent devoir être rationalisés et faire l'objet d'une formalisation plus synthétique et régulière. Certains des documents les plus formels, comme les conventions d'objectifs et de moyens, tardent à être conclus dans les délais prescrits.
À la suite de l'instruction du Premier ministre en 2015, le ministère a lancé un plan d'action de renforcement de la tutelle comprenant la mise en place d'un comité des opérateurs, qui ne s'est réuni qu'une fois en octobre 2016. Il faut relancer cet effort.
Ensuite, nous avons constaté que les choses se passaient mieux au niveau local, pour ce que nous en avons vu dans les deux postes visités et au travers des nombreux contacts que nous avons eus avec les chefs de poste et l'ensemble des directions des opérateurs. Les ambassadeurs ont des instruments juridiques, des moyens d'action, des documents sur lesquels ils peuvent s'appuyer pour coordonner l'action de leurs opérateurs.
Le ministère doit avoir des instruments propres qui puissent être articulés avec ceux des opérateurs. Dans le champ du développement, nous avons relevé, avec un peu d'alarme, la difficulté - due à la baisse des crédits - à mobiliser les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) et les crédits d'intervention des services de coopération et d'action culturelle (SCAC).
Enfin, le troisième constat touche à l'interministérialité. En cas de tutelle conjointe des ministères concernés, les feuilles de route gagneraient à être davantage articulées.
Je veux évoquer les ressources humaines de la DGM : elles ne nous paraissent pas à la hauteur des objectifs qui lui sont assignés, spécialement dans le champ de la tutelle. La majorité des 380 emplois de la DGM sont en CDD, ce qui pose un problème de fuite d'un certain nombre d'agents chargés de la tutelle vers les opérateurs, dont certains offrent des positions beaucoup plus attractives. Parmi nos recommandations générales, nous proposons d'accentuer le professionnalisme des fonctions liées à l'exercice de la tutelle, de veiller aux problèmes de déontologie, de définir des orientations sectorielles dans des documents de politique publique de référence et de revenir au plan d'action de 2015 sur la tutelle des opérateurs.
Nous avons ensuite dressé des constats concernant chacun des opérateurs, lesquels ont été regroupés en trois secteurs correspondant aux strates successives de compétences du ministère.
La première strate est celle de l'action culturelle et de l'enseignement à l'étranger : la deuxième, la coopération depuis la fusion avec le ministère de la coopération en 1998 ; et la troisième résulte de la dévolution en 2012 de responsabilités accrues au ministère dans le champ de l'action économique extérieure.
Je n'énumérerai pas toutes les recommandations relatives à ces 12 opérateurs, mais me permettrai d'attirer l'attention de votre commission sur les organismes pour lesquels la situation est plus sensible.
Dans le champ de l'action culturelle, nous observons que depuis qu'a été interrompue l'expérimentation du rapprochement des instituts français avec l'Institut de Paris, le champ d'activité de ce dernier est en décalage avec les dispositions du décret de 2010 le régissant. Tous les instruments d'orientation ne sont pas utilisés, notamment le comité d'orientation stratégique, qui ne se réunit plus. Une redéfinition du rôle de l'Institut français doit être opérée.
S'agissant de l'AEFE, un objectif très important lui a été assigné par le Président de la République : le doublement des élèves scolarisés d'ici à 2030. Aussi faut-il d'urgence renouveler le contrat d'objectifs et de moyens de l'agence.
En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, le transfert de la tutelle au ministère de la culture laisse ce secteur quelque peu en déshérence du point de vue des orientations stratégiques. L'aspect international a toujours été un volet secondaire de l'action audiovisuelle extérieure suivie par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture. Le ministère des affaires étrangères, qui ne contribue plus financièrement à ce secteur, a été remplacé dans ses fonctions par une administration dont la priorité n'est pas l'audiovisuel extérieur. Cela pose des difficultés d'articulation avec les priorités de l'action internationale de la France.
Le deuxième secteur est celui de l'aide au développement. Au-delà des orientations fixées au niveau politique par le Comité interministériel de la coordination internationale et du développement (Cicid), l'AFD tend à devenir non seulement l'acteur central de cette politique, mais aussi sa force d'initiative principale. Le rôle d'orientation stratégique des deux tutelles ministérielles s'affirme plus difficilement. Celles-ci ont essayé soit de revitaliser des instruments anciens, comme le comité d'orientation stratégique, soit d'en créer de nouveaux, comme la réunion régulière entre le directeur général de l'AFD, le directeur du trésor et celui de la mondialisation. Ces outils ne sont aujourd'hui ni articulés entre eux ni suffisamment effectifs. Tout en respectant la qualité et l'autonomie de gestion nécessaire de l'agence, une attention particulière doit être portée sur l'activité « dons », financée sur des crédits budgétaires relevant des deux ministères. Deux documents sont en cours de discussion : le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 et la refonte de la convention-cadre entre l'État et l'AFD. Ces échéances doivent être l'occasion de renforcer la capacité d'orientation stratégique du ministère. La présence au conseil d'administration ne garantit pas à elle seule la capacité d'orientation du ministère vis-à-vis de l'agence.
Dans le champ économique, le MEAE assure depuis 2012 la cotutelle des opérateurs des secteurs du commerce extérieur - Business France - et du tourisme - Atout France.
S'agissant de Business France, la situation est satisfaisante dans un contexte de repli des moyens et du réseau à l'étranger de cette agence, avec la fermeture de 15 implantations. La refonte de son programme de travail se passe bien et l'exercice conjoint de la tutelle nous a semblé avoir trouvé son équilibre.
Atout France est un groupement d'intérêt économique de moindre importance vis-à-vis duquel, peut-être en raison des compétences multiples de cet organisme, les orientations stratégiques des tutelles apparaissent moins claires. C'est au travers d'un projet de rapprochement des réseaux, surtout dicté par des impératifs budgétaires, que s'exerce aujourd'hui le travail de tutelle stratégique.
À ce sujet, et cette remarque vaut également pour Business France, il faut certainement articuler les décisions de réduction des réseaux prises dans le cadre d'Action publique 2022 et le recentrage de leurs dispositifs auquel devaient procéder ces deux organismes.
En conclusion, le MEAE a des marges de progrès pour opérer un pilotage véritablement stratégique d'une galaxie d'organismes très différents vis-à-vis desquels il n'existe pas de prescription unique. C'est pourquoi 10 de nos 15 recommandations sont particulières à certains organismes et 5 seulement sont de portée générale. Il faut trouver un équilibre entre la nécessaire autonomie de gestion des opérateurs et le pouvoir d'orientation et de contrôle du ministère. Cette difficulté n'est pas propre au MEAE : dans le système public, certains opérateurs s'estiment, peut-être un peu trop vite, émancipés de la tutelle de leur ministère de rattachement, tandis que d'autres continuent à être regardés comme ce qu'ils étaient dans le passé, c'est-à-dire des services extérieurs, voire des démembrements, des ministères.
Le modèle d'agence à la française, qui était l'un des objectifs de la LOLF, n'a pas encore trouvé son point d'équilibre. Avec ce rapport, nous espérons aider le MEAE à y parvenir.
Je remercie la Cour des comptes pour ce travail qui fait suite à notre demande. Dans le rapport relatif au réseau de l'enseignement français à l'étranger que nous avions fait avec Rémi Féraud, nous avions souligné la complexité du pilotage de l'AEFE par le MEAE.
Vous avez dit en conclusion, monsieur le président Andréani, qu'il y a quelques marges de progrès ; pour ma part, je pense qu'il y en a beaucoup ! Votre premier constat de nature transversale m'interroge : il s'agit de mettre en oeuvre le plan d'action de 2015 sur le renforcement du pilotage des opérateurs, mais nous sommes en 2020 ! Les progrès sont d'autant plus nécessaires que des instructions ont été données pour mutualiser des fonctions support et réduire la masse salariale, ce qui nécessite forcément de s'appuyer sur des orientations stratégiques. Nous aurons sans doute l'occasion de travailler sur le réseau des ambassades et la représentation française à l'étranger, mais, là aussi, nous pensons qu'il faut une orientation claire, stratégique, qui entraîne des conséquences sur les effectifs et l'organisation. Sinon, on reste dans le cadre d'une structure qui tient compte de l'existant et de l'historique.
Avec Rémi Féraud, nous avions noté l'absence de critères objectifs dans l'allocation des financements et subventions de l'AEFE, qui se traduisait par « une hétérogénéité dans l'accomplissement de la mission de service public et une gouvernance de la politique d'influence sans axes stratégiques affirmés de la part du MEAE ». Il nous semblait que c'était « une carence majeure dans le pilotage budgétaire opérationnel de l'agence qui gagnerait à recevoir des orientations politiques mieux définies pour accompagner son développement ».
L'enquête réalisée par la Cour des comptes permet d'étoffer ce constat en étendant cette analyse à l'ensemble des opérateurs de l'action extérieure de l'État. Elle ne se limite pas aux 4 opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État », mais porte sur un périmètre plus large. Elle intéressera nombre de nos collègues, rapporteurs spéciaux de missions dont dépendent certains opérateurs comme l'AFD, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur, Expertise France ou encore le Cirad et l'IRD.
Nous nous concentrerons sur les constats transversaux faits par la Cour et sur les observations relatives aux quatre opérateurs relevant de la mission « Action extérieure de l'État ».
Premier constat, l'action extérieure relève aujourd'hui d'un grand nombre d'organismes. Les quatre qui sont financés par le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sont l'AEFE, Atout France, l'Institut français et Campus France. Les autres opérateurs sont Business France, l'IRD, le Cirad, l'AFD, France Médias Monde, Expertise France et France Volontaires. Le pilotage stratégique varie considérablement selon les cas. La Cour des comptes indique que le comité local des opérateurs est un instrument utile, mais qui ne s'est pas imposé partout. Elle souligne que la coordination est particulièrement délicate en matière culturelle. Après l'échec de l'expérimentation de 2013 tendant à rassembler tous les instituts français sous l'autorité commune de l'Institut français à Paris, la lisibilité globale du dispositif à l'étranger ne s'est pas améliorée. Le ministère semble favorable à une clarification de l'action de l'Institut français à l'occasion d'une révision des textes législatifs et réglementaires le concernant et à une réforme de l'identification du réseau des instituts français à l'étranger, en leur attribuant une appellation fortement symbolique, à l'instar des réseaux Cervantès espagnol, Confucius chinois ou Goethe allemand.
Monsieur le directeur général, pouvez-vous nous en dire plus sur les réformes que vous envisagez concernant le réseau culturel à l'étranger et l'Institut français ?
Je remercie à mon tour la Cour pour les travaux qu'elle nous a remis, lesquels rejoignent un certain nombre d'observations que nous avions faites avec Vincent Delahaye.
La Cour constate que l'exercice de la cotutelle sur certains opérateurs est imparfait et que l'orientation stratégique reste largement dans la main du ministère financeur à titre principal, alors qu'un certain nombre de décisions devraient être prises en commun.
Elle indique qu'au sein du réseau, il faut parvenir à concilier la logique d'autonomie des ambassadeurs et des chefs de poste avec la nécessité de disposer d'établissements agissant comme des têtes de réseaux.
Enfin, c'est également entre opérateurs qu'il faut rechercher davantage d'échanges. La Cour souligne le besoin de cohérence accrue, entre départements ministériels - avec la culture, l'éducation nationale, l'enseignement supérieur -, mais aussi entre opérateurs, ainsi que la nécessité d'opérer des arbitrages stratégiques. De nombreux chantiers sont devant nous : la place de l'Institut français dans le dispositif culturel ; les objectifs de croissance des effectifs scolarisés assignés à l'AEFE, dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement ; le renforcement de la gouvernance des acteurs de la coopération universitaire. Nous travaillerons d'ailleurs à l'avenir sur les modalités d'octroi et de suivi des bourses universitaires.
Deuxième constat, la DGM est chargée de la tutelle des 12 opérateurs, et s'appuie sur ses directions sectorielles et sur sa délégation des programmes et des opérateurs (DPO), responsable des activités de coordination transversale et de pilotage administratif et financier. Celle-ci assure le secrétariat du comité ministériel des opérateurs, censé réunir l'ensemble des opérateurs et partenaires qui contribuent à l'action extérieure de la France. Toutefois, le comité ministériel ne s'est réuni qu'à deux reprises, la dernière fois il y a bientôt quatre ans.
Monsieur le directeur général, pour quelles raisons ce comité s'est-il peu réuni et comment le pilotage des opérateurs par le MEAE a-t-il lieu en dehors de ce comité ? Comment s'assurer que les opérateurs ne mènent pas d'actions incohérentes, moins lisibles ou peu efficaces ? Cet enjeu est important dans un contexte budgétaire qui est encore davantage contraint par la crise que nous connaissons.
Dernier constat, celui que la Cour fait sur les ressources humaines. Nous nous sommes penchés l'année dernière, avec Vincent Delahaye, sur la masse salariale du MEAE. Nous avions souligné la nécessité de revaloriser le travail fait par les agents d'administration centrale. L'écart de rémunérations entre l'administration centrale et l'étranger s'est creusé ces dernières années.
La Cour aborde non pas la question des rémunérations, mais celle de l'attractivité des postes en administration centrale. L'instabilité des postes et les départs réguliers de contractuels de l'administration centrale vers les opérateurs sous tutelle posent problème. Pour répondre à ces difficultés, elle propose que soit menée une réflexion sur la nature des postes pouvant être confiés à des contractuels et sur le renforcement du nombre de titulaires au sein de la DGM.
J'aimerais entendre M. Miraillet sur ce sujet. Comment revaloriser les métiers de tutelle ? Comment renforcer la capacité d'expertise de la DGM en la matière afin que le modèle d'agence à la française puisse trouver son point d'équilibre ?
directeur général de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. - Je veux d'abord me féliciter de la qualité du rapport de la Cour des comptes. Le sujet est complexe à aborder tant le paysage est éclaté, les structures hétérogènes et les surfaces des différents opérateurs diverses. Vous avez peut-être pu le constater dans les réponses envoyées par le secrétaire général du Quai d'Orsay à la Cour des comptes, nous sommes assez en ligne avec les jugements qui ont été portés sur notre activité.
Je voudrais d'abord aborder les questions relatives aux ressources humaines, qui ne sont pas une petite chose. Ce n'est pas parce que nous avons recruté des contractuels que nous n'avons pas l'expertise, loin de là ! Je vois autour de moi des équipes extrêmement engagées, mais le rapport de la Cour des comptes met le doigt sur ce qui fait mal... Nous demandons à des agents recrutés sur des CDD qui touchent 2 500 euros par mois de travailler 12 heures par jour pour surveiller l'exercice de la tutelle et l'engagement d'un milliard d'euros dans des projets, par exemple d'aide aux systèmes de santé en Afrique. En face, nous avons des opérateurs qui peuvent offrir un salaire deux fois supérieur lorsqu'ils repèrent un agent de grande qualité. On peut me rétorquer que je n'ai qu'à les remplacer par des agents titulaires, mais l'AFD propose un salaire 1,5 fois supérieur et offre la possibilité de démissionner. Le niveau des rémunérations en administration centrale des personnels du MEAE pose vraiment problème.
J'ai été sous-directeur des personnels. La mode aujourd'hui, et je pense que c'est absolument fondamental, est de faire tourner nos diplomates dans des postes de mobilité auprès d'opérateurs ou d'autres structures. Mais ils y découvrent qu'ils y sont infiniment mieux payés qu'à l'intérieur même du ministère ! Aujourd'hui, nous nous trouvons dans des situations de grande difficulté. Ainsi, le chef de la délégation des programmes et des opérations de la DGM, qui gère la moitié des crédits du Quai d'Orsay, n'est même pas sur un poste de sous-directeur budgétaire. C'est à la direction du budget qu'il faut vous adresser, car elle a pour le ministère la condescendance de ceux qui n'ont jamais entendu le gargouillis d'un robinet qui crie parce qu'il n'y a pas d'eau ou le feulement d'une queue de roquette au Tchad ou à Bagdad. Cette paupérisation nous conduit à faire avec des élastiques, et à le faire remarquablement bien. Les trois mois de crise l'ont montré de façon flagrante.
Je ne demande qu'à recruter des titulaires et à créer une filière de gestion : il faut en effet un investissement dans la matière budgétaire qui n'est pas forcément ce à quoi aspire le jeune énarque ou le jeune recruté au travers du concours d'Orient.
Comment garder nos agents de qualité, alors qu'au bout de quatre ans et demi, cinq ans maximum, nous sommes obligés de nous séparer d'eux, parce que nous ne pouvons pas intégrer ces agents ou leur donner un contrat à durée indéterminée. C'est une véritable question pour la commission des finances, et je souhaite que cette situation soit gardée à l'esprit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
S'agissant de la complexité du pilotage de l'AEFE, vous avez porté un jugement un peu sombre sur la gestion d'un réseau totalement hétérogène de plus de 500 établissements scolaires. Il est toujours possible de faire mieux, mais j'ai la prétention de penser que le réseau tient plutôt bien. On peut peut-être reprocher à l'AEFE une trop grande complexité et un manque de précision des services juridiques, mais il ne faut pas oublier que nous avons là l'un de nos plus beaux instruments d'influence. Les réflexions de la Cour des comptes seront naturellement prises en compte. Le Parlement se penchera probablement sur le retour d'expérience de l'action de l'AEFE en période de crise. Tout n'est pas parfait, mais nous sommes arrivés à maintenir dans beaucoup d'endroits un enseignement minimal de qualité. C'est à mettre au crédit des enseignants, des personnels de direction des établissements et des personnels de l'AEFE.
En ce qui concerne le comité des opérateurs, l'idée d'avoir tous les opérateurs autour d'une table peut paraître intéressante sur le papier. En réalité, la plupart d'entre eux n'ont rien à se dire ou à mettre en commun, qu'il s'agisse des mammouths comme l'AFD, qui ne parle qu'à elle-même, ou l'AEFE ou d'opérateurs comme France Volontaires, dont personne ne connaît l'existence et pour lequel des réformes devront intervenir assez rapidement, avant que M. Andréani ne souhaite s'y intéresser de plus près !
Pendant la crise, nous avons créé un rendez-vous bihebdomadaire pendant les deux premiers mois, par téléconférence, avec tous les directeurs d'agences et d'opérateurs afin de faire le point sur différents sujets : distribution de masques, gestion des agents à l'étranger - la politique du ministre, en accord avec le Président de la République, a été de maintenir sur place les agents français à l'étranger -, modalités de confinement. Ces rendez-vous, conduits par le directeur adjoint de cabinet du ministre avec mon adjoint ou moi-même, ont été très opérationnels. Si on nous recommande de continuer ces réunions, nous le ferons, mais reste à trouver un fil conducteur suffisamment intéressant pour que les équipes dirigeantes, et non pas à l'échelon n-3, se rendent à ce type d'exercice.
Sur l'Institut français, je sais que beaucoup ont la nostalgie, dans cette enceinte, de l'abandon de l'expérimentation, qui faisait de l'Institut à Paris la cellule de commandement de ce qui n'était autre que les services culturels et de coopération des ambassades. Nous y avons mis fin pour une raison très simple : cela ne fonctionnait pas. Les instituts français sont des établissements dotés d'une autonomie financière, ce qui présente des avantages, notamment pour récupérer le mécénat, mais ils sont quelquefois tellement indépendants qu'ils privent le chef de poste d'un véritable moyen d'action. On donne un chèque en début d'année et à la fin de l'année on ne sait pas vraiment comment les choses ont été faites. Quand les personnes en poste s'entendent bien, les choses vont bien ; mais quand il y a des problèmes d'ego, souvent exacerbés à l'étranger, la situation peut devenir catastrophique.
Je suis le seul ambassadeur qui a dissout son institut français - il n'y en a plus au Brésil. Je l'ai fait parce qu'il était devenu une grosse masse, disposant de beaucoup d'argent et menant très peu d'actions. On y vivait bien, on se baladait, on rendait peu compte... Aujourd'hui, nous sommes revenus à une fonction plus napoléonienne : le conseiller culturel et l'ambassadeur tiennent tout. Si vous voulez qu'un institut marche, il faut trouver la bonne personne et qu'elle ait avec le personnel de l'ambassade un rapport quotidien d'échange et de confiance. L'expérimentation a montré que nous n'y étions pas parvenus.
Il existe peut-être d'autres manières de le faire, je vous le concède, mais l'Institut français est d'abord un institut parisien qui a pour but de développer un certain nombre de produits. Sous la direction de Pierre Buhler, des choses très intéressantes ont été faites, notamment en matière de produits numériques.
Nous sommes en train de redéfinir ce que doit être une politique d'influence en s'appuyant sur notre réseau culturel - l'Institut français de Paris jouera tout son rôle -, mais également sur l'AFD, l'AEFE et Campus France.
On peut trouver que l'Institut français n'a pas forcément le rayonnement qu'il devrait avoir. Je vous suis tout à fait dans la nécessité d'avoir une marque. Mais « Institut français », cela fonctionne très bien quand ce n'est ni plus ni moins que la nouvelle appellation du SCAC de l'ambassade.
Je vous interroge en tant que rapporteur spécial, avec Yvon Collin, de la mission « Aide publique au développement ». Le pilotage de l'action de l'AFD a fait l'objet de débats animés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Dans la continuité de vos travaux de 2019 sur la gouvernance de l'AFD, votre enquête fait état d'une large autonomie de l'agence vis-à-vis du MEAE. Mais les difficultés du pilotage tiennent aussi à la multiplication des objectifs stratégiques : le contrat d'objectifs et de moyens compte pas moins de 27 indicateurs, et l'action de l'AFD doit également se conformer aux orientations du Cicid. Ces injonctions multiples ne sont-elles pas contradictoires ? Comment rationaliser le cadre d'action de l'agence ?
Le rapport de la Cour des comptes met en évidence, dans les termes très mesurés dont elle a l'habitude, des situations très différentes. Rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je suis attentif à la situation de l'audiovisuel extérieur qui, à mon avis, fonctionne plutôt bien avec peu de moyens. France Médias Monde est toujours en difficulté malgré mes tentatives de revalorisation de son budget.
Quant à l'AFD, je reste pour le moins sceptique. Lorsque je représentais la France auprès de l'OCDE, j'étais bien en peine d'expliquer au secrétaire général de l'organisation ce que faisait l'agence. L'AFD ne prenait pas la peine de répondre à mes demandes d'information, à tel point que le ministre des affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, a dû intervenir pour obtenir un début de commencement d'explication ! C'était il y a un peu plus de dix ans, et les choses ont bien peu évolué depuis - si ce n'est que l'AFD a beaucoup plus de moyens financiers et qu'elle est devenue un État dans l'État. Certains prêts et dons accordés sont stupéfiants. Ainsi, est-il bien utile d'investir dans une centrale à charbon chinoise en 2017 ? Quel est le sens de cet investissement du point de vue du développement ?
La commission des finances a entendu le directeur général de l'AFD, mais n'en a reçu que des explications assez limitées. L'agence a une culture de quasi-indépendance. Le ministre des affaires étrangères lui-même a reconnu dans notre hémicycle, fin 2019, qu'il avait des rapports conflictuels avec l'AFD et que celle-ci devait suivre les instructions du ministère. Comment est-il possible que l'agence continue à se comporter ainsi ? Le ministre s'était engagé devant nous à renforcer le contrôle et à faire en sorte que l'AFD n'agisse que dans le cadre politique défini par l'État. Est-ce bien le cas ?
Le manque d'attractivité de la DGM se traduit par une perte d'expertise : M. Miraillet nous a répondu de manière très lucide sur ce sujet. C'est une critique qui peut être adressée à toutes les administrations : il est beaucoup plus intéressant pour un fonctionnaire d'exercer sa mission dans un organisme extérieur.
Je constate, à l'instar de Roger Karoutchi, que les rapports et les auditions se succèdent sans que rien ne bouge. C'est incroyable ! L'État est représenté au conseil d'administration de l'AFD, mais tous les dossiers sont adoptés à l'unanimité, sans qu'il lui soit possible de se faire une opinion. Les ambassadeurs en poste se sentent dépourvus d'influence sur ces dossiers.
Je me félicite que l'État ait décidé de porter le budget de l'aide publique au développement à 0,55 % du RNB, mais ces fonds vont à une agence qui n'en fait qu'à sa tête. L'aide publique au développement étant un outil d'influence diplomatique, l'État devrait être en mesure de la piloter au plus près. Ce que vous avez fait avec l'Institut français au Brésil devrait servir d'exemple !
Je ne crois plus à la possibilité de reprendre la main dans la configuration actuelle. Faut-il envisager une refonte ?
Je remercie MM. Miraillet et Andréani. L'enquête porte sur une mission de l'État que nos concitoyens méconnaissent, alors que la place de la France dans le monde est un enjeu fondamental. À l'heure où les cartes du jeu international sont rebattues par la crise sanitaire, beaucoup de questions se posent. Nos collègues qui représentent les Français de l'étranger nous alertent souvent sur les inquiétudes de ceux-ci en matière d'éducation, de culture, de formation et maintenant de santé. Quelles sont vos recommandations sur les moyens d'améliorer l'efficacité de l'aide publique au développement ?
Une cotutelle, c'est un peu comme papa et maman : les grands enfants que sont les directeurs généraux ou présidents d'opérateurs ont très bien appris à créer du désordre en disant à maman « Papa m'a dit », et vice-versa. Je connais bien les opérateurs à l'étranger, y ayant travaillé dans ma jeunesse. Arrêtons de nous mentir : en général, le directeur de l'organisme en question a un contact direct avec le directeur général de la mondialisation et le ministre, ou au moins son directeur de cabinet. Le conseil d'administration gère les affaires courantes mais pas la véritable politique. L'AFD est dans cette situation : nous avons une fausse tutelle et une administration qui n'administre pas. Il faut s'inspirer de votre action au Brésil, monsieur Miraillet, et faire en sorte que les directeurs des organismes rendent compte au directeur d'administration centrale, et pas directement au ministre.
C'est un rapport très intéressant, en particulier ce qui concerne la diplomatie économique incarnée par Business France et Atout France. Action publique 2022 a fixé un objectif de baisse de 10 % de la masse salariale, or je constate que c'est davantage pour ces deux entités. Vous avez noté, dans votre enquête, que Business France avait supprimé beaucoup de postes, avec des transferts vers le privé et des concessions de service public. Mais il faut aussi développer le tourisme, dans le contexte actuel, et travailler sur les exportations. Est-il possible de faire un benchmarking avec d'autres États européens ?
Je vous remercie pour ces exposés très édifiants. Y a-t-il trop d'opérateurs ? Certains, comme l'Institut français, nécessitent une révision des objectifs, d'autres comme l'AFD deviennent des États dans l'État. Monsieur Andréani, vous avez évoqué une galaxie d'organismes.
Monsieur Miraillet, je vous remercie pour votre sincérité. En matière de ressources humaines, vous avez déploré le manque de qualité des contrats ; quelle est l'étendue des dégâts, si l'on nous compare avec nos voisins européens ?
Je vous fais part de la question que souhaitait poser Yvon Collin. Votre enquête souligne que l'autonomie de l'AFD résulte également du cadre institutionnel dans lequel elle inscrit son action. Les nombreuses instances de décision dévitalisent le conseil d'administration : un dialogue de haut niveau a été mis en place sous la forme d'une réunion trimestrielle entre le directeur général de l'AFD, la directrice générale du Trésor et le secrétaire général du MEAE. Un comité de pilotage a également été instauré au niveau du ministre des affaires étrangères. De plus, l'AFD n'ayant pas de ministre référent, elle peut entretenir des relations avec l'ensemble des services de l'administration centrale. Or si l'aide publique au développement est par nature interministérielle, un équilibre doit être trouvé entre une large autonomie et un attachement trop restrictif à un ministère. Selon vous, la triple tutelle de l'AFD, partagée entre les ministères des affaires étrangères, de l'outre-mer et de l'économie et des finances, est-elle à l'origine de cette particularité institutionnelle ?
Le plan de 2015 pour revitaliser la tutelle des opérateurs du Quai d'Orsay prévoit, en application de la circulaire du Premier ministre, un rétablissement de la hiérarchie des documents d'orientation - lettres de mission, lettres d'objectifs, etc. - dont certains font défaut, notamment en ce qui concerne l'AFD. C'est à cela que nous faisions référence, plutôt qu'à la tenue de réunions régulières.
Concernant l'Institut français, la Cour des comptes n'a pas pris position sur l'expérimentation en cours, rappelant simplement que certaines dispositions qui permettraient de mieux articuler l'Institut français et son réseau, notamment le mot à dire du directeur sur les nominations, ne sont pas appliquées. Si elles sont utiles, il conviendrait pourtant de le faire ; mais la Cour des comptes ne remet pas en cause l'expérimentation.
Plusieurs questions très pertinentes ont porté sur les dilemmes de la tutelle. Les 27 indicateurs du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD relèvent-ils d'un excès de minutie ? C'est possible, mais l'AFD représente 10 milliards d'euros d'engagements par an, contre 2,5 milliards au début des années 2000. Ses effectifs ont augmenté de 25 % sur les cinq dernières années. Cela mérite à tout le moins un compte rendu.
Je ne suis donc pas choqué par ces 27 indicateurs ; en revanche, je m'étonne de ce qu'ils portent tous sur les moyens et aucun sur les résultats. Il convient pourtant d'évaluer le retour des investissements ou des prêts ; c'est ce que nous venons de faire auprès du Fonds d'investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (Fisea), géré par l'AFD et Proparco.
Le risque d'une tutelle trop minutieuse et insuffisamment stratégique est donc réel. Le conseil d'administration de l'AFD se réunit chaque mois pour approuver une liste d'opérations. En cas de réticence d'une tutelle, le dossier est de nouveau présenté à la réunion suivante... Or le conseil d'administration devrait surtout s'intéresser aux grands arbitrages stratégiques, comme nous le soulignons dans le rapport de contrôle de l'AFD.
Monsieur Karoutchi, nous avons identifié la situation délicate de France Médias Monde.
Madame Lavarde, le manque d'attractivité des administrations centrales par comparaison avec les grands opérateurs est une réalité, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères comme à celui de la culture, où, dans l'administration centrale, on rêve de rejoindre les grands établissements et les musées.
L'efficacité, monsieur Laménie, est tout l'enjeu du pilotage stratégique, qui consiste à fixer des objectifs intelligemment choisis pouvant donner lieu à une évaluation vérifiable. Ce n'est pas toujours facile.
Monsieur Bascher, il y a des cotutelles qui fonctionnent, comme celle des ministères de l'économie et des finances et des affaires étrangères sur Business France. Ces deux ministères parviennent à s'entendre sur des sujets conflictuels.
Je réserve mon jugement sur l'objectif de réduction de 10 % du coût des réseaux, qui est une décision politique. Pour Atout France et Business France, des demandes supplémentaires s'y sont ajoutées, puisqu'il a été projeté de resserrer le réseau de ces deux opérateurs ; nous n'avons pu examiner ce point en détail.
Madame Vermeillet, je ne crois pas qu'il y ait trop d'opérateurs. Le réflexe de l'État consiste trop souvent à fusionner. La DGM en est d'ailleurs un exemple... Est-ce toujours une bonne idée ? Ainsi, l'absorption d'Expertise France sous forme de société anonyme par l'AFD est envisagée. En Allemagne coexistent une agence d'expertise et une banque de développement, ce qui se conçoit : ce sont deux métiers différents. Il y a peut-être un ou deux opérateurs sur la pérennisation desquels on peut s'interroger, mais le nombre n'est pas en soi un signe de mauvaise gestion.
La multiplication des instances de pilotage politique et stratégique à l'AFD, relevée par M. Collin, reflète-t-elle une difficulté à exercer ses missions ? La multiplication des instances semble témoigner d'un problème qui cherche sa solution, si je puis dire, mais je ne crois pas que la triple tutelle en soit responsable.
Les réorganisations et fusions ne sont pas toujours une garantie d'efficacité : je suis heureux de vous l'entendre dire, monsieur Andréani, et il serait bon d'en tenir compte dans d'autres domaines !
Les problématiques se mondialisent de plus en plus, nous venons de payer pour l'apprendre. Les cartes sont rebattues, et chacun doit, dans ce nouveau contexte, avoir les moyens de diffuser sa conception du monde. L'efficacité de notre diplomatie est un objectif important.
Vous avez mis en évidence dans votre enquête l'hétérogénéité des opérateurs, la difficulté à les coordonner, les enjeux de cohérence de l'action extérieure, de lisibilité des objectifs de la diplomatie française, la question de l'efficacité de notre action d'influence. Tout bouge, et les objectifs assignés aux opérateurs doivent nous permettre d'ajuster leur intervention.
Il y a des freins, des inerties dans les stratégies des organisations. On peut avoir des doutes sur la capacité des opérateurs à s'aligner sur les objectifs de la diplomatie française. La capacité de notre diplomatie à peser à l'avenir n'est pas assurée, et de nombreuses questions de rationalisation et d'articulation se posent. Mais il ne faut pas y renoncer.
Je reprends à mon compte la quasi-totalité des remarques de M. Andréani.
Certes, l'AFD est un enfant quelque peu agité, difficile à contrôler, voire hyperactif, mais le père et la mère ne sont pas au même niveau ! En effet, le MEAE ne peut agir que sur ce dont il a la responsabilité : la conduite de projets, qui relève du programme 209 et représente moins de 10 % du bilan de l'établissement bancaire qu'est l'AFD. Le reste, c'est-à-dire l'activité de prêt, relève du ministère de l'économie et des finances, à travers la direction générale du Trésor.
Au cours d'un entretien de deux heures avec Rémy Rioux hier, je lui ai demandé si l'AFD se considérait comme un opérateur : je n'ai pas eu de réponse... L'AFD, par la voix de son directeur général, se considère comme une plateforme à vocation internationale. Sa volonté de présence renforcée, accompagnée d'un développement de ses capacités financières, est à mettre à son crédit.
Mais il faut aussi raison garder : le bilan de l'AFD représente peut-être un vingtième, voire un cinquantième de celui de la Chinese Development Bank... Pour le prochain Forum pour la paix qui se tiendra les 12 et 13 novembre prochains, l'AFD a pris l'initiative intéressante d'inviter les 400 agences et banques de développement mondiales à réfléchir sur la crise qui touche notamment l'Afrique au plan économique, avant de la toucher sur le plan médical. Cependant, quel est le but de l'exercice ? Veut-on une déclaration sur les objectifs du développement durable ? Dans ce cas, quel texte sera négocié ? Comment tirer la Banque chinoise de développement, qui finance des centrales à charbon, vers l'environnement ?
Le directeur général de l'AFD développe une véritable vision du développement dans son dernier ouvrage, à l'opposé de celle de la tutelle - un mot que l'on n'aime pas prononcer dans les couloirs de l'agence... On peut comprendre que le développement relève d'une politique en soi pour l'AFD ; c'est une vision généreuse qui correspond à l'image de notre rayonnement international ; mais je viens des milieux politico-militaires et je vois l'aide au développement comme un instrument d'influence au service de notre diplomatie. Cette vision me semble confirmée par la diplomatie du masque à laquelle nous avons assisté au cours des derniers mois. Quelles conceptions des relations avec la Chine en découlent ? Faut-il lui accorder des prêts au titre du développement ? On voit que la tutelle relève de la pesée d'intérêts au trébuchet.
Les conseils d'administration sont studieux, on y traite beaucoup de dossiers, souvent transmis au dernier moment. C'est la stratégie de ces organisations que de nous pousser dans nos retranchements. L'AFD a bâti, sous l'impulsion de son directeur général, une équipe de communication d'une vingtaine de personnes, avec la volonté de se projeter vers l'extérieur. En a-t-on réellement besoin ?
Certains projets de l'AFD parviennent, en même temps qu'à la tutelle, sur le bureau du directeur du programme 209, de celui du programme 110 à la direction générale du Trésor, au Parlement et sur certains bureaux de la présidence de la République... C'est de la très bonne politique, et je ferais sans doute la même chose à la place du directeur général de l'AFD ! Il faut cependant rappeler que l'agence dépend des crédits alloués par les ministères des affaires étrangères et des finances.
L'enjeu consiste donc à trouver le moyen de réguler cette activité. Voilà trois mois, le MEAE m'a demandé de concevoir une initiative sur l'Afrique. L'AFD a réagi très rapidement et formulé une proposition ambitieuse. Cependant, la mise en oeuvre a nécessité un exercice de négociation et de discussion afin de réorienter les crédits déjà engagés - ce que l'AFD ne sait pas bien faire.
Par conséquent, ne croyez pas que dans l'examen des projets, l'administration fasse fonction de guichet à hygiaphone ou de chambre d'enregistrement ! Le portage est nécessairement source de tensions face à une organisation qui a considérablement grossi et conserve un réel dynamisme, notamment grâce à sa filiale Proparco. Cependant, la montée des crédits publics implique un examen ; on ne gère pas le don aux ONG comme la distribution de macarons dans la rue... Cela exige une attention soutenue de nos équipes.
Le directeur général de l'AFD me réclame en permanence un assouplissement des seuils d'autorisation d'engagement. J'ai des difficultés à percevoir le lien entre l'aide à une association de basket-ball et le développement... L'institution se prend à son jeu.
Je partage donc votre jugement : Jean-Yves Le Drian vous l'a dit, il est extrêmement vigilant sur cette question. Ce n'est pas un exercice facile. Pour tout projet d'aide à l'Afrique, on se tourne vers l'AFD et le programme 209, mais ce programme est sous tension extrême !
Pour autant, il n'y a pas de laisser-aller dans le contrôle. J'ai dit à Rémy Rioux que les projets se concentraient trop en fin d'année, ce qui donne des conseils d'administration de huit ou neuf heures. On peut regretter certaines dérives, mais la direction générale du Trésor et la DGM sont très attentives. L'exercice du contrôle est très politique : tous les deux ou trois mois je réunis le Trésor et l'AFD au Quai d'Orsay, pour évoquer les dossiers sur un plan très général, celui des grandes orientations. Reste à déterminer qui fait quoi. Il n'est pas normal que la France soit représentée par la seule direction générale du Trésor à la Banque mondiale, alors que le MEAE est bien le chef de file de l'aide au développement.
Sur toutes ces questions, nous recevons des réponses parfois avec retard, mais nous ne renonçons pas. Faites confiance au Quai d'Orsay pour veiller à l'emploi du moindre sou dépensé. Nous sommes en train d'achever la rédaction du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD. D'aucuns ont jugé qu'avec la crise sanitaire, il n'était plus nécessaire. Nous avons remis les points sur les « i » : il l'est plus que jamais. Le texte sera prêt avant l'été.
La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie (textes A.N., n° 3018 et 3019) et désigne M. Alain Joyandet en qualité de rapporteur pour avis.