Le marché existe, mon cher collègue. En revanche, on ne peut pas en dire autant de l'offre !
En termes de soutien financier, le crédit d'impôt était une initiative intéressante, mais son niveau actuel est jugé par tous notoirement insuffisant pour inciter au passage à l'agriculture biologique, qui correspond à un bouleversement en profondeur du système de production agricole. Nos voisins européens font deux à trois fois mieux que nous dans ce domaine !
En réalité, le développement de la production biologique exige que l'on se donne les moyens de financer enfin correctement, non seulement la reconversion, mais encore le maintien. Les outils existent déjà - il s'agit des mesures agro-environnementales -, mais les moyens mis en jeu pour 2008 sont symboliques. En termes de crédits publics nationaux, les 71 millions d'euros dédiés globalement aux MAE pèsent moins de 7 % du milliard d'euros consacré par notre pays à « la gestion durable de l'agriculture ». C'est franchement dérisoire par rapport au noble objectif affiché pour prétendre développer la production biologique !
Compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre déjà évoquée, il existait pourtant un véritable levier pour doper les concours publics destinés à développer l'agriculture biologique et à haute valeur environnementale, à budget constant : le redéploiement des crédits européens déversés chaque année sur l'agriculture.
En effet, ce sont quelque 10 milliards d'euros en provenance de l'Union européenne qui viennent chaque année irriguer directement l'agriculture française, des crédits que la France a décidé, sous la pression du lobby céréalier, de distribuer de la pire manière qui soit.
Plus de 52 % des aides aux marchés et aux revenus agricoles sont des aides découplées, liées aux droits à paiement unique, les DPU. Je tiens à préciser quelle en est la teneur exacte, afin que chacun puisse se faire une opinion précise. Ces aides découplées à la française sont des droits à primes liés à la terre, calculés sur la base des anciennes primes dites « compensatoires » touchées par les exploitants agricoles entre 2000 et 2002.
À titre d'exemple, la prime MAE à l'herbe s'élevait à l'époque à quelque 60 euros l'hectare, tandis que la prime dite « compensatoire » pour le maïs irrigué s'élevait à 490 euros l'hectare.
« Compensatoire », ai-je dit ? En effet, la réforme de la PAC, réalisée en 1993 sous la pression de l'Organisation mondiale du commerce et des contraintes internes à l'Union européenne, s'était accompagnée d'une baisse importante des prix garantis, dont le dispositif de soutien était particulièrement coûteux.
Le budget agricole européen s'en trouva réparti selon des principes nouveaux : beaucoup moins de soutien aux marchés et aux prix, ainsi que deux innovations, à savoir les MAE, qui auront toujours la portion congrue, et les fameuses primes « compensatoires », qui permettront de maintenir le système inique en vigueur depuis des décennies.
L'argent public continuait ainsi de financer prioritairement les exploitations les plus grandes et les plus productivistes : prime à l'hectare, prime au capital, et donc prime à l'agrandissement des exploitations et à la destruction du monde paysan au profit d'agromanagers amateurs de primes !