Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 juin 2020 à 16h15
Gestion de la crise sanitaire et « ségur de la santé » — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Vous avez anticipé les difficultés qui se posent sur votre première question, concernant la gestion du stock d'État de masques. Quand je suis arrivé, il y avait 120 millions de masques, ils étaient, avant cela, beaucoup plus nombreux. Dans les archives du ministère, il apparaît qu'un très grand nombre de masques avaient été achetés par Mme Bachelot - vous savez combien cela lui avait été reproché - et ne portaient pas de date de péremption. Année après année, ils ont été périmés ou utilisés, mais pas remplacés. Les commissions d'enquête reviendront sur le sujet. Je préfère, quant à moi, regarder devant. Il n'y a pas eu, à mon sens, de faute politique ou individuelle, c'est une question de pilotage, qui doit nous conduire à faire des choix pour la Nation. Notez que 1 milliard de masques distribués en population générale, cela aurait suffi pour cinq à six jours seulement. Comment faire ? C'est une question qui nécessite un débat démocratique qui devra se tenir, car elle emporte un coût dans la durée.

La question des essais cliniques a suscité beaucoup d'émotion, d'incompréhension, et parfois d'agressivité dans la société, mobilisée - je m'en étonne ! - par une partie de la classe politique. Ce qui s'est passé avec l'étude publiée par le Lancet est vraiment regrettable. Cette revue, l'une des trois plus grandes du secteur, a vu trois des auteurs de l'article demander son retrait ; toutefois, cela ne signifie pas que le résultat publié aurait dû être inverse. La qualité méthodologique d'autres études a également été considérée comme douteuse et celles-ci ont été également retirées. Cela crée un émoi légitime et j'ai écrit au Lancet pour demander une relecture indépendante des données brutes. Je le répète, cela ne signifie pas que l'hydroxychloroquine ait démontré son efficacité dans des essais cliniques. J'ai sollicité le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ce qui m'a permis d'autoriser le recours à ce traitement à titre compassionnel, en milieu hospitalier, pour des formes graves.

Je dispose du relevé de conclusions du HCSP, qui contient une revue de toute la littérature en la matière. Son avis n'a pas évolué. Les responsables de l'essai Recovery mené en Grande-Bretagne ont décidé d'interrompre son volet hydroxychloroquine. J'aurais préféré que ce traitement démontre son efficacité, j'avais d'ailleurs tout mis en oeuvre pour que, dans l'hypothèse où ce serait le cas, nous disposions de réserves suffisantes pour traiter tous ceux qui en auraient eu besoin. Les études publiées et à venir dans des revues très sérieuses indiquent que l'on peine à inclure de nouveaux malades, car il n'y en a plus beaucoup. Depuis la fin mars, les prescriptions ont chuté très rapidement, car les cliniciens ont constaté l'absence de données probantes. Si le HCSP me disait de ne pas autoriser la prescription d'un médicament et que je ne suivais pas cet avis, je suis certain, avec le recul, que j'aurais droit à une commission d'enquête, dont la création aurait été justifiée et devant laquelle j'aurais des difficultés à répondre !

Madame la sénatrice, la liberté de prescription n'a pas été entravée. L'article 8 du code de déontologie médicale la définit comme étant limitée par la loi et par les acquis de la science. De plus, on sait que le mésusage de médicaments a entraîné beaucoup plus de drames sanitaires que le retard de prescription.

S'agissant des personnes âgées maintenues à domicile depuis le déconfinement, une campagne de communication nationale a été lancée, une consultation longue spécifique a été créée pour évaluer les impacts du confinement, s'assurer de la continuité des soins et conseiller ces personnes sur les mesures de protection à prendre dans le cadre du déconfinement. Un bilan est en cours sur l'utilisation qui en a été faite, s'il faut poursuivre l'expérience, nous le ferons. La consultation bilan et vigilance annoncée le 29 mai était temporaire, il n'est pas prévu de la prolonger. Il s'agit d'inciter les patients à revenir chez leur médecin pour des consultations de rattrapage. Nous dresserons le bilan de tout cela et tout ce qui devra être prolongé le sera.

Nous étions 300, parlementaires, représentants des collectivités territoriales, syndicats, à la réunion inaugurale du Ségur. Un comité, comprenant une cinquantaine de membres, est consulté sur les retours d'expérience dans les territoires ; le travail se répartit ensuite par groupes sur les quatre grands piliers du processus, dont l'un est chargé des négociations sociales sur les revendications salariales et se plie donc à des règles spécifiques. S'agissant des organisations syndicales, le paysage est complexe : les différents corps médicaux sont représentés par les grandes centrales, auxquelles s'ajoutent, pour les praticiens hospitaliers, des organisations catégorielles. Cela peut donc donner l'impression d'une surreprésentation de certains médecins. Le syndicat Jeunes médecins a demandé à participer et je l'avais convié dès avant le jugement qui nous y a incités. Nous avançons bien.

La consultation nationale destinée à tous les soignants hospitaliers que je m'étais engagée à lancer a été mise en ligne il y a vingt-quatre heures et a déjà rencontré un grand succès, avec plus de 13 000 réponses, dont un tiers émanent d'infirmiers. Ces réponses contribueront à enrichir les décisions que nous prendrons.

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