Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 juin 2020 à 16h15
Gestion de la crise sanitaire et « ségur de la santé » — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Monsieur Vanlerenberghe, notre seule doctrine pour le port de masque était : protéger les soignants. Elle a été écrite et validée et a donné lieu à des priorisations dans des conditions très difficiles, avec un stock qu'il fallait gérer pour éviter la pénurie, pour protéger les réanimations et les urgences, puis pour distribuer des millions de masques en ville. Cela a donné lieu à des sacrifices importants, comme celui des dentistes, qui n'ont pas pu travailler faute de masques FFP2. J'ai interrogé toutes les agences et toutes les sociétés pour connaître les doctrines en vigueur. En population générale, le HCSP considérait au début de la crise qu'il n'y avait pas de preuve que le port masque soit de nature à protéger, sauf s'il était porté en permanence par au moins 60 % de la population. Ce n'est même pas le cas aujourd'hui, il me semble, alors qu'il est maintenant recommandé et parfois obligatoire. La science évolue, les recommandations aussi et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande désormais dans certaines situations le port du masque en population générale, mais seulement depuis le 5 juin.

Des questions se posent, parfois vivement, je l'entends, mais vous avez sous les yeux des éléments factuels, des recommandations nationales et internationales datées, au sujet desquelles j'ai communiqué. Cela ne satisfera pas ceux qui auraient voulu disposer de masques, mais je n'ai pas cherché à masquer la situation, si je puis dire. J'ai pris mes fonctions le 17 février, je ne suis pas tributaire du stock de masques dont je disposais alors, mais je ne jetterai la pierre à personne.

S'agissant du PLFRSS, en l'absence d'une consolidation des déficits dans le champ des affaires sociales, puisque nous anticipons encore un creusement de la dette sociale, il nous est impossible d'en préparer un qui soit sincère, ou alors il faudrait le faire chaque semaine ! Je comprends toutefois votre question et je suis très attaché, comme vous, à l'exercice budgétaire annuel.

Les aides à domicile sont fondamentales et le premier déplacement que j'ai effectué comme ministre a été pour leur rendre hommage, avec des annonces de rallonges budgétaires, certes aujourd'hui très dépassées. Je considère qu'il s'agit de travailleurs pauvres qui sont pourtant indispensables au fonctionnement de la société. Je crois beaucoup à la notion, parfois un peu ringardisée, du care, du prendre soin. On se rend compte de notre vulnérabilité quand on est très jeune, très âgé ou très malade, une épidémie est donc le bon moment pour reconnaître la place de ces femmes, surtout, dans la société. Joan Tronto ou Carol Gilligan ont d'ailleurs montré que, historiquement, ces métiers étaient sous-payés, car ils étaient destinés aux femmes. Ils le sont restés. Notre responsabilité collective est énorme et nous devons bouger. Sur la prime, nous avons été bloqués par le mécanisme budgétaire, car nous ne pouvions la verser qu'aux personnels rémunérés, même en partie, par l'assurance maladie. Or ce n'est pas le cas des aides à domicile. Nous travaillons sur le sujet avec les départements et notamment avec M. Dominique Bussereau. En tout état de cause, j'entends revaloriser sensiblement leur rémunération, nous en parlerons dans le cadre du Ségur, mais aussi au sujet du plan grand âge autonomie.

Enfin, prélever un pourcentage des paiements scripturaux, cela ressemble bien à une taxe, une sorte de TVA bis. Pourquoi ne pas regarder cette idée ?

Monsieur Daudigny, l'avenir du stock stratégique doit faire l'objet d'une réflexion collective. Tirons les conclusions de cette période : faut-il réaménager les agences sanitaires ? Recréer l'Eprus ? Santé publique France est-elle suffisamment outillée en matière de logistique ? Je ne sais pas, je me pose les mêmes questions que vous et je travaillerai volontiers, avec vous et d'autres, sur la refonte éventuelle de notre système de sécurité sanitaire.

En ce qui concerne le pôle public du médicament et la stratégie européenne, nous ne pouvons pas rester dépendants de l'Inde et de la Chine. Aujourd'hui, plus de 90 % des matières premières qui servent à fabriquer des médicaments essentiels se trouvent au bout du monde. Nous manquons, par exemple, de propofol, nous disposons des compétences pour en fabriquer, mais pas des matières premières nécessaires. Le problème doit être traité, selon moi, au niveau européen, d'autant que ces installations sont souvent classées Seveso et qu'il serait donc préférable de répartir les contraintes. Il faut donc mettre en place une politique européenne en matière de production de médicaments, mais aussi de fourniture en matières premières.

La prime exceptionnelle va bénéficier au secteur lucratif comme au secteur non lucratif, j'ai déjà écrit aux fédérations concernées à ce sujet. Le secteur privé a été mobilisé, il est normal donc qu'il bénéficie aussi d'un coup de pouce.

Monsieur Chasseing, nous n'avions pas de tests au début de l'épidémie parce que ceux-ci n'existaient pas ! Le test PCR a été mis au point en Allemagne après l'identification du virus, et aujourd'hui, nous ne disposons pas non plus de tests pour des virus qui n'ont pas encore été découverts... Nous avons dû implanter des structures lourdes de PCR, nous avons acheté dix-huit machines, des laboratoires se sont équipés. Au stade 1, tout le monde était testé, comme ce fut le cas aux Contamines-Montjoie, au stade 2 également, mais au stade épidémique, l'OMS recommandait de ne tester que pour confirmer le diagnostic chez les personnes très malades, très fragiles ou chez les soignants. Les autres devaient être par défaut considérés comme malades, et recevoir la même prise en charge. Aujourd'hui, nous revenons vers le stade 2 et 99 % des prélèvements effectués sont négatifs.

Fallait-il tester l'association hydroxychloroquine-azithromycine au début des symptômes ? Je ne connais pas le bon timing à mettre en oeuvre pour démontrer que ce traitement fonctionne. Les études publiées sont négatives sur les formes graves, comme chez l'animal, quand on lui inocule la même maladie entraînant les mêmes complications, les observations menées chez les patients traités par chloroquine pour des pathologies chroniques montrent qu'ils ont autant développé la maladie que les autres. Je le regrette, car j'aurais aimé disposer d'un traitement français, efficace, disponible et peu cher ! Il y a eu des études de bithérapie en phase précoce, par exemple à Angers ou à Montpellier, mais elles n'ont pas donné lieu à publication, car elles ne rassemblaient pas assez de patients pour que leurs résultats soient statistiquement valables. Par ailleurs, j'ai reçu des alertes de l'ANSM sur des effets indésirables cardiaques liés à cette bithérapie, avec une rémanence très longue du traitement pouvant provoquer des complications tardives. Il faut faire en sorte que la science l'emporte sur toute autre considération, notamment politique.

Madame Micouleau, les aides-soignants et les infirmiers sont représentés dans le Ségur par les cinq grandes centrales, les syndicats de médecins hospitaliers sont plus catégoriels ; toutefois, les ordres sont également invités et toutes les propositions qui remonteront par quelque structure syndicale nous seront utiles et précieuses et feront l'objet d'un examen attentif. Ces organisations participent en outre aux retours d'expérience des territoires.

Vous avez raison, le suivi des malades du Covid-19 dans la durée est une question fondamentale et l'expérimentation toulousaine est intéressante. D'autres protocoles ont été mis en place avec des épreuves fonctionnelles respiratoires et des scanners low dose pulmonaires pour la recherche de fibroses tardives, y compris chez les patients qui n'ont pas eu de forme grave. Nous devons rester attentifs, car nous n'avons pas de recul sur les complications à moyen ou long terme. C'est une priorité de santé publique que nous regardons de très près.

Madame Meunier, je suis désolé, je ne sais pas pourquoi ma réponse ne vous est pas parvenue. Elle sera double, elle n'a pas fait l'objet d'un arbitrage, mais elle aura valeur de décision ministérielle - que je prends sous le regard inquiet de mes conseillers ! Dans le cadre d'une procédure en France, si la future mère a atteint ou dépassé l'âge limite pendant le confinement, je ne vois pas comment ne pas faire un geste et rembourser la prise en charge, même si le terme de la procédure devait être différé de quelques semaines ou de quelques mois.

La situation est différente pour les nombreuses familles engagées dans une procédure à l'étranger, qui ne peut être remboursée. C'est pour cette raison qu'il faut voter rapidement la loi Bioéthique ! Je comprends la détresse de ces familles, pour lesquelles tout était prévu et qui ont dû interrompre le processus, mais je n'ai pas de solution à leur proposer. Les frontières ouvriront le 15 juin, et certains parcours reprendront, mais ces familles ne sont pas dans une situation légale aujourd'hui.

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