Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 juin 2020 à 16h15
Gestion de la crise sanitaire et « ségur de la santé » — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Madame Féret, pour répondre à votre première question, il y a une proposition de loi sur un fonds d'indemnisation des victimes qui sera examinée le 25 juin au Sénat : nous pourrons donc en débattre.

Une précision cependant : j'entends parfois que certains soignants ont la prime et que d'autres ne l'ont pas. Tous les soignants ont la prime, mais son niveau varie en fonction de la charge épidémique dans l'établissement où ils travaillent : elle est de 500 euros pour les hôpitaux n'ayant pas eu plus de 14 malades en réanimation pendant la période et de 1 500 euros pour tous les autres. Une infirmière de réanimation à Mulhouse a forcément été plus impliquée qu'un médecin de médecine nucléaire d'un hôpital loin de tout cluster et qui n'a pas vu un seul malade en réanimation. Les seuils posent toujours des problèmes, mais nous avions à coeur de majorer la prime pour ceux qui ont été mis à rude épreuve.

De mémoire, un appareil pour réaliser des tests PCR a été envoyé à Saint-Pierre-et-Miquelon pour éviter que les malades soient obligés de se rendre au Canada, l'hôpital est donc en mesure de répondre à la situation épidémique. La quatorzaine est effectivement en vigueur jusqu'au 10 juillet ; ensuite, nous continuerons à protéger le territoire, mais en permettant une réouverture indispensable.

Madame Imbert, vous m'interrogez sur l'articulation concernant la recherche clinique entre la ville et l'hôpital. Pour le Covid-19, nous avons organisé la recherche clinique autour du consortium REACTing qui a pu être pilote dans beaucoup d'études cliniques menées tant en ville qu'à l'hôpital. J'ai demandé une analyse de la coordination de ces travaux pour faciliter la conduite de la recherche clinique et en tirer des conclusions dans les tout prochains jours.

Heureusement qu'il existait une filière nationale de masques de protection, pas suffisante en période d'épidémie, mais qui en produit une quantité non négligeable en période normale par rapport aux besoins courants. Nous avons mobilisé très tôt et très fortement tous les industriels, notamment les cinq grands industriels français qui fabriquent des masques ; je les remercie et je remercie tous les salariés qui ont fait les trois-huit pour produire, notamment, des masques FFP2. Depuis lors, beaucoup d'entreprises se sont piquées de réorienter une partie de leur industrie ; Mme Jeanne Lemoine, des entreprises Lemoine, dans l'Orne, a non seulement reconverti son usine de fabrication de cotons-tiges en écouvillons de prélèvements, dont elle produit 800 000 par semaine, mais elle est aussi en mesure de produire désormais 180 millions de masques par an. Le Président de la République s'était engagé à ce que la France soit autonome en production de masques d'ici à la fin de l'année. J'entends les premières critiques qui parlent de surproduction : à l'Assemblée nationale hier, on me reprochait qu'il y ait trop de masques, comme je l'avais prédit. J'assume cette situation, je vous le dis les yeux dans les yeux : étant dans un besoin criant, nous avons fait appel à la mobilisation de la Nation pour disposer de matériel indispensable en pleine période épidémique, mais nous ne pouvions pas savoir si le déconfinement, un mois plus tard, se passerait bien ou pas si bien que cela. Certaines critiques font donc plus mal que d'autres... Cela dit, il faudra répondre aux industriels qui ont fait le travail.

Si la prime pour les personnes travaillant en Ehpad est effectivement versée par les départements, je ne suis pas opposé à ce qu'elle soit exonérée de cotisations comme la prime versée au secteur hospitalier.

Madame Cohen, une séance de négociation salariale multilatérale en bonne et due forme avec les structures syndicales représentatives a lieu vendredi, avec Mme Nicole Notat. Demain, le comité Ségur se réunit toute la journée. Les négociations progressent, mais il faut respecter leur avancée avant de sortir un chiffre. J'entends qu'il y a une attente forte de la profession : je me suis entretenu par téléphone ce matin avec quelques syndicats et avec le Collectif inter-hôpitaux. Rien ne serait à mon sens moins productif que de claquer la porte aujourd'hui. Le syndicat Sud a fait ce choix, mais je le remercie néanmoins, parce qu'il a passé une heure et demie en audition bilatérale où il a pu formuler des propositions intéressantes - pour ma part, j'aurais aimé continuer à en discuter.

Ma porte reste ouverte et celle de Nicole Notat aussi. J'entends l'impatience, il faut que l'on bouge vite, j'en suis convaincu, mais un grand plan de transformation de la santé bouclé en un mois, ce n'est pas arrivé très souvent dans l'histoire. Je me fixe donc l'objectif d'avancer dans l'année et je réserverai les annonces aux intéressés.

Vous demandez s'il ne faudrait pas une démarche citoyenne pour l'évaluation des besoins en médicaments. Fort de l'expérience de l'épidémie, je vous répondrais que je crois en la démarche scientifique pour évaluer au plus près les besoins dans ce domaine. La dernière loi de financement de la sécurité sociale que vous avez votée comportait des mesures contraignant les laboratoires à garantir un stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur correspondant à quatre mois de consommation courante sur le territoire européen, sous peine d'une forte amende. Évidemment, lorsque se produit une augmentation de 2 000 % de la consommation d'un médicament d'un jour sur l'autre et au niveau mondial, toutes les ceintures et les bretelles législatives imaginables ne peuvent empêcher les difficultés. Je crois très fortement dans la démocratie sanitaire ; il y a d'ailleurs un volet démocratie sanitaire important dans le Ségur de la santé. Je suis donc favorable à la participation de représentants d'usagers en matière de prix des médicaments, mais pour déterminer quels sont les bons médicaments - je le dis sans taquinerie - je préfère faire confiance aux autorités scientifiques compétentes. Je n'estime pas en être une ; c'est pour cela qu'à chaque doute, je les ai saisies.

Le paiement de la prime au personnel des Ehpad est possible en juin ; c'est ce qui explique que certains ne l'ont pas touchée en mai. Elle est remboursable à 100 % par l'assurance maladie dès juillet.

Monsieur Lévrier, on n'arrête pas les prouesses : voici un masque chirurgical qui est filtrant à 95 %. La norme Afnor prévoit une filtration entre 70 et 90 %, mais, comme en France, on aime le travail bien fait, beaucoup de masques lavables se sont retrouvés avec un niveau de filtration supérieur à 90 %, frôlant l'efficacité des masques chirurgicaux. Celui-ci est fabriqué à Grenoble - vous voyez que je n'ai pas perdu mes réflexes de parlementaire... Bien sûr, si on peut les préférer aux jetables, si on peut faire un peu de développement durable et encourager l'industrie textile, ce serait mieux. Je rassure les industriels : la France est le seul pays à avoir normé des masques réutilisables lavables ; or je crois qu'il y a une demande mondiale très forte et je pense que nous avons vocation à exporter. Si nous parvenons à renforcer notre industrie, ce sera toujours cela de pris !

Il y a actuellement 650 000 actes de télémédecine par semaine : ce nombre a baissé par rapport au million d'actes pendant le confinement, mais reste très haut : on n'en était qu'à 20 000 actes par an auparavant. Le Ségur fait évidemment le point précis sur ces questions.

Travailler mieux oui, mais parfois, pour travailler mieux, il faut se sentir valorisé. Si j'étais aide-soignant en Ehpad de nuit, je me serais senti un peu mieux en sortant épuisé de ma garde, si, au moins, je gagnais ma vie correctement. Mais vous avez raison, le Ségur doit réfléchir à des organisations qui permettent à chacun de s'y retrouver.

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