Intervention de Michel-Édouard Leclerc

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 juin 2020 à 9:5
« plan de relance : quelles mesures pour relancer la consommation et l'investissement ? » -table ronde par téléconférence

Michel-Édouard Leclerc, président-directeur général du groupe Leclerc :

Nous sommes encore dans la crise, ce qui rend plus compliqué de réfléchir au « monde d'après » - je vous parle depuis le siège du groupe Leclerc, où il n'y a encore que 10 % des effectifs, nous serons 40 % fin juillet, et au complet seulement à la fin septembre. Je pense aussi à mes collègues, par exemple de la FNAC-Darty, qui viennent tout juste de rouvrir, comme les commerces en coeur de ville, et qui ont subi la crise de manière plus forte encore que nous qui sommes restés ouverts pendant le confinement.

Au-delà des aspects sanitaires et médicaux, au-delà des drames sociaux qui nous frappent et dont on connaît les chiffres, je commencerai par souligner que, sur le plan technique, la gestion de la crise nous a fait beaucoup apprendre et, globalement, cette crise d'une ampleur inédite a été plutôt bien gérée. Les distributeurs ont beaucoup parlé avec les transporteurs, les producteurs, les industriels, nous avons repris un dialogue perdu depuis des années, alors qu'on ne parlait plus que de guerre des prix, ce qui est très positif ; nous avons aussi beaucoup dialogué avec les pouvoirs publics, avec les administrations. Nous sommes donc prêts à travailler sur le plan de relance, tous les acteurs des filières ont conscience que personne ne s'en tirera seul, cela me parait un acquis très important de la gestion de crise.

La consommation repart assez fort, apparemment, mais attention aux chiffres trompeurs. N'oublions pas, d'abord, ce que la reprise constatée de la consommation doit à la fermeture des cantines scolaires et de la restauration collective : 1,8 million d'enfants sont nourris à la maison plutôt qu'à la cantine, donc les courses se font dans le commerce. Les hypermarchés ont été très touchés par la crise sanitaire, ils sont loin d'avoir retrouvé leur niveau antérieur, il y a aussi les pertes de loyers dans les centres commerciaux, mais l'impression d'ensemble est que la consommation va tirer la croissance en retrouvant son rang. Au passage, je crois que la comparaison avec la consommation pendant le confinement n'est pas une bonne méthode pour pronostiquer la reprise, car le confinement a été une parenthèse, révélant des comportements de survie, où les consommateurs ont acheté à l'inverse de ce qu'ils faisaient jusque-là. C'était une période exceptionnelle.

Je crois aussi que le modèle français de consommation, plus qualitatif, donc plus rémunérateur pour les filières, va être conforté par la crise : aux critères de traçabilité et de maîtrise de l'approvisionnement vont s'ajouter des critères de sécurisation du produit, les consommateurs vont être plus exigeants sur les modalités de l'acte d'achat. Plus que d'une grande politique de soutien de la demande, nous avons besoin de recréer de la confiance et de l'attractivité sur les offres, pour que les Français dépensent leur épargne.

La crise a fait apparaître, ensuite, que les produits français sont plus chers - c'est un vrai sujet, en particulier pour les ménages qui ont moins de moyens. Au-delà de l'engagement citoyen, de la préférence pour le local, les protestations, voire l'agressivité, que l'on a constatées devant des fraises jugées trop chères, démontrent combien le prix est important. Nous avons donc certainement besoin de politiques publiques d'abord orientées vers les populations les moins aisées.

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