Intervention de Michel-Édouard Leclerc

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 juin 2020 à 9:5
« plan de relance : quelles mesures pour relancer la consommation et l'investissement ? » -table ronde par téléconférence

Michel-Édouard Leclerc, président-directeur général du groupe Leclerc :

J'achète le plan de M. Ragot ! Il est très structurant, en isolant une « dette Covid » qui permet de penser plus sereinement, en dehors de l'urgence, un plan plus ambitieux de relance et de conversion de notre économie. La crise est une opportunité pour « resetter » la politique d'investissement, et accélérer la transition vers une économie plus verte.

La politique de la demande doit être concentrée sur les populations les plus touchées financièrement et psychologiquement. C'est pourquoi un déconfinement très progressif est nécessaire. Le chômage partiel a des avantages financiers, mais cela revient aussi à appliquer le label « chômeur » à des chefs de famille, des femmes au foyer, d'où un problème de stigma fragilisant le retour de la confiance. Heureusement que le projet de réforme des retraites a été enterré : il créait une insécurité supplémentaire quant à l'avenir.

Il faudra aussi faire évoluer les revenus du travail, pour redonner l'envie de travailler. Une injonction contradictoire se dessine avec le besoin de compétitivité des entreprises. Une controverse récente sur le sujet a opposé Laurent Berger et le président du Medef. Pendant la crise, l'État a pris beaucoup de mesures d'assistance, développant les revenus de transfert, sans se pencher sur la valorisation du travail. Or c'est une source de revenus de long terme, qui a contribué à la modération de l'absentéisme dans les entreprises. Ne pas pouvoir s'identifier à une qualification, à un parcours dans une entreprise me semble très problématique, même si le sujet reste tabou à l'iFRAP ou au Medef... Les centres Leclerc distribuent 25 % du bénéfice avant impôt sous forme d'intéressement, de participation ou de gratification, mais encore faut-il avoir du bénéfice à redistribuer ! Je suis très attaché à cette idée de la participation défendue en leur temps par les gaullistes sociaux, tels que René Capitant ou Louis Vallon. La revalorisation des bas salaires est nécessaire, car les transferts de l'épargne vers la consommation ou l'investissement supposent, chez les salariés, la confiance retrouvée dans le futur.

Quant aux investissements, j'estime qu'il faut fixer les ambitions avant d'aller chercher les moyens. Tous les économistes, de Patrick Artus à Jacques Attali, soulignent qu'avec le vieillissement des populations la médecine et la santé seront, demain, un vecteur de croissance considérable. C'est pourquoi il est nécessaire d'y investir massivement.

Deuxième secteur essentiel, la mobilité et les transports : il y a vingt-cinq ans, j'ai fait raccorder tous les entrepôts Leclerc au réseau de la SNCF. Aujourd'hui, l'herbe pousse sur les voies... Il faudrait pourtant réorganiser le transport de marchandises de manière plus verte et économe en énergie, en insistant sur le réseau ferré.

Sur le tourisme enfin, nous avons de très fortes concentrations dans certaines zones touristiques, mais il reste des gisements de consommation et d'investissement considérables.

Il faut distinguer le jour d'après du jour de « juste après » : il conviendra d'abord de limiter les faillites par des allégements de charges et des aides à la trésorerie, sans confondre ces mesures avec les investissements nécessaires pour le futur. Ces investissements peuvent être financés par la dette. Les Grecs ont été mis à genoux pour des questions de principe, or nous traitons le sujet aujourd'hui comme si la dette était illimitée. Ne retombons pas dans l'ornière de l'analyse comptable, et commençons par concevoir des projets d'investissement.

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