Intervention de Bernard Buis

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 juin 2020 à 15h00
Présentation des plans de relance dans les domaines de l'énergie de l'agriculture et des télécommunications du numérique et des postes par les pilotes en charge des cellules de veille de contrôle et d'anticipation des secteurs correspondants

Photo de Bernard BuisBernard Buis :

Nous avons souhaité, dans un premier temps, travailler à apporter les réponses urgentes qui s'imposaient dans la situation de crise dans laquelle notre agriculture était plongée et avons remis, dans cette perspective, le 9 avril dernier, 15 recommandations au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Un certain nombre d'entre elles ont été mises en oeuvre, ce dont il faut se féliciter. Poursuivant notre travail constructif, nous avons concentré nos auditions, dans un deuxième temps, sur un thème : comment imaginer la relance du secteur en analysant, au préalable, les impacts de la crise filière par filière.

Il convient tout d'abord d'évacuer une idée fausse : l'agriculture et l'agroalimentaire n'ont pas été des secteurs épargnés par la crise. Même si les ventes de produits alimentaires dans les grandes surfaces ont augmenté, les pertes de débouchés à l'export, sur les marchés et dans la restauration ont abouti à un recul global de la demande alimentaire de 3 % durant le confinement. En parallèle, les investissements dans l'industrie agroalimentaire se contractent et les cours de nombreux produits agricoles sont au plus bas en raison de la surproduction. Cela pénalisera durablement la rémunération des agriculteurs et la compétitivité de notre agriculture. Pour en revenir aux pertes de débouchés, certaines filières étaient très dépendantes des débouchés de la restauration et sont aujourd'hui en souffrance : horticulture, les petites filières de volailles, le foie gras, les pommes de terre, les fromages sous signes de qualité. Ce ne sont peut-être pas les filières les plus représentées, mais elles sont souvent exemplaires dans la construction de leur prix, certaines sont même très exportatrices et paradoxalement, ces filières exemplaires ont été les plus pénalisées par la crise. Il semble important au Sénat, assemblée des territoires, d'appeler les pouvoirs publics à regarder de plus près leur situation.

La crise touche donc le secteur agricole dans toute l'Europe. Or, à ce stade, l'Union européenne n'a pas proposé, par le biais de la Politique agricole commune, une réponse à la hauteur des événements, comme l'a rappelé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. J'en veux pour preuve le montant débloqué pour gérer la crise, à savoir 80 millions d'euros environ ! Cela représente 8 euros par exploitation européenne. Je ne suis pas sûr que cela suffise. J'écarte à dessein les revalorisations de la PAC annoncées car elles n'auront lieu qu'à compter de 2021 mais les récentes annonces vont dans le bon sens. Dans le même temps, prenant le contrepied de la Commission européenne, d'autres grands pays ont mis l'agriculture au coeur de leur plan de relance. Quelques chiffres suffiront à le démontrer : 45 milliards d'euros ont été débloqués aux États-Unis dont 3 milliards d'euros d'achats publics, 16 milliards d'euros d'aides directes et 26 milliards d'euros pour l'aide alimentaire. Au Japon, début avril, 5 milliards d'euros ont été mobilisés pour venir en aide à l'agriculture, tout en investissant pour l'avenir. Même en Europe, à défaut de réaction de l'Union européenne, les États membres font leur propre place de relance, ce qui laisse mal augurer de l'avenir d'une politique agricole de moins en moins commune : 650 millions d'euros pour les seules filières horticoles et pommes de terre aux Pays-Bas, 1 milliard d'euros en Pologne et en Italie, dont un fonds de 450 millions d'euros d'aides directes.

Pendant ce temps, la France a privilégié des mesures horizontales durant la crise et n'a pas encore mis en place de plan sectoriel agricole. Il faut appeler dès aujourd'hui à la mise en place d'un tel plan car, à défaut, cela exposerait l'agriculture française à deux risques : d'une part, elle perdrait en compétitivité face aux autres pays, ce qui risque de nous exposer à un surcroît d'importations, alors que la crise a prouvé justement qu'il fallait les réduire ; d'autre part, compte tenu de la violence de la crise, l'avenir de certaines productions sont très clairement menacées à défaut d'aide, ce qui reviendrait à faire perdre à la France des savoir-faire que le monde nous envie.

Prenons l'exemple de la filière pigeons ou des canards à rôtir, filières qui réalisent entre 60 et 80 % de leur activité avec la restauration. Faute de débouchés, les éleveurs ont allongé leurs vides sanitaires et annulé des commandes chez les accouveurs qui ont dû, pour limiter leurs charges, réformer des cheptels reproducteurs. C'est une perte importante qui sera, au mieux, longue à reconstituer et, dans le pire des cas, définitive. Seules des aides ciblées aux filières les plus touchées peuvent être efficaces.

C'est pour traiter ces situations que nous avons dessiné une proposition de plan de relance, inspiré d'exemples étrangers, pour notre secteur agricole et nos industries agroalimentaires.

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