Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 juin 2020 à 9h30
Projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires des conseillers de paris et des conseillers de la métropole de lyon de 2020 organisation d'un nouveau scrutin dans les communes concernées fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président, rapporteur :

Nous sommes saisis du projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020. En préambule, permettez-moi de saluer nos collègues qui suivent nos travaux en téléconférence.

Ce projet de loi vise, d'abord, à prolonger les mandats des conseils municipaux dans l'hypothèse où le second tour des élections municipales ne pourrait pas avoir lieu en juin 2020 et à permettre le fonctionnement des communes et des intercommunalités concernées jusqu'à l'organisation d'une nouvelle élection à deux tours. Il tend, ensuite, à prolonger les mandats des conseillers consulaires représentant les Français de l'étranger.

Je veux souligner une particularité étonnante : les textes dont nous sommes saisis - nous examinerons ultérieurement un projet de loi organique visant à reporter les élections sénatoriales - ont été adoptés par le conseil des ministres le 27 mai dernier, le jour même où était pris le décret fixant la date de convocation des électeurs au 28 juin prochain. Le Gouvernement avance par précaution - et je comprends sa motivation -, avec ce décret de convocation et un projet de loi annulant les élections municipales et prolongeant le mandat des conseillers municipaux concernés. Il faudra bien mettre fin à cette contradiction pendant la navette, alors que chaque jour qui passe fait apparaître comme plus probable la tenue du second tour des élections municipales le 28 juin prochain.

Si l'Assemblée nationale puis le Sénat avaient adopté conforme le texte du Gouvernement, sauf déclaration d'inconstitutionnalité, le Président de la République n'aurait pas eu d'autre choix de le promulguer ou de demander une seconde délibération, ce qui aurait été un comble !

Au lieu d'adopter un texte qui prolonge les mandats et diffère les élections municipales, l'Assemblée nationale a prévu que l'entrée en vigueur de la loi soit décidée par décret. Malheureusement, cette formule imaginative a déjà été sanctionnée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 décembre 1986. La loi peut prévoir que l'entrée en vigueur d'un texte soit différée à une date qu'elle détermine elle-même, mais elle ne peut pas laisser au pouvoir règlementaire le soin d'en décider. La procédure de promulgation vise précisément à apporter la sanctification républicaine de la loi par un acte authentique du Président de la République.

Le Gouvernement peut donc soit choisir l'adoption d'un projet de loi inconstitutionnel, ce qui réglerait d'ailleurs tous les problèmes, soit rétablir la constitutionnalité probable du texte qu'il a présenté en conseil des ministres, mais en demandant une seconde délibération si nous l'adoptons en termes identiques. Je n'ai jamais eu, ni en tant que parlementaire ni dans l'exercice de mes fonctions précédentes, à devoir résoudre un problème de cette nature.

Le travail parlementaire ne consiste pas à délibérer sur des lois virtuelles, d'autant qu'il ne vous a pas échappé que notre pays traverse une crise profonde. À force de voir les parlementaires traiter de questions qui n'ont rien à voir avec les difficultés que rencontrent nos concitoyens, il ne faudra pas s'étonner que nombre d'entre eux finissent par réagir. Heureusement, ces subtilités juridiques, bien que visibles, n'ont jusqu'à présent pas marqué l'opinion publique ni les commentateurs. Mais le Sénat ne peut pas s'associer à ce processus en fermant les yeux.

C'est pourquoi je vous proposerai de faire de ce projet de loi une « coquille vide », en supprimant les dispositions relatives au report des élections municipales, mais de conserver ce qui concerne le report de l'élection des conseillers consulaires : autant il est probable que les élections municipales pourront s'achever le 28 juin prochain, autant il est certain que les élections consulaires ne pourront pas se tenir.

En tant que rapporteur, je souhaite ajouter des mesures pour sécuriser le scrutin municipal du 28 juin. Toutefois, peut-on amender un texte pour lui faire dire le contraire de ce qu'il prévoyait dans sa version initiale ?... Au point où nous en sommes, je n'y vois pas d'inconvénient réel...

Aussi, je souhaite inscrire dans ce projet de loi des dispositions concernant les procurations. D'ailleurs, l'Assemblée nationale, qui, elle, ne craint pas les contradictions, n'a pas hésité à le faire en reprenant in extenso l'un des articles d'une proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer voilà une quinzaine de jours avec Bruno Retailleau et Hervé Marseille, et dont nous nous sommes inspirés à l'occasion de l'examen, la semaine dernière, de la proposition de loi de Cédric Perrin.

Faut-il aller jusqu'à prendre autoriser le vote par correspondance pour le scrutin du 28 juin prochain ? Honnêtement, je ne le crois pas, faute de temps : il sera très difficile d'organiser les choses en toute sécurité et en évitant des polémiques. Supprimé en 1975, le vote par correspondance a laissé de mauvais souvenirs. Pourtant, les dispositions que nous avons adoptées la semaine dernière étaient extrêmement contraignantes et permettaient de prévenir les risques de fraude. Nous avons eu le mérite de rouvrir ce débat. Dans les prochains mois, nous devrons nous pencher sur l'actualisation de cette procédure de vote par correspondance et les garanties susceptibles de lui être apportées.

Enfin, je vous propose de maintenir une disposition, introduite par l'Assemblée nationale, visant à reporter les élections municipales dans les seules communes faisant état de nombreux cas de covid-19. Au regard du dernier avis du comité de scientifiques, cette mesure pourrait concerner des communes de Mayotte et de la Guyane. Il n'est pas exclu qu'elle puisse être utilisée sur le territoire métropolitain, en fonction de l'évolution de l'épidémie. Dans cette hypothèse, les résultats du premier tour du 15 mars dernier seraient annulés et il faudrait organiser une nouvelle élection à deux tours.

Le législateur aurait pu rester silencieux, une jurisprudence ayant autorisé le report d'un scrutin lors d'une catastrophe naturelle.

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