Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner que vous êtes contraint, eu égard aux orientations gouvernementales clairement dirigées vers la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses publique, de vous contenter d'une enveloppe en baisse de 2, 1 % en crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».
Je constate que vous avez su opérer des choix stratégiques, parmi de multiples axes d'intervention, afin de privilégier les dispositifs les plus efficaces, et je tiens à vous en féliciter.
Ce projet de budget s'inscrit dans une conjoncture très importante pour notre agriculture, puisque 2008 sera l'année du « bilan de santé » de la PAC et celle des Assises de l'agriculture, auxquelles le Parlement sera associé, ce dont je vous remercie.
Ces différents rendez-vous seront essentiels afin de répondre aux nombreuses préoccupations exprimées par le monde agricole, qui subit des crises sanitaires à répétition, souffre de l'augmentation du prix du gazole, du coût des céréales qui fragilise les filières porcines et aviaires, ainsi que du partage, toujours délicat, de la valeur ajoutée avec la grande distribution.
Le 20 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une série de recommandations en vue de l'élaboration de la réforme destinée à moderniser la politique agricole commune. L'objectif affiché est de l'adapter à la flambée des cours mondiaux du secteur. A titre d'exemple, le cours du blé à la cotation de Chicago s'est envolé, avec une hausse de 58 % en un an ; à Paris, le cours du maïs a augmenté de plus de 27%.
L'explosion de la demande dans des pays tels que la Chine et l'Inde est à l'origine de cette hausse des prix qui, nous en sommes tous convaincus, va durer.
On constate, sur ce point, un parallélisme saisissant avec l'évolution des prix des matières premières industrielles.
Ce renchérissement a remis au goût du jour le besoin de produire plus, après des décennies de maîtrise de la production au sein de l'Union européenne. Il démontre l'importance de la réactivité dont doivent faire preuve les agriculteurs de notre pays.
Cependant, l'approche esquissée par la Commission européenne ne semble pas conforme aux traités dont elle est censée être la gardienne ni à l'esprit du « modèle agricole européen ».
Une PAC fondée pour l'essentiel sur des aides totalement découplées et des programmes de développement rural ne paraît pas susceptible, d'une part, de répondre de manière adéquate à certaines attentes légitimes des citoyens européens et, d'autre part, d'assurer la vocation exportatrice de la filière européenne de l'agroalimentaire. Je vous rappelle que l'excédent de notre balance commerciale agroalimentaire est de 7 milliards à 8 milliards d'euros par an.
Je tiens, par ailleurs, à souligner le rôle éminemment stratégique de l'agriculture. Il ne me semble pas opportun de lui étendre, tant pour les politiques internes que pour le commerce international, un modèle économique élaboré pour l'industrie et pour certains services.
En effet, différents facteurs tels que l'accroissement démographique mondial, le réchauffement climatique, le renchérissement des coûts de transport des produits agricoles, plaident en faveur du maintien d'une agriculture dynamique, capable de répondre aux besoins des Européens et d'être présente sur les marchés mondiaux.
Partisan d'une politique agricole plus ambitieuse et plus active, je considère que le système des aides directes découplées devra évoluer vers un meilleur ciblage, ce qui permettra d'améliorer leur efficacité et leur légitimité. Des aides ciblées pourraient éventuellement contribuer à conforter la vocation productive et exportatrice de l'agriculture au sein des organisations de producteurs, par contractualisation avec l'industrie de transformation.
Par ailleurs, il est désormais acquis que, demain, le revenu des agriculteurs sera assuré davantage par le marché. Parallèlement, il convient de mettre en place différentes garanties.
Monsieur le ministre, je salue votre volonté de considérer la gestion des risques et des aléas comme un sujet important, puisque vous abondez de deux millions d'euros les crédits consacrés à l'assurance récolte. C'est un signal positif. En effet, le développement de l'assurance récolte, qui permet, par d'autres voies, une garantie de revenus, m'apparaît pertinente. Elle est un peu dans l'esprit des mécanismes de soutien qui existent aux États-Unis.
Je me réfère sur ce sujet à l'excellent rapport de notre collègue Dominique Mortemousque. Après avoir constaté l'impossibilité de laisser coexister, à terme, deux systèmes concurrents, l'un fondé sur une indemnisation assuré par les pouvoirs publics et l'autre sur une individualisation de la gestion du risque, il évoque plusieurs scénarii de développement de l'assurance récolte reposant sur un engagement financier constant de l'État et sur une offre publique de réassurance, indispensable afin de couvrir les aléas climatiques de grande ampleur.
En effet, le régime des calamités agricoles ne répond plus aujourd'hui aux besoins des exploitants agricoles, qui doivent en permanence s'adapter aux demandes du marché, donc bénéficier d'une couverture plus forte contre les aléas.
Dans le même ordre d'idées, compte tenu de la répétition des crises sanitaires, il convient de mettre en place un dispositif d'assurance contre les aléas sanitaires.
En tout état cause, si l'on souhaite que la gestion des crises et des risques soit un thème majeur du « bilan de santé » de la PAC et de la réforme de la politique agricole pour l'après-2013, la France doit jouer un rôle précurseur et s'engager à proposer rapidement une offre assurantielle de base, accessible à tous, pour toutes les productions.
Enfin, j'insiste sur le fait que le soutien à la recherche et à l'innovation devrait devenir une dimension essentielle de la PAC, favorisant ainsi, dans le respect de l'environnement, l'émergence de nouvelles pratiques culturales assurant à la fois une forte productivité, une gestion durable des ressources naturelles, le développement de la « chimie verte » et des bioproduits.
Nous ne pouvons absolument pas ignorer l'évolution technologique mondiale, sauf à créer irrémédiablement une distorsion de concurrence à l'égard de nos propres agriculteurs. Notre collègue M. Fournier l'a également évoqué tout à l'heure à propos de la crise porcine : il est bien évident qu'aujourd'hui le différentiel du prix du maïs en Europe et aux Etats-Unis - il varie du simple au double - est en partie sous-tendu, précisément, par le recours aux biotechnologies.
Vous savez, monsieur le ministre, que, surveillant ces sujets depuis sept ou huit ans, je considère que notre approche en matière de biotechnologies doit s'intégrer dans l'évolution de la sélection variétale, comme cela fut le cas, il y a une cinquantaine d'années, à travers notre engagement pour la création d'hybrides, qui a permis de multiplier par dix ou quinze les rendements des céréales.
Je me réjouis donc de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi sur les OGM, et je salue votre courage politique sur ce point. Permettez-moi simplement de vous demander d'être beaucoup plus sensible aux avis, que ce soient ceux de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou, justement, du commissaire européen M. Dimas.
Je crois très sincèrement que nous ne pouvons pas rester plus longtemps à l'écart de cette évolution, au-delà même du contentieux qui est pendant au niveau de l'OMC ; sur ce dernier point, le groupe spécial a certes permis à l'Union européenne d'obtenir un sursis jusqu'au 11 janvier 2008, mais cela ne réglera pas, loin s'en faut, le problème.
De même, nous nous devons de bien prendre en compte la donne environnementale, préoccupation qu'il faut également inclure dans les règles de l'OMC. Les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l'environnement sont une parfaite illustration de cet enjeu, au même titre que les efforts entrepris par la France pour promouvoir la transformation du Programme des Nations unies pour l'environnement, le PNUE, en Organisation des Nations unies pour l'environnement, l'ONUE.
L'ONUE nous apporterait une autorité politique renforcée et nous permettrait de rationaliser le système actuel de bonne gouvernance. Il est, en effet, de moins en moins acceptable que certains pays produisent des biens agricoles en s'exonérant des contingences environnementales auxquelles souscrit l'Union européenne. Je voudrais, sur ce point, souligner la proposition française qui consiste à revisiter la notion de préférence communautaire et qui, sans aller jusqu'au protectionnisme, s'oriente vers la notion de préférence collective ; je fais, en particulier, référence à l'analyse de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État aux affaires européennes, qui demande davantage de réciprocité entre pays dans les échanges commerciaux internationaux.
Nous devons donc aborder l'actuel « bilan de santé » pour 2008-2009 et le débat sur l'« après-2013 », qui a déjà commencé, dans un esprit offensif, en défendant une PAC ambitieuse, mais aussi dans un esprit ouvert. La situation sera très différente de celle que nous avons connue jusqu'ici, et nous n'avons pas intérêt à l'aborder sous un angle défensif, en essayant de préserver à tout prix les schémas hérités du passé.
La France assurera la présidence de l'Union européenne au second semestre 2008, quand les propositions législatives sur la PAC devront être présentées par Bruxelles. La présidence française devra alors mener à bien la conduite de cette réforme délicate. Je sais, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre expérience en matière de négociation européenne et sur votre détermination pour faire passer un certain nombre de messages auprès de nos partenaires.
Je soulignerai, enfin, l'importance que je continue d'accorder à la valorisation de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, seuls capables de préserver la compétitivité de nos produits sur le marché mondial. Je me réjouis donc de l'augmentation de 2 % des crédits qui leur sont alloués, dans un contexte budgétaire contraint.
Pour terminer, j'évoquerai d'un mot la nécessaire simplification administrative, qu'il faut intensifier.
Sachez, monsieur le ministre, que je vous apporterai mon entier soutien dans l'examen de votre projet de budget comme de l'ensemble de la politique agricole du Gouvernement.