Intervention de Jacques Toubon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2020 à 9h50
Audition de M. Jacques Toubon défenseur des droits pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

Nous avons besoin de transparence, y compris s'agissant de l'activité des forces de sécurité de la République. Chacun doit rendre compte. Nous devons savoir ce qui se passe, quels sont les contrôles, quels en sont les résultats. Je ne crois pas que l'on puisse confier un pouvoir sans demander des comptes. Les contrôles d'identité relèvent de l'exercice d'un pouvoir, mais dont une partie de la connaissance nous échappe, car elle est récusée. Le contrôle des attestations de déplacement dérogatoire pendant le confinement a pourtant montré que ce compte-rendu était possible. En outre, il est possible d'être transparent sans pour autant créer de fichiers soumis au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et aux règles du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

La fonction du Défenseur des droits est double. Outre son rôle d'alerte et de vigie, le Défenseur des droits est chargé de déminer des questions de vie quotidienne. Nous le faisons d'ailleurs avec une très grande efficacité, puisque 500 000 réclamations ont été traitées au cours de mon mandat et de nombreuses propositions de réforme ont été retenues.

La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) avait entériné dans le droit commun - non pas dans le code pénal, mais dans le code de la sécurité intérieure - quatre dispositions de l'état d'urgence terroriste. Je prendrai position sur le projet de loi qui a été présenté ce matin en Conseil des ministres et vous ferai connaître mes conclusions.

Le système manuel de traçage des personnes infectées par la Covid-19 mis en place par l'assurance-maladie me préoccupe tout autant que l'application StopCovid. Il présente en effet des risques au regard de deux principes fondamentaux, le secret médical et le consentement des patients. S'agissant de StopCovid, j'ai travaillé avec Cédric O dès l'origine du projet et de nombreuses précautions ont été prises, notamment sur le volontariat, l'anonymat, etc. Cette application me semble donc un peu moins dangereuse pour le respect de la vie privée que le système d'information manuel. Mais un travail parlementaire et technique important a été fourni sur ces deux dispositifs pour aboutir à un système équilibré. Nous devons néanmoins rester vigilants.

L'expérimentation de la médiation préalable obligatoire donne beaucoup de travail aux délégués territoriaux concernés. Les juridictions administratives souhaiteront probablement la généraliser, car elle permet de traiter en amont 30 % du contentieux qui ne viendrait donc plus dans les juridictions. Je pense que c'est une bonne formule.

Nos délégués territoriaux sont formés, mais ils ont surtout besoin d'être soutenus. C'est pourquoi j'ai créé des chefs de pôle régionaux qui sont des salariés du Défenseur des droits. Nous devons réfléchir aux difficultés que nous rencontrons lorsque le ministre de l'intérieur ne donne suite à aucune de nos propositions de sanctions disciplinaires ou quand, dans des cas très minoritaires, les magistrats chargés d'une instruction judiciaire ne nous autorisent pas à instruire une réclamation sur le même sujet. Mon successeur pourra réfléchir à ces questions. Une mission d'information de l'Assemblée nationale, sous la houlette des députés Pierre Morel-À-L'Huissier et Coralie Dubost, fera des propositions. Les moyens du Défenseur des droits lui permettent de ne pas excéder son rôle d'autorité administrative indépendante, et de ne se transformer ni en organisation non gouvernementale (ONG) ni en juge. Sur certains points, des améliorations sont possibles, mais, en matière de lutte contre les discriminations, notre efficacité est assez bonne.

J'entends les propos de M. Bonhomme, mais aujourd'hui, la situation comparée des femmes et des hommes présente peu de risque d'être déséquilibrée au détriment des hommes... Il est important de donner des signes de ce que l'on veut. L'égalité femme-homme est inscrite dans la Constitution, mais il faut aussi lui donner des applications pratiques, même si cela est encore très difficile, tant dans le privé que dans le public. Nommer une femme à la tête de notre institution serait le signal que la personne chargée aux termes de l'article 71-1 de la Constitution de veiller au respect des droits et des libertés fondamentales représente elle-même l'un de ces accomplissements, l'égalité entre les sexes.

S'agissant de votre jugement sur mon action, sachez que, lorsque je suis arrivé en 2014, des milliers de dossiers de liquidation de retraites étaient en souffrance à Arras et Montpellier. Des retraités devaient attendre huit à neuf mois pour toucher leur première pension. Certains ne pouvaient plus se chauffer ! En août 2015, un décret de la ministre Marisol Touraine a créé ce que certains ont appelé le droit opposable à la retraite : désormais, tout dossier, même légèrement incomplet, doit être traité. Ne serait-ce que pour cette avancée, je suis fier du travail accompli.

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