Intervention de Annick Billon

Réunion du 9 juin 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à remercier sincèrement Mme la rapporteure ainsi que la commission des lois pour leur travail.

Il y a seulement sept mois, nous débattions d’une proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Je m’interrogeais alors sur un calendrier contestable, qui nous conduisait à débattre d’un texte alors que les conclusions du Grenelle de lutte contre les violences conjugales n’étaient pas connues. Je déplore vivement que la lutte contre les violences alimente l’inflation législative, sans permettre un véritable débat parlementaire.

Cet empilement de textes disparates n’a qu’un mérite, relatif : celui de faire des violences un sujet régulier de l’agenda parlementaire, au risque, parfois, de voir sortir des décrets qui vont à l’encontre des objectifs visés. J’en veux pour exemple celui du 27 mai dernier, synonyme de recul des droits des victimes et contre lequel les avocats spécialisés s’élèvent à juste titre.

Je me félicite de ce que les dispositions de la proposition de loi mettent en œuvre des recommandations que la délégation aux droits des femmes porte parfois depuis longtemps, notamment la nécessité absolue d’interdire toute médiation pénale en cas de violence, ou encore la remise en question de l’autorité parentale pour un conjoint violent, qui, par définition, ne peut être un bon parent.

Certaines dispositions auraient pu aboutir lors de la discussion de la loi promulguée en décembre 2019. Des amendements défendus dans notre hémicycle le permettaient. Écartés au Sénat, ils ont pourtant fait partie des annonces du Gouvernement, trois semaines plus tard, lors des conclusions du Grenelle…

En matière de violences conjugales, de nombreuses avancées auraient pu être atteintes depuis longtemps, car les bonnes pratiques en la matière sont connues.

Il est difficile de comprendre que, sur les 88 « homicides conjugaux » analysés par l’inspection générale de la justice dans un rapport publié en octobre 2019, une seule victime ait bénéficié d’une ordonnance de protection.

Difficile d’accepter que 41 % de ces femmes aient signalé en vain au parquet et/ou aux forces de l’ordre, avant d’être tuées, des violences ou menaces qu’elles subissaient.

Difficile d’admettre que 7 de ces meurtres aient été commis malgré une interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Difficile, enfin, de croire que 90 % des femmes victimes de violences aient pu se déclarer satisfaites de l’accueil reçu dans les commissariats et gendarmeries, selon l’audit annoncé lors du Grenelle. Ce n’est absolument pas le constat fait par les experts entendus par la délégation !

La discussion de cette proposition de loi intervient après plusieurs semaines de confinement, qui ont rendu difficile la protection de femmes et d’enfants enfermés dans un foyer violent.

Pendant ce confinement, notre délégation a centré son travail sur les violences. Parmi les lacunes pointées par les interlocuteurs de la délégation, citons l’insuffisante interaction entre la police, le parquet et le juge civil. Soulignons aussi la nécessité, évoquée par Luc Frémiot, ancien procureur de la République de Douai, d’encadrer plus strictement l’activité des procureurs en matière de lutte contre les violences et d’organiser, pour les auteurs de violences, un suivi psychologique dans la durée.

Le principal enjeu est d’abord de permettre aux victimes que le confinement a tenues éloignées des institutions judiciaires de porter plainte. Elles ne doivent plus recevoir pour toute réponse une main courante inutile. Il est impératif de leur assurer un accueil adapté, sur tout le territoire, en métropole comme dans les outre-mer.

Nous ne pouvons plus accepter que les chances d’une victime d’être crue et prise au sérieux dépendent de la sensibilisation aux violences conjugales du professionnel qui va les accueillir. La mise en cause de la responsabilité de l’État pour faute lourde dans des affaires de violences conjugales, comme cela a été le cas à Grande-Synthe, se doit de demeurer une exception.

Il y a urgence ! Pour de nombreuses femmes et de nombreux enfants, le confinement n’est pas terminé : la réalité quotidienne des familles maintenues dans une terreur permanente par un conjoint ou un père violent ressemble à un confinement sans fin. La priorité pour nous est de gagner le combat contre les violences conjugales, et de le gagner tous ensemble. Cette proposition de loi y contribuera-t-elle ? Espérons-le.

Dans chaque commissariat, dans chaque gendarmerie et dans chaque juridiction, toutes les victimes de violences doivent pouvoir rencontrer des professionnels acharnés à les protéger. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons gagner ce combat ensemble !

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