Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 9 juin 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la rapporteure – je salue aussi nos collègues masculins qui participent à ces travaux, comme chaque fois que nous traitons de ce thème très important –, nous sommes ici réunis pour un exercice un peu particulier.

Vos interventions, mesdames les ministres, l’ont bien mis en lumière. Nous débattons en effet depuis plusieurs mois – pour moi qui suis élue au Sénat depuis trois ans, c’est la troisième fois – de la question des violences conjugales.

On peut de manière très optimiste, comme vient de le faire Annick Billon, considérer que cela montre que le sujet préoccupe. Cela signifie en réalité, nous le savons bien, que nous ne légiférons pas dans les meilleures conditions. La preuve en est que l’examen au fond de cette proposition de loi, dont la genèse fut quelque peu particulière, traduit la nécessité de réconforter la majorité En Marche. En effet, après le Grenelle, celle-ci avait été fort dépitée de constater que la proposition de loi de notre collègue député Aurélien Pradié était très innovante et avait réussi à rassembler des majorités autour de propositions originales.

Une proposition de loi fut donc déposée en catastrophe et il a fallu faire disparaître les deux premiers articles puisque nous avions déjà voté les dispositions visées. Vous avez donc dû au début de cette séance, mesdames les ministres, dresser le bilan de ce que vous avez fait plutôt qu’évoquer le texte lui-même.

Cette proposition de loi ne mérite ni excès d’indignité ni excès d’honneur. Elle améliore de manière assez marginale un certain nombre de points et reprend, sur d’autres, des amendements présentés par le groupe socialiste qui n’avaient pas eu l’heur de plaire. Finalement, elle permettra de faire un pas supplémentaire.

Elle est aussi l’occasion de réparer une erreur. Nous avons découvert, à l’instar des associations, que vous aviez pris le 27 mai dernier, madame la garde des sceaux, un décret ayant ni plus ni moins pour vocation que de rendre impossible pour la plaignante – ou plutôt la demandeuse puisque nous sommes en matière civile – l’engagement, dans des conditions réalistes, de la procédure de l’ordonnance de protection (ODP).

Pourquoi cela ? Parce que le décret prévoyait le recours à un huissier, la notification de la date d’audience, tout cela en vingt-quatre heures, puis le retour devant le magistrat. Ayant été avocate pendant dix-sept ans, je puis vous dire que le fait de trouver un huissier dans la journée relève du tour de force lorsque l’on exerce ma profession. Je vous le dis, il est impossible qu’un simple particulier trouve un huissier, obtienne de lui qu’il signifie une ordonnance et en fasse retour devant le juge !

Les associations l’ont bien compris, qui ont expliqué que ce décret, dont je ne sais s’il est le fruit de l’incompétence ou du cynisme, avait vidé totalement la possibilité de produire l’ODP, à laquelle vous indiquez être attachée.

Le groupe socialiste et républicain a présenté un amendement à cet égard, et je suis heureuse d’avoir pu convaincre les collègues de la majorité du Sénat de l’adopter. Nous pourrons donc revenir sur ce point très problématique.

J’ajoute que ce décret est paru au bout de cinq mois… C’est dire si le sujet était urgent pour la chancellerie !

Au final, que dire ? Sur certains points, nous proposerons des amendements complémentaires. Qui sait, peut-être convaincrons-nous, cette fois, sur les questions de la résidence des enfants, du traitement du compagnon ou conjoint violent, du rôle des magistrats et de la réception des plaignantes par les services de police ?

La grande absente, que nous avons essayé de faire revenir par le biais d’une demande de rapport – une démarche qui rencontre toujours un succès proche de zéro dans cet hémicycle –, est la question des moyens.

Dans ce domaine, nous le savons, s’il n’y a pas des mesures conséquentes en termes de formation, d’accompagnement des associations, d’aide juridictionnelle, comme nous le proposerons, et de communication, afin que les femmes sachent qu’elles peuvent disposer d’un arsenal et d’un accompagnement destinés à limiter la violence qu’elles subissent, nous n’obtiendrons rien ! Nous aurons alors finalement voté, pour la troisième fois en quelques mois, un texte qui n’aura ni fait progresser les choses ni amélioré le sort des femmes et leur protection.

Nous n’avons pas de retour, à ce jour, sur ce qui s’est passé pendant la période du confinement. Des chiffres, de toute façon, dramatiques sortent aujourd’hui. Je partage votre point de vue, madame la garde des sceaux, nous ne pouvons pas nous réjouir d’une quelconque diminution, dès lors qu’il existe toujours des violences ! Il faudra nécessairement nous pencher sur cette période, qui a dû être terrible pour un certain nombre de familles, notamment pour les enfants.

Nous voterons sans doute ce texte, mais avec un enthousiasme assez relatif, étant donné sa portée fort limitée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion