Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 9 juin 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans son rapport de 2018, la délégation d’aide aux victimes a donné des chiffres d’homicides au sein du couple. Le bilan s’établit à 149 homicides, dont 121 femmes et 28 hommes ; à ces 149 victimes s’ajoutent 21 enfants tués dans le cadre de violences au sein du couple. Depuis lors, ces chiffres ont, bien entendu, baissé, mais ils demeurent trop importants et rappellent notre incapacité collective à protéger ces femmes, ces hommes et ces enfants, toutes ces victimes d’un conjoint, d’un ex-conjoint ou d’un parent violent, qui se transforme peu à peu en assassin.

C’est pourquoi, face à cette réalité insupportable, la République doit être à la hauteur. Aussi, je me félicite de ce que le Parlement ait déjà fait évoluer la législation depuis deux ans, puisque deux textes ont été votés dans le but de combattre plus efficacement les violences commises à l’encontre des femmes et des enfants.

Tout d’abord, a été adoptée la loi de 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite loi Schiappa. Elle ne vise pas spécifiquement les violences conjugales ou intrafamiliales, mais elle contient un ensemble de mesures destinées à lutter contre les violences faites aux femmes et à mieux protéger les mineurs. Elle a notamment institué une nouvelle infraction, l’outrage sexiste, permettant de mieux sanctionner le harcèlement de rue. Elle a également élargi la définition du harcèlement en ligne. En ce qui concerne la protection des mineurs, elle a précisé la définition du viol, afin que ce crime soit plus facile à caractériser lorsque la victime est mineure, et elle a également porté le délai de prescription à trente ans à compter de la majorité de la victime.

La loi plus récente du 29 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, dite loi Pradié, porte plus spécifiquement sur les questions de violences commises au sein du couple ou au sein de la famille. Elle a donné une base légale à l’utilisation d’un nouvel outil de prévention des violences conjugales : le bracelet anti-rapprochement, dont le port peut être ordonné par le juge pénal. Ce bracelet électronique permet de prévenir la victime que son conjoint violent se rapproche et déclenche une alerte dans un centre de surveillance, afin que les forces de police ou de gendarmerie interviennent si le conjoint violent n’obtempère pas au premier avertissement.

Cette loi a également renforcé le régime juridique de l’ordonnance de protection, afin que celle-ci soit délivrée dans les délais les plus brefs par le juge aux affaires familiales et que le recours au bracelet anti-rapprochement puisse être proposé dans ce cadre, de manière à prévenir la répétition des violences.

La proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui nous est soumise cet après-midi, est donc examinée après deux lois. Ce texte fait bien sûr suite au Grenelle contre les violences conjugales, qui s’est tenu à l’automne dernier. Elle transcrit dans le droit certaines de ses préconisations, en matière civile comme pénale.

Elle déborde toutefois du strict champ de la lutte contre les violences conjugales, pour inclure des mesures visant à protéger les mineurs ou à prévenir les violences au-delà du cadre des affaires intrafamiliales.

Ce texte contient une série de nouvelles dispositions. Je note avec satisfaction un certain nombre de mesures, comme la suspension du droit de visite, de la médiation pénale et de la médiation familiale. Je salue également les dispositions aggravant les peines relatives aux atteintes à la vie privée. Plus encore, je me félicite d’une mesure inédite, l’introduction dans le code civil de la notion d’emprise.

Désormais, nous disposons d’un arsenal juridique étoffé. Il paraît maintenant indispensable – notre rapporteur, Mme Marie Mercier, l’indiquait à juste titre – de le compléter, d’abord, par un travail de formation auprès des policiers, des gendarmes et des magistrats, ensuite, par l’allocation de moyens aux associations qui soutiennent les victimes, enfin, par l’organisation de campagnes de communication visant à favoriser la libération de la parole. En outre, il est primordial d’agir dans le domaine du logement, afin de faciliter l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, trop longtemps, la société a tu la réalité des violences intrafamiliales. La persistance est une meurtrissure qui ne peut être ignorée et qui nous impose d’agir. Ce combat doit mobiliser la société civile et la puissance publique.

Approuvant pleinement la démarche suivie par la commission des lois, le groupe Les Indépendants votera en faveur du texte de la commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion