Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Réunion du 9 juin 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le deuxième vecteur législatif issu du Grenelle contre les violences conjugales, dont les conclusions ont été rendues publiques le 25 novembre dernier.

La méthode et le calendrier sont contestables, puisque nous voilà réunis pour examiner un nouveau texte quelques mois seulement après l’adoption de la proposition de loi de notre collègue de l’Assemblée nationale, Aurélien Pradié, et que nous avons eu peu de temps pour l’étudier.

Cependant, il faut en souligner les avancées, malgré un arsenal juridique déjà très complet. En particulier, on peut évoquer le chapitre III, relatif aux exceptions d’indignité en cas de violences intrafamiliales, qui prévoit d’élargir le champ d’application des exceptions d’indignité en matière d’obligation alimentaire et de succession en cas de condamnation pénale. Très concrètement, l’objectif est d’éviter que des enfants dont le père aurait tué la mère ne soient légalement tenus de subvenir aux besoins de leur père au titre de l’obligation alimentaire, ce qui, sur le plan moral, nous semble, bien entendu, difficile à admettre. Cette disposition est fondamentale, puisqu’elle permet, je le crois, de renouer avec la tradition du code civil, dont l’esprit est de moraliser les comportements à travers la règle.

Les précisions apportées en la matière par la commission des lois du Sénat sont bienvenues. J’y souscris. Ainsi, plutôt que de faire de la décharge de l’obligation alimentaire un automatisme, il semble plus judicieux de faire confiance à l’appréciation du juge.

Il en va de même pour la possibilité désormais accordée au tribunal judiciaire de déclarer indigne de succéder une personne condamnée pour avoir commis des violences graves sur le défunt. Je salue, à cet égard, la proposition de la commission des lois d’aller plus loin sur la question, en permettant le prononcé de l’indignité successorale, quand bien même le conjoint aurait seulement été condamné à une peine correctionnelle ou serait décédé avant que l’action publique ait pu être engagée.

Néanmoins, les dispositions relatives à la protection de l’enfance sont pour le moins limitées.

Si la possibilité de suspendre le droit de visite et d’hébergement dans le cadre d’un contrôle judiciaire apparaît comme une mesure purement technique, elle vient, en réalité, combler une lacune et se révélera essentielle en pratique.

En revanche, le chapitre VIII, qui porte expressément sur la protection des mineurs, contient seulement trois articles, hétérogènes et de portée limitée. À titre d’exemple, l’article 11, qui vise à protéger les mineurs contre les messages pornographiques, aura, en l’état, peu d’influence sur le droit en vigueur. Quant à l’article 11 bis, qui incrimine le fait, pour des Français établis sur le territoire national, d’obtenir des vidéos de crimes, notamment d’abus sexuels, commis à l’étranger, il semble assez éloigné de l’objet de cette proposition de loi et met une nouvelle fois en évidence un manque de cohésion globale de la politique de protection des victimes de violences sexuelles.

Notre objectif commun demeure la protection des femmes et des mineurs face aux violences perpétrées au sein de la famille.

À ce stade, il semble opportun de s’interroger sur la pertinence future de l’outil législatif pour endiguer ce mal, dans la mesure où la législation française apparaît désormais comme relativement complète. Une véritable prise de conscience sociétale était nécessaire. Je veux croire qu’elle est en train de s’opérer. Personne ne doit plus jamais fermer les yeux face à une situation de violence, même si cette dernière prend place dans l’intimité du cercle familial.

Le confinement que nous venons tous de subir nous permet de comprendre encore mieux le vécu des victimes qui vivent à longueur de journée avec un agresseur et « la camisole de force de l’emprise psychologique », selon les mots du magistrat Luc Frémiot. Cette notion d’emprise entre dans la loi.

Je tiens à saluer le travail considérable des associations, des professionnels du droit, du personnel médical, des partenaires privés et de tous ceux qui sont en première ligne pour concourir à la lutte contre les violences intrafamiliales et permettre ce changement profond. Je veux également saluer la délégation aux droits des femmes, qui nous permet d’auditionner régulièrement ces acteurs décisifs et de faire avancer notre réflexion et notre travail de législateur.

Pour conclure, je remercie notre rapporteur, Marie Mercier, de la qualité de son travail, de son engagement et de l’humanisme dont elle a fait preuve, à chaque reprise, sur ce sujet particulièrement sensible, comme sur d’autres d’ailleurs.

Lorsque l’on traite de ces questions douloureuses, nous considérons que tout texte qui concourt à une amélioration de la situation est un progrès. Je ne doute donc pas qu’un nombre significatif des membres du groupe Les Républicains, auquel j’appartiens, votera cette proposition de loi, telle qu’amendée par la commission des lois.

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