Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 9 juin 2020 à 14h30
Protection des victimes de violences conjugales — Articles additionnels après l'article 3

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Pardonnez-moi, mes chers collègues, d’être aussi obstinée, mais il est arrivé au cours des derniers mois, lors de l’examen d’autres textes sur les violences sexuelles ou de la proposition de loi d’Aurélien Pradié, que des amendements que nous avions déposés soient rejetés au Sénat, après un avis défavorable du Gouvernement, avant d’être finalement repris et adoptés à l’Assemblée nationale !

Convenez qu’il n’y a pas de raison, dès lors que nos amendements prospèrent à l’Assemblée nationale, que nous ne les déposions pas au Sénat…

Je reviens sur le délit de non-représentation d’enfant, car je ne suis pas parvenue tout à l’heure à vous sensibiliser sur ce sujet.

Il est des sujets qui montent et dont on prend conscience au fur et à mesure qu’ils deviennent visibles dans la société. La non-représentation d’enfant est de ceux-là, car elle fait partie des instruments judiciaires qui concourent au maintien d’une pression psychologique sur les femmes et au harcèlement après la séparation. Le délit de non-représentation d’enfant vise en effet massivement les femmes. Il est utilisé par les pères, qui le détournent de son objet initial.

Les procédures de citation directe – je regrette que l’on ait commencé par l’amendement de repli – aboutissent systématiquement à la condamnation des mères. Systématiquement !

Quand le juge est généreux, il prononce une peine avec sursis, mais si le père revient plusieurs fois à la charge, parce que l’enfant refuse d’aller passer le week-end chez lui, le juge finit par prononcer une condamnation définitive, des amendes et une inscription au fichier des personnes interdites d’exercer une profession ou des fonctions en contact avec des enfants, alors que ces mères ne sont nullement maltraitantes.

Cette application implacable ne prend pas en considération les familles, les séparations d’aujourd’hui, lesquelles ont créé des situations nouvelles, qui n’avaient pas été envisagées dans le code pénal lorsque le délit de non-représentation d’enfant a été créé. Or d’autres articles du code pénal visant la soustraction d’enfant ou la soustraction au détenteur de l’autorité parentale. Il n’est donc nul besoin de l’article 227-5 pour condamner un parent qui enlèverait ou soustrairait un enfant.

Dans huit cas sur dix, cet article sert désormais à poursuivre des femmes qui ne parviennent pas à obtenir de leurs enfants qu’ils se rendent chez leur père. Dans certains cas plus tordus encore, la mère est condamnée, alors que des poursuites pénales sont engagées pour maltraitance contre le père, que la convention de garde d’enfant continue de s’appliquer, l’instruction pénale n’étant pas conclue !

Je n’évoque pas ce sujet dans le seul but d’animer nos débats cet après-midi. J’essaie de vous sensibiliser à un problème important, madame la garde des sceaux. Je vous en conjure, étudiez-le et apportez-y des solutions !

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