Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 3 septembre dernier, le Premier ministre, avec Mme la secrétaire d’État, a lancé le Grenelle contre les violences conjugales, sur la base d’un constat terrible que vous connaissez : en 2018, quelque 149 personnes, soit 121 femmes et 28 hommes, sont décédées sous les coups de leur conjoint. Cette situation n’est pas acceptable, et elle n’est pas une fatalité. C’est tout le sens de nos discussions d’aujourd’hui.
L’article 8 de la proposition de loi est directement issu des travaux du Grenelle. Il a été travaillé en lien étroit avec les associations de victimes et les représentants des professionnels de santé. Son objet n’est pas, comme nous avons pu l’entendre, de lever le secret médical ; il s’agit simplement de ne pas pénaliser les médecins, qui pourraient être hésitants sans cela, en cas de signalement au procureur de la République lorsqu’une vie est en danger.
Nous entendons évidemment les réserves qui ont pu être exprimées sur le sujet. Elles sont tout à fait légitimes au regard des situations de grande souffrance et de détresse que traversent les victimes de violences conjugales. Mais qui peut se satisfaire que 5 % seulement des déclarations soient réalisées par des professionnels de santé, alors que ceux-ci sont en première ligne pour prendre soin des victimes ?
Le secret médical – c’est aussi vrai, plus largement, du secret professionnel – n’est évidemment pas un sujet à prendre à la légère. Il fonde cette relation singulière de confiance d’un patient envers son médecin, liée au serment d’Hippocrate : « Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers […]. »
Ce texte n’altère en rien le secret médical. Le code de la santé publique n’est pas modifié. Le code de déontologie médicale est évidemment maintenu. Et la confiance d’une victime envers le professionnel de santé est ainsi préservée.
Il est proposé dans cet article de respecter une autre partie du serment d’Hippocrate, peut-être moins connue : « J’interviendrai pour protéger [les personnes] si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. »
Ainsi, l’article 8 prévoit, sans modifier le secret professionnel, de ne pas sanctionner le praticien qui fait un signalement au procureur de la République lorsque la vie de la victime est en danger immédiat. Il est issu des discussions avec l’ensemble des parties prenantes, notamment avec l’ordre des médecins, qui, dans un communiqué du 18 décembre 2019, a d’ailleurs publiquement soutenu la rédaction proposée pour l’article 226-14 du code pénal.
Une telle disposition protège à la fois les professionnels de santé, qui, jusque-là, pouvaient hésiter à effectuer des signalements, et les victimes de violences conjugales, pour éviter les scénarios du pire. C’est ce qui fondera notre avis défavorable sur l’amendement de suppression et qui guidera nos prises de position sur les autres amendements.