L’article 11 A, qui concerne la pédocriminalité, est un article particulièrement important de ce texte.
Le Grenelle des violences conjugales a appréhendé ensemble, pour la première fois avec une telle intensité, la question des violences conjugales et celle des violences faites aux enfants. C’était une nécessité, parce que les enfants ne sont pas seulement témoins des violences conjugales : ils en sont aussi victimes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur le fait que les actes de pédocriminalité fragilisent les victimes pour toute leur vie, notamment dans leurs rapports aux autres – cela comprend naturellement les rapports avec leurs conjoints. Ces victimes pourront l’être à nouveau, mais elles pourront aussi commettre elles-mêmes des violences.
L’une des grandes avancées du Grenelle et des plans que Marlène Schiappa et moi-même avons mis en place, notamment le plan de lutte contre les violences faites aux enfants que j’ai annoncé le 20 novembre dernier, est d’ailleurs de s’attaquer à cet aspect des violences, en mettant en avant une logique de prévention.
Ainsi, le Gouvernement a annoncé, il y a quelques jours, la mise en place de centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales, et les centres de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (Criavs) ont ouvert un numéro d’appel destiné aux auteurs potentiels de faits pédocriminels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France est malheureusement le deuxième pays européen pour ce qui concerne le nombre de téléchargements de contenus pédopornographiques. Chaque année, les sites contenant des images pédopornographiques font l’objet de plus de 100 000 connexions et téléchargements. On peut y ajouter 50 000 connexions supplémentaires qui proviennent des États-Unis.
Le secrétaire d’État Laurent Nunez et moi-même avons visité hier la plateforme Pharos, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements. Chaque mois, près de 300 000 tentatives de connexions sur des sites pédocriminels bloqués ont lieu dans notre pays, je dis bien 300 000 chaque mois ! La protection des mineurs doit passer par une répression forte des pédocriminels en ligne qui ont aujourd’hui un sentiment d’impunité derrière leur écran.
Il s’agit d’un marché international, qui est devenu pour certaines organisations criminelles un véritable business au même type que la drogue ou la contrebande. Je rappelle que derrière tout échange d’images ou de vidéos pédopornographiques, il y a un mineur agressé, une victime.
Il existe dans la pédopornographie un culte de l’inédit. On considère que 20 % à 30 % des personnes qui consultent des images pédocriminelles sont aussi des producteurs d’images de ce type. Des enfants victimes se trouvent donc derrière ces images-là.
La protection de l’enfance en ligne est une condition de sa préservation hors ligne, ce d’autant qu’il existe une imbrication de plus en plus forte entre activités en ligne et hors ligne. Aggraver la peine encourue par les pédocriminels qui consultent habituellement des images pédopornographiques, les acquièrent ou les détiennent permettra d’atteindre un objectif auquel je tiens tout particulièrement. L’inscription au Fijais, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, sera automatique ce qui n’était à ce jour qu’une faculté pour le juge.
L’inscription automatique au Fijais concerne les auteurs d’infractions encourant une peine de cinq ans de prison. Or, actuellement, la consultation d’images pédopornographiques n’entraîne une peine que de deux ans d’emprisonnement. Il revient donc au juge de décider si l’auteur doit être inscrit au Fijais, ce qu’il fait dans 50 % des cas. Par conséquent, dans 50 % des cas restants, soit à peu près 500 personnes chaque année, les auteurs de consultations de sites pédocriminels ne sont pas inscrits au fichier des agresseurs sexuels. Le lendemain, ils peuvent donc être embauchés par une structure accueillant de jeunes enfants, par exemple. C’est ce à quoi nous voulons mettre un terme grâce à cet article.
L’inscription automatique durera au moins vingt ans et obligera le condamné à déclarer régulièrement son adresse au commissariat ou à la gendarmerie. Elle permettra donc d’éviter que le condamné ne soit recruté pour exercer une activité en contact avec des mineurs. À cet effet, sachez que, par ailleurs, en février dernier, la garde des sceaux, la ministre des sports et moi-même avons lancé une mission d’audit et d’appui, afin de garantir que la consultation du Fijais soit systématique par l’ensemble des administrations et des collectivités locales. Prévoir des dispositifs, c’est bien, mais encore faut-il que les administrations connaissent ceux-ci et y aient recours.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de l’article 11 A auquel nous tenons particulièrement. Je ne doute pas qu’il en soit de même pour vous.