Je suis défavorable à cet amendement de suppression. Le sujet de cet article n’est évidemment pas la consommation de pornographie par les adultes et son lien direct avec les violences conjugales. Il y est question de l’accès par des enfants à des contenus pornographiques. L’article a pour objet de renforcer la législation pour éviter que, grâce à un simple clic sur un bandeau certifiant que l’on est majeur, un enfant de 10 ans ne puisse avoir accès à des sites pornographiques.
Car, madame la sénatrice, c’est bien ce qui se passe aujourd’hui : en ligne, qu’ils le souhaitent ou non, les enfants sont constamment confrontés à la sexualité via des contenus sexuels ou pornographiques. L’âge moyen du premier accès à du matériel pornographique est de 14 ans. Et près de 50 % des enfants voient du matériel pornographique sur internet pour la première fois à 11 ans. Or le cerveau d’un enfant de cet âge n’est pas fait pour voir de telles scènes. C’est une forme de violence ; je définis ce fait comme tel.
Les enfants nous disent eux-mêmes qu’ils reproduisent les scènes qu’ils voient. Accéder à de la pornographie à cet âge-là façonne votre conception de la sexualité, votre rapport à l’autre, votre rapport au corps, votre rapport au consentement, que ce soit pour les hommes comme pour les femmes.
Près de 75 % des enfants considèrent qu’ils ont été exposés pour la première fois à du matériel pornographique trop tôt, trop précocement, par rapport à ce qu’ils pouvaient supporter.
Contrairement à ce que certains affirment, le sujet des violences sexuelles au sein du couple et celui de la surexposition des jeunes aux contenus pornographiques ne sont pas totalement étanches, pour les raisons que je viens d’exposer.
Le contact répété et précoce des jeunes avec ces contenus de toute nature peut avoir des effets sur leur développement. Il n’est pas sans conséquence sur leurs rapports sociaux, leur estime de soi et les relations entre les filles et garçons. De nombreux médecins, notamment des pédopsychiatres, nous alertent à ce sujet : les attitudes et la conception des relations sexuelles risquent d’en être modifiées, ce qui peut aboutir, in fine, à des violences sexuelles.
Ce renforcement de notre législation doit bien entendu aller de pair avec d’autres actions, que nous mettons en œuvre, notamment dans le cadre du plan de lutte contre les violences que j’évoquais. Il s’agit ainsi de développer des programmes de prévention et d’information pour faire émerger chez les jeunes une pensée critique par rapport à ce qu’ils observent, et leur permettre de développer leur propre conception de la sexualité pour qu’ils la façonnent en temps utile, seuls, au travers de leur propre expérience. Je pense aussi à la meilleure information des parents sur les risques ; nous y travaillons avec l’ensemble des acteurs du numérique, à la suite de la signature en janvier dernier, en présence du secrétaire d’État chargé du numérique, Cédric O, d’un protocole de lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie.