Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 4 décembre 2007 à 15h10
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : cinéma audiovisuel et expression radiophonique locale

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

S'agissant maintenant du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », je constate que le secteur du cinéma est globalement en « bonne santé » économique. Le nombre de films produits en 2006 est identique à celui de 2004, après le record enregistré en 2005. Par ailleurs, la fréquentation des salles a progressé de 7, 6 % et la part des films français s'établit à 44, 7 %. Elle n'avait pas été aussi élevée depuis 1984. En outre, les exportations de films français à l'étranger se sont bien tenues en 2006, même si certaines évolutions s'avèrent préoccupantes dans ce domaine.

Cependant, ce tableau positif ne doit pas dissimuler des fragilités, ainsi que la nervosité d'un certain nombre des professionnels que j'ai auditionnés.

Je pense, en premier lieu, au secteur de la vidéo. Ce marché a subi une diminution de 5, 2 % en volume et de 7 % en valeur en 2006, puis une nouvelle baisse de 0, 4 % et de 7 % respectivement au cours du premier semestre de 2007. La vidéo à la demande, quant à elle, démarre lentement.

Je pense, en second lieu, au problème du piratage massif des oeuvres. Depuis l'adoption de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, les technologies et les comportements des internautes ont continué à évoluer, et il est, nous le savons, particulièrement difficile de réglementer un secteur aussi sujet à mutations. Toutefois, l'évolution des technologies permet aussi d'envisager de nouveaux moyens de lutter contre ce fléau.

Notre commission se réjouit sincèrement de la signature, le 23 novembre dernier, de l'accord pour le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux. Ainsi, dans un délai très rapide, la mission confiée à M. Denis Olivennes a permis d'aboutir, pour la première fois, à une position commune des acteurs du monde de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel et des fournisseurs d'accès. Nous tenions à ce que la responsabilité, dans ce domaine, soit partagée entre ces différents intervenants.

Cet accord permettra de protéger nos industries culturelles du fléau de la piraterie de masse. Finie l'idée que la création est gratuite ! Les ayants droit seront mieux respectés, mais l'accord profitera également aux consommateurs, et ce de deux manières : d'une part, en raison de la suppression des mesures techniques de protection qui empêchent d'écouter les titres téléchargés légalement sur tous les types d'appareils ; d'autre part, par l'amélioration de l'offre légale de musique et de films, qui sera plus rapidement disponible sur Internet et moins onéreuse.

La procédure d'avertissement préalable des internautes par le biais d'une autorité indépendante, qui, en cas de récidive, pourrait prononcer des sanctions, nous semble tout à fait adaptée ; elle viendra utilement compléter cette loi.

Pour notre commission, l'Autorité de régulation des mesures techniques, créée à l'initiative du Sénat, devrait se voir confier ces nouvelles responsabilités. Que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ?

Un autre sujet de préoccupation tient à la nécessité de repenser et de réaffirmer la complémentarité entre politique culturelle et droit de la concurrence.

Cette question recouvre de nombreux sujets. Je pense notamment à la carte illimitée. Le récent agrément accordé à la nouvelle carte illimitée a suscité bien des polémiques. Madame la ministre, s'agit-il d'un procès d'intention ou d'un risque véritable de spoliation des ayants droit ?

Par ailleurs, je m'inquiète des possibles conséquences de la remise en cause, par le Conseil de la concurrence, du code de bonne conduite qui encadrait, depuis 1999, les relations entre distributeurs et exploitants, et qui tenait compte de l'économie extrêmement particulière de la diffusion des films en salles. Il serait souhaitable d'éviter tout phénomène de « guerre des prix » dans le secteur du cinéma qui porterait préjudice à l'ensemble du secteur.

En ce qui concerne la cohabitation entre salles privées et salles publiques, l'équilibre est tellement fragile qu'il convient d'y veiller en permanence et de prendre en compte, bien entendu, les réalités locales.

Tous ces sujets justifient à l'évidence la mission sur le thème « Cinéma et droit de la concurrence » qui a été confiée à Anne Perrot et à Jean-Pierre Leclerc. Disposez-vous, madame la ministre, des premiers résultats de cette mission ?

L'équipement du territoire en salles de cinéma est désormais globalement satisfaisant.

Dans le cas où le Gouvernement, suivant les préconisations de la commission Attali, proposerait d'abroger les lois Royer de 1973 et Raffarin de 1996, notre commission juge absolument nécessaire de maintenir les dispositions régulant les créations et extensions d'établissements cinématographiques.

Pour ce qui concerne la projection numérique, la politique en ce domaine me semble se situer entre frilosité et volontarisme. Les exploitants, souvent en situation économique fragile, ne montrent pas tous le même empressement à sauter le pas de la projection numérique. En outre, le modèle économique permettant un développement de ces technologies dans les salles de cinéma n'a pas encore été trouvé à ce jour dans notre pays, même si les réflexions progressent.

L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle, sans doute, une adaptation du soutien financier géré par le CNC. Il nous apparaît essentiel que les modes de financements garantissent l'indépendance de programmation des exploitants.

Tant les pouvoirs publics que les professionnels devront également veiller à ce que des écarts ne se creusent pas durablement entre des salles « à plusieurs vitesses ». À cette fin, une attention particulière devra sans doute être portée aux salles d'art et essai, ainsi qu'aux salles jouant un rôle spécifique en matière d'aménagement culturel du territoire.

Dans ce contexte, le programme 711, consacré aux industries cinématographiques, devrait bénéficier d'une hausse de 4, 54 % en 2008, pour s'établir à 280, 8 millions d'euros. Le secteur continuera aussi à être soutenu par une politique fiscale incitative.

Je me suis interrogé sur l'idée d'une taxation des recettes de publicité de la vidéo à la demande, qui me semblerait pertinente et respectueuse du principe de la neutralité technologique.

Il nous a semblé toutefois opportun d'attendre l'an prochain, compte tenu des réflexions en cours sur la réforme du dispositif de soutien du CNC et des règles régissant la publicité télévisée.

Enfin, j'insiste pour que la pérennisation à long terme du régime d'aides publiques aux oeuvres cinématographiques et télévisuelles soit inscrite à l'agenda de la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Je conclurai en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711.

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