Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 10 juin 2020 à 15h00
Élections municipales et consulaires de 2020 — Discussion générale

Christophe Castaner  :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 15 mars dernier, les électeurs de 30 143 communes de France ont élu des conseils municipaux complets à l’issue du premier tour de scrutin.

Dans ces communes, après un délai dû à la crise sanitaire que nous avons traversée et traversons encore, les conseils municipaux ont pu se réunir, les maires et les adjoints ont pu être élus, la vie locale peut reprendre son cours. Vous aviez souhaité, M. le président Philippe Bas en particulier, l’accélération du calendrier ; nous l’avons fait – c’était utile – pour l’installation de ces conseils municipaux.

Cependant, dans 4 855 communes, le premier tour du scrutin n’a pas permis d’élire des conseils municipaux complets.

Vous connaissez les conséquences : dans ces communes, les exécutifs élus en 2014 sont toujours en place. Dans ces communes, l’économie locale et les grands projets sont en partie suspendus. Dans ces communes, les intercommunalités, si importantes pour la vie de nos collectivités et de nos concitoyens, n’ont pas encore pu reprendre le format « normal » de leurs activités.

Il nous fallait donc donner un horizon à ces communes, et déterminer une échéance pour clore le cycle électoral entamé le 15 mars. Cette volonté, je sais combien vous y êtes, dans cette assemblée, tout particulièrement attachés. Vous vous en êtes fait l’écho ; je la partage.

Dans la loi du 23 mars 2020, vous aviez fixé un cadre très clair et très précis : soit, après avis du conseil scientifique, il était possible d’organiser le second tour avant la fin du mois de juin ; soit le contexte sanitaire ne permettait pas la tenue d’un second tour avant fin juin et nous devions, le cas échéant, prévoir l’organisation de nouvelles élections, premier et second tours, dans les communes concernées.

Le 18 mai – vous le savez –, le conseil scientifique a rendu son avis. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons ensuite consulté les associations d’élus et les formations politiques.

Une décision a alors été prise – une décision prudente et responsable – : celle d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin.

« Prudente et responsable », disais-je, car cette décision doit permettre de clore ces élections municipales, mais s’accompagne de prescriptions destinées à assurer la sécurité sanitaire de la campagne et des opérations de vote. S’il s’agit d’une décision responsable, c’est aussi parce que, comme toutes les décisions que nous avons dû prendre dans le cadre de la gestion de l’urgence sanitaire et de la crise du Covid-19, elle est réversible. Sa réversibilité s’appuie évidemment sur l’avis du conseil scientifique, dont le projet de loi prévoit qu’il doit évaluer si la situation sanitaire permet ou non la tenue du scrutin.

Je sais l’attachement de cette assemblée à ce qu’un nouveau rapport du conseil scientifique soit remis. Ce vœu a été exaucé avant-hier, s’agissant du premier de ces rapports, et le conseil a une nouvelle fois estimé que, sous réserve du respect de certaines règles sanitaires, pour la campagne électorale comme pour l’organisation du scrutin, la situation épidémiologique permettait que ce second tour des élections municipales et communautaires se tienne le 28 juin prochain.

J’ajoute, pour être complet, que le conseil scientifique a attiré l’attention du Gouvernement sur Mayotte et sur la Guyane, ainsi que sur d’éventuelles situations locales, qui pourraient voir la circulation du virus s’intensifier et les risques augmenter. Vous l’avez compris : le Gouvernement a souhaité par avance tenir compte de telles hypothèses ; c’est le sens de l’amendement présenté à l’Assemblée nationale visant à permettre le report localisé de l’élection du fait de circonstances sanitaires spécifiques.

Le conseil scientifique a en outre indiqué qu’il rendrait un nouveau rapport le 14 juin, c’est-à-dire deux semaines avant la date prévue du scrutin. Si, par malheur, la situation sanitaire se détériorait d’ici là, il se pourrait que nous devions annuler la tenue du second tour le 28 juin.

Évidemment, je ne le souhaite pas, je ne l’espère pas ; mais nous devons nous tenir prêts. C’est le sens même du texte que nous examinons aujourd’hui. La situation est certes, légistiquement parlant, assez paradoxale, puisque coexistent un décret pris en conseil des ministres portant convocation des électeurs le 28 juin et un projet de loi présenté le même jour en conseil des ministres, dont nous sommes en train de débattre, qui prévoit l’annulation de cette élection. C’est pour anticiper ce risque qui, au moment où nous parlons, apparaît marginal, qu’il a fallu prendre une telle disposition pour les 4 855 communes concernées.

Nous pourvoyons donc à l’éventuelle annulation du second tour – et je ne serai pas plus bavard que cela sur ce sujet.

Deux précisions me semblent importantes, toutefois.

Premièrement, dans les communes de moins de 1 000 habitants où l’ensemble des conseillers municipaux n’ont pas été désignés à l’issue du premier tour, les élus du 15 mars ont été élus définitivement. L’éventuel nouveau cycle électoral ne portera donc que sur le renouvellement des sièges encore vacants, et les nouveaux élus entreront en fonction à l’issue du nouveau scrutin. J’ajoute qu’il en va de même pour les conseillers d’arrondissement et conseillers de Paris élus au premier tour.

Deuxième précision, qui s’inscrit dans la droite ligne des préconisations du conseil scientifique : le texte issu de l’Assemblée nationale permet désormais, si la situation sanitaire n’autorisait pas la tenue du scrutin dans un territoire précis, d’annuler les opérations électorales dans les communes concernées, sans pour autant annuler le second tour sur l’ensemble du territoire.

La jurisprudence avait déjà validé la possibilité d’annulations partielles liées, par exemple, à des coulées de boue ou à des tremblements de terre. Mais, dès lors que l’annulation pourrait porter sur des territoires plus larges, plafonnés, dans l’amendement présenté par le Gouvernement, à 5 % des communes pour lesquelles un second tour est nécessaire, nous avons souhaité sécuriser le dispositif. Je précise qu’aujourd’hui la question est essentiellement susceptible de se poser, compte tenu de l’avis du conseil scientifique, à Mayotte et en Guyane. Et, pour votre complète information, même si ce sujet n’est pas lié au texte de loi, les échanges que nous avons respectivement eus avec les élus de ces deux territoires – nous réfléchissons avec eux avant qu’une quelconque décision soit prise ; si la décision d’annuler doit être prise, elle le sera le plus tard possible – diffèrent assez largement. Nos échanges, hier encore, avec les élus de Mayotte laissent penser qu’ils n’y sont pas favorables ; en Guyane, les avis sont partagés. En tout état de cause, aucune décision n’est prise pour le moment.

Ce texte organise par ailleurs la continuité de la vie des institutions locales.

Dans les communes où un vote resterait à organiser, le mandat des élus actuellement en place serait prolongé, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants où des conseillers municipaux restent à désigner.

Concernant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), chacun a en tête, ici plus qu’ailleurs, leur rôle central dans l’investissement comme dans l’organisation des services publics du quotidien ; ce rôle justifie qu’ils reprennent le travail, en tenant compte des élections. Le texte prévoit donc la réunion d’assemblées « mixtes » composées de nouveaux élus et d’élus dont le mandat est prolongé. Dans ces EPCI, un exécutif provisoire sera désigné jusqu’aux nouvelles élections.

Troisième finalité de ce texte : permettre la clôture du cycle électoral engagé, y compris si le second tour ne pouvait pas se tenir. Ainsi, le projet de loi prévoit le remboursement des frais de campagne engagés par les listes au titre des scrutins prévus les 15 et 22 mars et le 28 juin.

Quatrième objectif de ce texte concernant les élections municipales : donner à chaque Française et à chaque Français l’occasion de se rendre aux urnes et d’exprimer son choix.

Un certain nombre de mesures réglementaires ont déjà été prises ou vont l’être pour favoriser le recueil des procurations, pour assurer la bonne publicité des professions de foi et des affiches des candidats et pour garantir l’organisation du scrutin dans le respect des règles sanitaires.

Lors de l’examen du texte, l’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin encore et déposer des amendements pour autoriser les mandataires à porter non plus une, mais deux procurations au maximum. Le Gouvernement soutient cette initiative. Je sais que c’est également le cas du Sénat. Je m’en réjouis : ce geste est important pour les électeurs, en particulier pour les plus fragiles, que cette disposition aidera.

Un certain nombre de dispositions supplémentaires ont été ajoutées lors de l’examen du texte en commission. Nous tomberons d’accord sur beaucoup d’entre elles – je pense en particulier à quelques précisions rédactionnelles bienvenues et à des dispositions qui enrichissent le texte, par exemple la prise en compte des démissions, ou encore l’extension de la « double procuration » dans les communes où l’élection serait reportée.

Je veux en revanche d’ores et déjà confirmer que le Gouvernement est opposé à certaines initiatives – nous en reparlerons tout à l’heure.

Notre premier désaccord concerne la faculté de porter la procuration d’un membre de sa famille dans une autre ville que celle où l’on est inscrit sur les listes électorales. Lors de l’examen de la proposition de loi défendue par le sénateur Cédric Perrin, Laurent Nunez avait déjà exprimé notre inquiétude – non pas notre opposition de fond, mais notre inquiétude – à propos d’une telle disposition, en l’absence de mesure permettant de contrôler le nombre total de procurations susceptibles d’être détenues par un même mandataire, et donc le risque de fraude qui pourrait en découler.

Autre point de désaccord : le choix de la date du 1er novembre 2020 pour l’entrée en fonction des nouveaux élus là où les élections seraient reportées, date qui serait fixe, quel que soit le jour du vote. Ce choix nous interroge ; je peine à comprendre pourquoi on priverait les nouveaux élus de l’exercice de leur mandat et pourquoi l’on s’interdirait une approche au plus près des territoires, permettant l’entrée en fonction des élus dès que possible, là où ils auront pu être élus – mais nous aurons l’occasion d’en reparler tout à l’heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi comporte deux volets. Le premier, que nous venons d’évoquer, concerne les élections municipales ; le second porte, quant à lui, sur le report nécessaire des élections consulaires.

Vous le savez, ces élections auraient dû se tenir les 16 et 17 mai dernier. C’était impossible compte tenu de la situation sanitaire et des mesures de confinement mises en place dans les différents pays du monde. Aussi le scrutin avait-il été reporté au mois de juin par la loi du 23 mars.

Là encore, nous nous sommes interrogés sur notre capacité à organiser ce scrutin, en nous fondant sur l’avis du conseil scientifique. Il apparaît clairement que l’épidémie n’est pas encore maîtrisée dans le monde, et qu’il serait impossible d’organiser ce vote dans de bonnes et égales conditions d’ici la fin du mois. On constate même, sur certains continents, une aggravation de la situation.

Le projet de loi prévoit donc de reporter ce scrutin au mois de mai 2021. Cette date nous donnerait plus de latitude quant à l’évolution mondiale de l’épidémie et permettrait de surcroît de ne pas avoir à décaler l’échéance des élections consulaires de 2026.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous nous sommes collectivement engagés en politique, c’est pour prévoir, pour anticiper, pour protéger. C’est ce que permet ce projet de loi, qui garantit en outre aux Français la continuité de la vie démocratique et de la vie locale.

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