Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 10 juin 2020 à 15h00
Élections municipales et consulaires de 2020 — Discussion générale

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 juin dernier, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, déclarait que l’épidémie semblait être sous contrôle. Avec un millier de nouveaux cas par jour, comparés aux 80 000 contaminations quotidiennes du début du mois de mars, notre pays a de bonnes chances de vaincre la pandémie.

Le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre assemblée un projet de loi dont la majorité des dispositions sont incontestablement à contre-courant de cette actualité favorable.

Il s’agissait notamment, avant les modifications apportées par la commission des lois du Sénat, de prévoir les conditions de l’annulation des élections municipales pour le cas où le contexte sanitaire ne permettrait pas la tenue du second tour le 28 juin prochain.

Comme l’a parfaitement souligné le président Bas, il y a quelque chose de paradoxal à discuter d’un texte en espérant qu’il ne trouvera pas à s’appliquer. Mais ce n’est qu’une apparence de paradoxe : il faut envisager la situation que nous voulons éviter et faire preuve de pragmatisme. « Le vrai courage, c’est la prudence », disait Euripide avec raison.

Durant les derniers mois, nous avons entendu bon nombre de voix s’élever pour affirmer avec certitude ce qui aurait dû être fait pour éviter la crise. Certains ont aussi chanté les louanges de remèdes miracles, reconnus par tous, et surtout par ceux qui les proposaient ! Au-delà des théories du complot, la réalité nous incite à la prudence et à l’endurance. La résolution de la crise viendra plus certainement d’un travail et d’un effort dans la durée que de coups d’éclat.

La pandémie a fortement perturbé le fonctionnement de notre pays. Après la grave crise sanitaire qui, nous l’espérons, se trouve déjà derrière nous, nous allons devoir faire face à une crise économique historique.

Une fois de plus, les maires ont montré qu’ils sont des figures incontournables de la gestion de crise dans nos territoires. Ils ont tenté sans relâche de répondre aux attentes de leurs administrés dans des conditions particulièrement dégradées. Beaucoup d’entre eux ont pris des mesures permettant de ralentir la propagation du virus, notamment en assurant une distribution de masques à nos concitoyens.

Le virus a touché tous les aspects de l’activité de notre société. Les processus électoraux n’ont pas été épargnés. Alors que l’action de nos collectivités est plus nécessaire que jamais, près de 5 000 communes et 16, 5 millions d’électeurs sont à ce jour dans l’attente d’un second tour.

Tout en veillant à préserver la santé des votants et des organisateurs du scrutin, nous pensons que la tenue du second tour est à cet égard impérative pour permettre aux équipes municipales d’agir avec une légitimité pleine et entière.

Dans cette optique, nous saluons l’assouplissement du régime de procuration de vote. Beaucoup de personnes fragiles, ou en contact avec des personnes fragiles, ne sont pas allées voter le 15 mars dernier. La participation s’en était ressentie. Nous devons créer les conditions d’une participation plus large pour les prochaines élections.

Le conseil scientifique a indiqué avant-hier, ce qu’il devrait confirmer le 14 juin prochain, que les circonstances sanitaires du second tour sont bien meilleures que celles du premier tour. Le virus semble être sensible aux saisons : c’est heureux pour nous à l’approche de l’été, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle contamination ou même d’une nouvelle maladie. Il nous faut donc anticiper les situations dans lesquelles le vote classique peut être problématique.

Pour cela, nous pensons que le système de la procuration de vote pourrait être revu afin de mieux l’adapter aux contextes de crises. Tel est le sens d’un amendement que j’ai déposé : il vise à permettre au mandataire, et non plus seulement au mandant, de faire les démarches pour établir la procuration plus facilement auprès des autorités compétentes. Nous sommes à la veille des vacances scolaires et nos concitoyens ont été confinés pendant un long moment : certains d’entre eux auront donc énormément de mal à accomplir un certain nombre de démarches pour donner leur procuration de vote.

D’autres pistes, souvent évoquées, sont celles du vote électronique ou encore du vote par correspondance. La commission a ajouté à cet égard la possibilité du vote par correspondance sur support papier pour les conseillers représentant les Français de l’étranger. C’est une bonne chose.

Plus généralement, il conviendrait de lancer une étude approfondie sur les différents types de vote afin de déterminer leur pertinence et leur fiabilité. En effet, si l’épidémie recule, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle dégradation des conditions sanitaires.

À ce sujet, nous remarquons que le texte vise à prévoir avec sagesse la possibilité d’annuler le second tour dans des communes qui seraient touchées par une résurgence du virus. Ce risque n’est pas à exclure et nous voyons dans cette mesure une prudente précaution.

En plus du vote, c’est l’ensemble des conditions du scrutin, notamment la campagne électorale, qu’il conviendrait d’ajuster aux contextes de crise.

Les dispositions contenues dans ce texte nous apparaissent nécessaires. Nous espérons et nous croyons que le recul de l’épidémie permettra de ne pas faire application de bon nombre d’entre elles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion