Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 10 juin 2020 à 15h00
Élections municipales et consulaires de 2020 — Discussion générale

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l’intitulé officiel du projet de loi que nous examinons aujourd’hui est très long, mais il pourrait être assez aisément simplifié : ce serait alors un projet de loi « au cas où » : au cas où la situation sanitaire ne permettrait pas l’organisation du second tour des élections municipales le 28 juin prochain ! Mission assez inédite pour le législateur auquel le Gouvernement propose d’adopter des dispositions dont il ne sait pas si elles ont réellement une utilité et si elles entreront en vigueur un jour.

La situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui résulte, bien sûr, de la crise sanitaire sans précédent qui touche notre pays et l’ensemble du monde depuis plusieurs mois. Mais cette situation découle également des choix que nous avons faits, des choix du Gouvernement en réalité : fallait-il organiser le premier tour d’une élection sans savoir si nous aurions la capacité d’organiser le second ? Fallait-il même organiser une élection alors que la pandémie était déjà là et que nous étions à la veille d’un confinement généralisé ?

Je n’ai nullement l’intention d’alimenter des polémiques, mais une chose est certaine : depuis la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, nous avons examiné de très nombreuses et très complexes dispositions en matière électorale et d’organisation des collectivités territoriales dont nous aurions pu faire l’économie si nous avions décidé d’organiser ces élections une fois la pandémie maîtrisée. Et je ne parle pas du contentieux électoral qui, hélas ! ne manquera pas d’être multiplié par les différents éléments que je viens de rappeler…

Le texte transmis au Sénat, adopté par l’Assemblée nationale lundi après-midi, prévoyait donc ce qui se serait passé si les conditions sanitaires n’avaient pas été réunies pour organiser un second tour des municipales le 28 juin prochain.

Notre président-rapporteur de la commission des lois a brillamment exposé la stratégie qui a guidé les travaux de la commission hier matin : nous ne pouvions pas sérieusement continuer à faire du droit virtuel, du droit « au cas où ». Nous avons donc considéré que, à l’exception quelques zones ciblées où la situation sanitaire serait incompatible avec un second tour – les fameux clusters –, le scrutin aurait bien lieu le 28 juin.

Notre groupe tient à saluer le travail effectué par la commission. Une fois n’est pas coutume, elle a dû examiner ce projet de loi dans des conditions de temps extrêmement strictes qui, soyons honnêtes, ne permettent pas au législateur d’exercer sereinement sa mission, d’autant que cette méthode de travail ne se justifie par aucune contrainte calendaire réelle. Pour reprendre les mots de notre rapporteur, « elle ajoute inutilement de la confusion non seulement pour le Parlement, mais également pour les candidats et les électeurs appelés aux urnes dans une période déjà très incertaine ».

Par ailleurs, on peut s’interroger sur le choix du Gouvernement consistant à décorréler l’examen de ce projet de loi du projet de loi organique que nous avons examiné ce matin en commission, et qui est fondamentalement lié au texte que nous examinons cet après-midi…

Cela a été rappelé, notre commission des lois a donc assez largement remodelé le texte transmis par l’Assemblée nationale en tenant compte des dernières conclusions du comité de scientifiques sur le contexte sanitaire, rendues lundi soir. Ce dernier constate, notamment, que « les indicateurs épidémiologiques rassemblés à la date du 5 juin […] ne témoignent pas d’une reprise de l’épidémie ». Il indique donc que la « seconde vague », tant redoutée, n’est pas là pour l’instant, ce dont nous devons nous réjouir.

Mais chacun a bien compris que nous devions continuer à nous protéger contre le virus qui, lui, n’a pas disparu. Il fallait donc que nos concitoyens les plus fragiles puissent exercer leur droit de vote sans risquer d’être inutilement exposés à un risque de contamination. Ce texte était donc l’occasion de reprendre un certain nombre de dispositions votées par la Haute Assemblée la semaine dernière tendant à faciliter, notamment, le recours aux procurations.

J’espère que les apports du Sénat sur ce point seront repris par nos collègues députés, car il s’agit de mesures de bon sens, qui n’ont qu’un seul objectif : faire en sorte que le maximum de nos compatriotes puisse voter tout en leur assurant le meilleur niveau de sécurité sanitaire. Il est important de les rassurer sur ce point.

Je me félicite aussi que le texte de la commission ait intégré plusieurs amendements déposés par des membres de mon groupe, notamment sur le fonctionnement des collectivités territoriales. Il était, par exemple, nécessaire d’adapter le calendrier de renouvellement de certaines instances comme les comités des syndicats mixtes. Le texte voté en commission vise à prévoir que le comité des syndicats mixtes fermés pourra tenir sa réunion d’installation jusqu’au vendredi 25 septembre, ce qui permettra d’éviter que ces réunions n’interviennent en plein mois d’août…

Je dirai un mot enfin sur le sujet qui devient pratiquement le cœur du texte, à savoir l’annulation des élections consulaires.

Notre commission a intégré plusieurs dispositions, dont certaines avaient déjà été adoptées par le Sénat dans le cadre de l’examen de récentes propositions de loi, afin d’assurer le bon déroulement des élections consulaires, mais aussi visant à mieux reconnaître l’engagement des élus représentant les Français de l’étranger.

Nous avons ainsi fixé une date certaine – en mai 2021 – pour les prochaines élections consulaires et autorisé le vote par correspondance sur support papier, dans des conditions garantissant la sincérité et le secret du vote.

Nous avons également amélioré les conditions d’exercice du mandat des conseillers des Français de l’étranger, notamment pour mieux concilier leurs fonctions électives et leur vie professionnelle : reconnaissance des acquis de l’expérience, autorisations d’absence, prise en charge des frais de transport, etc.

Reste la délicate question de l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France dont le report est prévu dans le projet de loi organique que j’évoquais précédemment et que le Gouvernement n’a pas souhaité nous faire examiner aujourd’hui…

C’est bien dommage, car, naturellement, la question du report des élections consulaires est profondément et intimement liée à celle des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Mais je n’en dis pas plus sur ce thème aujourd’hui, car c’est la semaine prochaine que le Sénat devra délibérer sur cette question.

Je tiens une fois encore à saluer, mes chers collègues, le travail réalisé par le président Philippe Bas. Il nous a permis à la fois d’évacuer de ce projet de loi son caractère hypothétique et d’enrichir le texte en y intégrant des dispositions auxquelles Sénat avait marqué son attachement au cours des derniers mois, s’agissant aussi bien des Français de l’étranger que du vote par procuration.

Le groupe Union Centriste soutiendra ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de notre commission des lois.

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