Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 10 juin 2020 à 15h00
Élections municipales et consulaires de 2020 — Discussion générale

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de la séance, nous discutions d’un projet de loi « relatif à diverses dispositions ». Nous poursuivons maintenant avec un texte qui, dans la version au titre fort long que nous avait transmise l’Assemblée nationale, portait essentiellement sur des dispositions virtuelles.

En ces temps de crise sanitaire exceptionnelle, nous avons désormais, malheureusement, pris l’habitude de consentir à des mesures tout aussi exceptionnelles, souvent dans l’urgence, avec conscience des enjeux, prudence et discernement. C’est pourquoi ce projet de loi ne surprend guère.

Il vise, de prime abord, à annuler le second tour des élections municipales de 2020, ainsi qu’à reporter les élections consulaires, alors même que, il y a une semaine à peine, nous votions une proposition de loi de notre collègue Cédric Perrin portant sur ces élections. À ce moment-là, le Gouvernement nous indiquait que certaines mesures de facilitation de l’organisation du vote prévues dans la proposition de loi trouveraient leur place dans ce projet de loi annulant les élections. Celui-ci a ainsi été proclamé « vecteur législatif approprié » pour parler de leur bon déroulement.

Certains députés de la majorité ont ainsi repris l’idée de doubles procurations, présente dans la proposition de loi du Sénat, et l’ont inscrite dans un texte qui, en même temps, établit un régime d’annulation hypothétique de ces mêmes élections. Vous avouerez que c’est un peu surréaliste !

Pourquoi un régime hypothétique ? Parce qu’il implique que le second tour pourrait être annulé par simple décret si la situation sanitaire à la veille du scrutin l’imposait. Pourquoi pas ? Une dégradation subite de la situation sanitaire, même si elle est peu probable, n’est pas impossible.

Cependant, légiférer de la sorte présente des difficultés. Dans son avis, le Conseil d’État relève avec sa prudence coutumière l’étrangeté d’une situation dans laquelle il est appelé à se prononcer sur des dispositions, sans que les conditions requises pour décider de leur mise en œuvre soient réunies.

Les parlementaires sont désormais placés face à la même situation, et nous sommes nombreux à ne pas apprécier cette manière de procéder. Notre commission, sur l’initiative de son président et rapporteur Philippe Bas, s’est efforcée de clarifier les choses : « Le Parlement n’a pas vocation à trancher des questions hypothétiques, cela non seulement parce qu’il y a une infinité de situations possibles, mais aussi et surtout en raison des fragilités constitutionnelles d’une pareille démarche. » En effet, le Conseil constitutionnel a déjà sanctionné par le passé des cas dans lesquels le législateur laissait à l’exécutif le choix de l’entrée en vigueur ou non de dispositions législatives.

Par contraste, le dispositif de l’article 5 soulève moins d’interrogations. Certes, il permettra au Gouvernement d’annuler le scrutin dans les communes les plus touchées par l’épidémie. Mais ce sera selon des conditions très strictes, et la mise en œuvre effective de l’article dans certains cas est probable, le virus continuant de circuler fortement dans plusieurs territoires, comme ceux d’outre-mer.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a supprimé les dispositions virtuelles du texte, se plaçant ainsi dans la continuité de Montesquieu lorsqu’il écrivait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Elle a œuvré pour renforcer ce qui est nécessaire et a introduit des garanties importantes pour le bon déroulement des élections du 28 juin, notamment à partir de mesures déjà présentes dans la proposition de loi sénatoriale tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020.

Parmi ces garanties, il y a la possibilité d’établir une procuration en faveur d’un proche, des aménagements pour cette mise en place au bénéfice d’électeurs vulnérables, ou encore la garantie que des équipements de protection soient mis à disposition des électeurs dans les bureaux de vote.

Outre ce qui concerne directement les élections municipales, le projet de loi comprend désormais un certain nombre d’autres éléments.

Il s’agit, par exemple, de dispositions visant à prolonger des aménagements très concrets au fonctionnement normal des collectivités durant les mois à venir. Ceux-ci contribueront à concilier sécurité sanitaire et bon déroulement de la vie des institutions locales. D’autres éléments permettront de rétablir des délais plus en phase avec le droit commun pour le contentieux électoral du scrutin du 15 mars, ou encore d’ajuster certaines dispositions relatives aux grands électeurs en Polynésie.

Le troisième volet de ce texte concerne la représentation des Français de l’étranger. La situation sanitaire globale a rendu le report des élections consulaires inévitable, et nous en prenons acte par la fixation d’une date certaine en mai 2021. Toujours dans la lignée de ce qui a été voté, nous proposons aussi le vote par correspondance sur support papier qui, associé à des garanties procédurales, nous semble approprié en ces temps d’obstacles à la mobilité.

Je tiens à signaler ici la reprise, sur l’initiative de nos collègues représentants des Français de l’étranger, d’un certain nombre d’avancées issues de plusieurs textes que notre assemblée a déjà votés, pour certaines pas plus tard que le 19 mai dernier. D’autres figurent déjà dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, mais ont vu leur calendrier remis en cause par le report des élections consulaires. Par exemple, nous permettrons à des élus de présider les conseils consulaires dès octobre 2020, répondant ainsi à une demande ancienne.

En somme, grâce à l’adoption en commission d’amendements relatifs à ces sujets, le projet de loi permettra une entrée en vigueur rapide et effective de ce qui a déjà été promulgué, et donnera de nombreuses autres garanties aux représentants des Français de l’étranger.

Pour conclure, c’est à raison que la commission des lois a recentré le texte sur des mesures nécessaires à l’organisation des élections municipales. Non pas qu’il ne faille pas être prêt à toute éventualité ; nous avons récemment démontré à cet égard que nous étions capables de travailler dans des conditions de temps très contraintes, alors que c’était réellement nécessaire. Mais il nous semble peu judicieux de recourir à des lois virtuelles pour parer à toute éventualité. Au contraire, nous préférons être proactifs et pragmatiques sur des sujets réalistes, tels que l’organisation du second tour des élections municipales ou la représentation des Français de l’étranger.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains approuve le travail réalisé en commission et sera favorable à cette version modifiée du projet de loi.

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