Pour en revenir au budget, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas rentrer dans une querelle de chiffres, mais il est clair que les moyens affectés à la culture sont en retrait dans le moment même où les pratiques culturelles sont en plein bouleversement.
Le Gouvernement aurait-il perdu de vue que l'art et la culture sont des enjeux de civilisation ? Investir dans la culture, c'est aussi investir dans cette intelligence sensible dont notre pays a tant besoin pour relever le défi d'une société en demande de repères.
Contrairement à ce que titrait le Time Magazine, la culture française est bien vivante, avec un maillage territorial envié de par le monde. Mais un pays qui ne soutient plus résolument les artistes, l'audace de la création, l'imaginaire, se condamne au déclin, comme vient de le dire avec passion, mais aussi raison, mon ami Jack Ralite.
Face à un marché standardisant, qui se sert de la culture plus qu'il ne la sert, le contrepoids d'un service public national de la culture « élitaire pour tous » est plus que jamais une nécessité.
Si la création est mise à mal, la démocratisation, qui est pourtant une priorité affichée par le Président de la République, n'est guère mieux lotie. J'en veux pour preuve la suppression de 18 % des crédits visant à favoriser l'accès à la culture des territoires et des publics les moins favorisés. Cette baisse drastique touche les acteurs de terrain, les associations d'éducation populaire, les zones rurales, les contrats de ville et la lutte contre les exclusions. Comment justifier un tel recul alors que les quartiers ont plus que jamais besoin d'un puissant effort de solidarité nationale afin de combler des inégalités de plus en plus criantes ?
C'est le non-partage qui crée le non-public. Et l'on sait que les extrémismes naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et l'absence de culture. La médiation et la sensibilisation sont indispensables, mais elles sont malheureusement les premières sacrifiées quand les moyens diminuent.
Par ailleurs, alors que l'enseignement spécialisé va être transféré aux collectivités territoriales, déjà fortement mises à contribution, comment ne pas déplorer la baisse de 2 millions d'euros dédiés à la transmission des savoirs, qui concerne les conservatoires et écoles de musique, de théâtre et de danse ?
En ce qui concerne l'éducation artistique, pilier déterminant de la démocratisation, il faut acter que le budget est en hausse, ce qui ne veut pas dire que le compte y est. Le retard est tel qu'il faudrait au minimum le doubler.
Pour lutter efficacement contre la « fracture culturelle », il est nécessaire de rendre l'éducation artistique discipline obligatoire, à l'instar de la grammaire ou des mathématiques. Alors que les enfants passent de plus en plus de temps devant la télévision ou sur Internet, il est également incompréhensible que l'éducation à l'image ne soit pas généralisée. Tous les jeunes, de la maternelle à l'université, doivent pouvoir accéder aux oeuvres, à leur compréhension ainsi qu'aux pratiques artistiques. À cet égard, où en est le projet présidentiel de généraliser l'histoire de l'art à l'école ?
Enfin, dans une société où la technique et la technologie sont omniprésentes, malgré une légère augmentation du budget, les efforts en faveur de la diffusion de la culture scientifique restent insuffisants. Il faudra bien, un jour, sortir d'un système dans lequel « il est fatal qu'il soit fatal que la culture soit toujours traitée après », et la culture scientifique encore après. Démocratiser plus résolument la culture scientifique, développer plus largement sa diffusion, c'est essentiel pour que chacun puisse en connaissance de cause maîtriser les choix scientifiques et peser sur ceux qui dessineront le monde de demain.
Je pourrais allonger cet inventaire des moyens qui ne sont pas au rendez-vous des besoins ni à la hauteur de l'ambition du partage du meilleur de l'art et de la culture pour tous. C'est pourquoi, avec mon groupe, je ne peux que voter contre ce budget de non-assistance à culture en danger.