Intervention de Raymond Cointe

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 26 mai 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur l'impact sanitaire et environnemental de la pollution des sols ayant accueilli des activités industrielles ou minières en téléconférence

Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques :

Ces questions sont assez juridiques. Nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour y répondre. Nous devons trouver le bon équilibre entre ce qui relève de dispositions législatives ou réglementaires, ou de dispositions sous forme de guides, ayant pour objectif d'expliquer et détailler l'application de la législation.

Nos guides méthodologiques n'auraient pas vocation à figurer dans une loi, compte tenu de leur caractère technique et évolutif. Je pense que la réglementation renvoie déjà à un certain nombre de principes, puis à l'application de guides. Vous citiez précédemment la gestion de l'accident de Lubrizol. Dans la gestion de crise en situation post-accidentelle, des circulaires renvoient à des méthodologies appliquées de manière homogène par l'ensemble des services de l'État, et notamment les services déconcentrés. Un certain nombre d'éléments relèvent, je pense, du niveau législatif ou réglementaire. D'autres se rapprochent davantage d'une doctrine de mise en oeuvre.

Il est nécessaire de trouver un équilibre et de bien positionner le curseur entre ce qui relève de la réglementation et de la législation, et ce qui relève du guide méthodologique, par essence technique et évolutif.

Concernant l'après-mine et l'actualisation du code minier, ma réponse sera similaire à celle de Geoderis. Elle relève selon moi davantage de la responsabilité d'une décision politique.

Je rappelle que deux types de logiques peuvent entrer en oeuvre. La première, héritée du code minier, porte sur une responsabilité de l'État en dernier ressort pour réparer les dommages. La seconde, héritée du code de l'environnement, porte sur la responsabilisation de l'exploitant. Nous ne trouvons pas toujours d'exploitant solvable. Un problème de mise en oeuvre de la réparation des dégâts et de la dépollution peut alors se poser.

À l'inverse, une responsabilité automatique de l'État déresponsabiliserait les exploitants. Il est évident que la priorité, pour éviter les problèmes de sols pollués, est d'éviter que de nouveaux sols ne le soient. Pour ce faire, nous devons faire en sorte que les exploitants soient responsabilisés et ne polluent plus les sols qu'ils occupent.

Le curseur est difficile à placer entre une logique d'indemnisation par l'État, permettant de répondre rapidement aux demandes légitimes des personnes sur ces sites pollués, et une logique de responsabilisation de l'exploitant visant à prévenir les pollutions. Je crains de ne pouvoir en dire beaucoup plus, en tant qu'expert technique.

Sur les méthodologies et les questions de prélèvements, nous sommes à l'Ineris amenés à réaliser un certain nombre de prélèvements, voire à mener un certain nombre d'analyses. Ceci étant, nous n'avons pas la possibilité de le faire systématiquement, pour des raisons de disponibilité de nos équipes par exemple. Nous pouvons donc recourir à de la sous-traitance. Dans ce cas, nous sommes très vigilants quant à la qualité des personnes que nous sommes amenés à faire intervenir. Un problème plus général de compétence des bureaux d'étude peut se poser. Elle n'est pas de notre responsabilité directe. Il est évident que l'élaboration des guides méthodologiques vise à faire monter en qualité les divers intervenants dans la chaîne.

Le cas de Lubrizol pose typiquement la question de savoir gérer en urgence les questions d'analyse de prélèvement. Il a d'ailleurs été décidé que les laboratoires de l'Ineris mèneraient ces analyses, compte tenu de la sensibilité de la situation et de l'urgence de les réaliser.

Je ne peux qu'acquiescer lorsque vous évoquez la complexité redoutable des études et des modélisations. C'est vrai de manière générale en matière d'évaluation du risque, et encore plus dans le domaine de la pollution des sols. Ce milieu est encore plus compliqué que l'air ou l'eau. Nous imaginons qu'il est assez simple d'évaluer les risques liés au fait de boire de l'eau. C'est bien plus compliqué pour les sols, en raison des sources d'exposition et des transferts dans l'environnement. De plus, la méthodologie est très compliquée. Nous avons certainement des efforts à réaliser en termes de pédagogie, de discussion et d'évolution de nos méthodes et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Il est vrai que l'Ineris se concentre sur le volet national d'élaboration de guides, bien que nous soyons présents sur un certain nombre d'études locales. Nous avons essayé, avec un succès relatif, d'associer des parties prenantes dans nos instances de gouvernance. Une commission d'orientation de la recherche et de l'expertise est composée d'élus locaux, de représentants des entreprises, de syndicats ou encore d'associations environnementales. Ils sont consultés sur nos programmes de travail et sur la manière dont nous pouvons communiquer sur les différents sujets.

L'ancien maire de Moyeuve-Grande, René Drouin, est membre de notre instance de gouvernance. Il participe activement à nos travaux, et particulièrement au volet de l'impact en termes d'effondrement minier. Nous avons à coeur d'associer les élus à nos réflexions.

Nous n'intervenons absolument pas dans l'élaboration des bases de données sur les sols pollués. De manière générale, nous ne pouvons être que favorables à ce que les bases sur les sujets environnementaux soient rendues accessibles. Nous en gérons un certain nombre dans le domaine de la qualité de l'air.

Sur le sujet de Salsigne et des inondations, je pense qu'il est utile d'associer autant que possible les élus à toutes les études qui peuvent être menées. Nous souhaitons, à l'Ineris, les associer à nos réflexions globales en termes de méthodologie, plutôt que sur des dossiers plus ponctuels. Nous y intervenons plutôt en appui à la puissance publique locale, que directement en tant que gestionnaires du sujet.

Je pense que la réponse que nous avons apportée au questionnaire concernant les angles morts ne doit pas être sur-interprétée. Nous avons compris la question sur le volet méthodologique. De notre point de vue, nous considérons que la méthodologie utilisée pour évaluer les risques sanitaires liés aux sites et sols pollués ne comporte pas vraiment d'angles morts. Pour autant, le sujet est très complexe. Des progrès scientifiques peuvent toujours se produire. Des recherches sont en cours.

Il est évident qu'une excellente méthodologie est inutile si l'histoire d'un certain nombre de sites et sols pollués a été perdue. Il est problématique de ne pas savoir qu'une crèche ou une école est construite sur un site pollué.

Nous en arrivons plus à des lacunes sur la connaissance du passif existant en matière de sites et sols pollués plutôt que sur le sujet précis de la méthodologie pour évaluer les risques associés à un cas identifié. Un deuxième sujet se pose concernant ensuite le traitement lui-même.

Concernant la mise en oeuvre de nos recommandations, nous sommes amenés à intervenir dans des situations assez différentes. Notre intervention et le suivi de nos recommandations seront différents si nous intervenons à la demande des pouvoirs publics ou en tierce expertise, ou si nous sommes amenés à nous autosaisir. Tous les éléments que nous produisons sont rendus publics. C'est un premier élément pour nous assurer du suivi des recommandations émises. Si nous travaillons en accompagnement industriel, dans le cadre d'une prestation privée, nous avons un devoir d'alerte, que nous avons déjà été amenés à exercer. Si nous jugeons qu'une situation est problématique, nous serons amenés à en alerter les autorités en charge du dossier.

Nous avons le sentiment qu'il est rare que nos recommandations ne soient pas suivies.

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