Commission d'enquête Pollution des sols

Réunion du 26 mai 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux, sous forme de table ronde, par l'audition conjointe de Raymond Cointe et Martine Ramel, respectivement directeur général et responsable du pôle « Risques et technologies durables » de l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), ainsi que de Rafik Hadadou et Philippe Baranger, respectivement directeur et responsable de l'unité « Eau et environnement » du groupement d'intérêt public Geoderis ;

Vos deux organismes sont organiquement liés. En effet, Geoderis est un groupement d'intérêt public constitué par le ministère de la transition écologique et solidaire, l'Ineris et le BRGM.

L'Ineris intervient tout particulièrement dans le diagnostic des risques, notamment sanitaires et écologiques, que présentent les activités industrielles présentes ou passées. Il réalise ainsi des analyses de toxicité à la suite d'identifications de pollutions ou d'accidents industriels, comme nous l'avons observé suite à la catastrophe de Lubrizol, et produit des modélisations des risques correspondants.

Geoderis s'investit dans la gestion de l'après-mine, en apportant son expertise dans la cartographie des terrains miniers et dans l'analyse des risques environnementaux associés.

Nous comptons sur votre éclairage concernant les capacités scientifiques dont dispose l'État à travers vos organismes, afin d'identifier et prévenir les risques sanitaires et écologiques liés aux activités industrielles et minières. Pourriez-vous nous exposer des cas concrets et récents de pollution des sols pour lesquels votre expertise a permis d'orienter l'action de l'État dans la prévention et la gestion de ces risques sanitaires et écologiques ? N'hésitez pas à évoquer des cas pour lesquels votre expertise n'aurait pas été correctement suivie ou l'aurait été insuffisamment, n'empêchant pas la survenue de problèmes sanitaires ou écologiques.

Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. J'invite chacun d'entre vous, dans l'ordre où je vous appellerai, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et dire : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Raymond Cointe, Mme Martine Ramel et MM. Rafik Hadadou et Philippe Baranger prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer sur ce sujet.

Je rappelle que l'Ineris est l'héritier du centre d'études et de recherche des charbonnages de France, le Cerchar. Il a été créé en tant qu'établissement public à caractère industriel et commercial en 1990, lorsqu'il a été décidé d'abandonner l'exploitation du charbon en France, sous la tutelle du ministère chargé de l'environnement, ce qui n'était pas fréquent. Nous avons depuis cette date un rôle d'appui et de conseil aux pouvoirs publics et aux entreprises en matière de maîtrise des risques dans le domaine industriel, et des pollutions liées aux activités économiques. Nous n'avons en revanche aucun rôle de gestion de risque, qui relève de la responsabilité des pouvoirs publics ou de l'industriel lui-même.

Dans le domaine des sols, nous avons acquis une expertise historique sur deux volets : le volet géotechnique concernant la problématique de sécurité immédiate, relative aux mouvements de terrain pouvant affecter les biens et les populations proches d'anciennes exploitations minières notamment, et l'évaluation des risques sanitaires. Ces évaluations visent à prévenir et gérer sur le long terme les risques potentiels encourus par les populations vivant à proximité d'une source de pollution. L'objectif est d'estimer l'exposition des riverains et de la rapporter à des valeurs servant de référence. Nous émettons ainsi des recommandations concernant des valeurs limites d'émission, restreignant le cas échéant certains usages ou proportionnant un plan de surveillance des émissions.

Le directeur général de la prévention des risques l'a déjà rappelé lors d'une audition, l'histoire minière de l'Ineris a de fortes implications en matière de gestion de l'après-mine, du fait des spécificités du code minier. Pour encourager l'exploitation des sous-sols et des mines, la France a en effet mis en place au début du 19e siècle un droit particulier permettant de passer outre les réticences des propriétaires du sol pour exploiter le tréfonds. Les préoccupations environnementales étaient sans doute moins fortes à l'époque qu'aujourd'hui. En contrepartie, l'État s'est rendu garant de la réparation des dommages causés par l'activité minière de l'exploitant en cas de disparition ou de défaillance. Nous en observons aujourd'hui les conséquences.

Un certain nombre de difficultés liées à l'après-mine sont apparues dans les années 1990. La disparition progressive des opérateurs miniers et du Cerchar, auquel nous avons succédé, et l'érosion des compétences dans le domaine ont conduit les ministères à mettre en place un dispositif spécifique concernant l'après-mine. Une maîtrise d'ouvrage des interventions nécessaires est assurée par le ministère en charge de l'environnement. Celui-ci s'appuie d'une part sur le groupement d'intérêt public Geoderis, et d'autre part sur un assistant et un maître d'ouvrage, voire un maître d'ouvrage délégué, qui est le département prévention et sécurité minière (DPSM) du BRGM. Geoderis a été créé à cet effet. Il est constitué, vous l'avez dit, entre le ministère, le BRGM et nous-mêmes afin de rassembler l'ensemble des compétences disponibles en la matière.

Évidemment, l'activité minière n'est pas la seule à impacter la pollution des sols. Nous devons noter l'importance du code de l'environnement, qui suit un principe général assez différent de celui du code minier. En effet, il ne transfère aucune responsabilité de l'exploitant vers l'État pour la réparation des dommages. L'objectif est de faire jouer autant que faire se peut la responsabilité de l'exploitant, voire celle du propriétaire du sol. De ce fait, il n'y a pas de maîtrise d'ouvrage de l'administration, en dehors de quelques cas exceptionnels, tels que les sites orphelins. Notre intervention dans ce domaine est potentiellement assez différente. Nous sommes amenés à intervenir en ce qui concerne la réglementation liée au code de l'environnement en appui à l'administration, tant dans l'élaboration de la législation que dans celle de guides permettant d'émettre des recommandations aux pouvoirs publics et aux gestionnaires des sites. Le cas échéant, nous donnons un avis indépendant sur les études proposées par l'exploitant, ou appuyons directement ce dernier.

Debut de section - Permalien
Martine Ramel, responsable du pôle « Risques et technologies durables » de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

En appui au ministère de l'écologie, nous élaborons les guides de référence sur l'ensemble du périmètre de l'évaluation des risques. La méthodologie d'évaluation des risques sanitaires intègre une phase d'évaluation des expositions, qui est extrêmement importante. En amont de celle-ci, des diagnostics de pollution dans les différentes matrices environnementales doivent être menés. L'évaluation des risques sanitaires est réalisée en comparaison avec des valeurs sanitaires de référence. Ces guides permettent de disposer de méthodologies homogènes sur l'ensemble du territoire. Les bureaux d'étude s'en emparent pour mener les études sur le terrain.

Sur les sites miniers, l'ensemble des études réalisées pour Geoderis constitue les exemples les plus concrets. Nous réalisons à leur demande l'ensemble des volets d'évaluation des risques sanitaires, selon la même logique que celle que je viens de vous exposer : caractérisation des milieux, caractérisations des expositions et calcul des risques sanitaires jusque la rédaction de recommandations de réduction des risques par la réduction des expositions.

Je peux également citer l'accompagnement d'un industriel dont l'ensemble du site en activité est pollué par une pollution antérieure, essentiellement ciblée sur des polluants volatiles. Ces pollutions mettent longtemps à se révéler dans leur environnement, car elles imprègnent les sols avant de se transférer vers les eaux souterraines. Elles retournent ensuite vers les milieux d'exposition plusieurs années plus tard. Nous accompagnons cet industriel depuis plusieurs années, à la demande de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Nous sommes d'abord intervenus en tiers expertise. Nous l'accompagnons encore pour identifier les priorités d'action et définir les actions de remédiation possibles sur ce site, dans une logique d'évaluation et de recommandations.

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Geoderis est un groupement d'intérêt public entre le BRGM et l'Ineris, créé en 2001 pour dix années. Il a d'abord été reconduit pour dix ans, puis par anticipation jusqu'en 2026. Nous sommes opérationnels depuis 1999, suite à des affaissements spectaculaires survenus dans le bassin lorrain à la fin des années 1990. Plus de 140 familles ont été évacuées sur la commune d'Auboué, par exemple. L'État a alors décidé de mettre en place cet outil pour appuyer la Dreal dans la gestion de ces crises.

Geoderis emploie aujourd'hui 21 ingénieurs et techniciens répartis sur deux antennes, à Metz et Montpellier. Nous sommes contrôlés par une assemblée générale à laquelle siègent trois représentants du BRGM, trois représentants de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), trois représentants de l'Ineris, le commissaire du Gouvernement et le contrôleur général économique et financier. Son président vient du BRGM. Le groupement est totalement financé par l'État. Nous disposons à ce jour d'environ d'un budget de six millions d'euros.

Nous travaillons sur un programme annuel, validé en assemblée générale et sur demande des Dreal, sur une planification en termes d'aléas et de mouvements de terrain, ou sur une étude environnementale. Nous gérons également une base de données. En France, nous dénombrons aujourd'hui plus de 5 600 titres miniers. Plus de 3 000 communes sont concernées par l'exploitation minière.

Nous sommes organisés par axes thématiques, en petites équipes : une unité « Mouvements de terrain et gaz de mine », une unité « Eau et environnement » et une unité « Base de données ».

En termes de missions, nous inventorions et hiérarchisons tous les types de risques. Nous avons réalisé un inventaire de tous les sites potentiellement à risque de 2008 à 2012 pour identifier, le cas échéant, un cas tel que celui arrivé subitement en Lorraine. Depuis ce commentaire, nous réalisons des études d'aléas détaillées.

Concernant les études environnementales, un inventaire a également été demandé. Nous avions déjà commencé à lister quelques sites problématiques tels que Pechelbronn en Alsace.

Conformément à l'article 20 de la directive européenne 2006/21/CE, nous avons réalisé un inventaire de tous les déchets miniers, qu'ils soient métalliques ou de charbon.

Nous sommes en train de mener des études environnementales d'interprétation de l'état des milieux (IEM) avec l'appui du BRGM et de l'Ineris. Nous dressons les synthèses et accompagnons ensuite les Dreal dans les communications à l'intention des élus, en présence des services de l'État.

L'une de nos missions est davantage liée aux problématiques de mouvements de terrain. Nous l'appelons « Reconnaissance et étude de risques ». Nous réalisons une étude d'aléas et de mouvements de terrain concernant des zones comprenant des habitations ou des endroits stratégiques. Nous précisons les risques en faisant rouvrir les anciennes mines lorsque cela est possible. Dans le cas contraire, nous réalisons des forages et inspectons la surface grâce aux outils modernes dont nous disposons.

La base de données n'est pas encore publique, mais est vouée à le devenir. Elle contient toutes nos études et toutes les informations recueillies dans les archives départementales et nationales, au niveau des Dreal et des communes.

14 interprétations de l'état des milieux (IEM) ont été réalisées depuis la fin de l'inventaire. Cinq sont encore en cours. Il en restera cinq à effectuer.

Je peux citer quelques sites problématiques pour répondre à vos questions : La Croix-de-Pallières dans le Gard, Le Bleymard en Lozère ou encore Le Pic de la Fourque en Ariège.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

J'ai compris que 14 études étaient réalisées, et que 5 autres étaient programmées. Est-ce bien cela ?

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Cinq études sont en cours et déjà engagées. Cinq doivent encore être engagées. Un planning a été établi avec l'administration. Il devait se terminer en 2021. Nous l'avons mis à jour et reporté à 2022 en raison du confinement. Nous pourrons ainsi finaliser les études connues aujourd'hui sur toute la France.

Debut de section - Permalien
Philippe Baranger, responsable de l'unité « Eau et environnement » du groupement d'intérêt public Geoderis

Geoderis a réalisé l'inventaire des déchets miniers, suite à l'article 20 de la directive européenne sur les déchets de l'industrie extractive. Nous avons d'abord eu à rechercher relativement rapidement l'ensemble des archives que nous pouvions rassembler pour caractériser et identifier les différentes sources de pollution sur les sites de la base de données. Nous avons ensuite fait des visites de terrain sur les sites les plus importants, qui nous paraissaient potentiellement présenter le plus d'impact. 630 sites ont été visités en 2 ans, ce qui a représenté un travail considérable. Nous nous sommes bien entendu appuyés sur l'Ineris et le BRGM. À la suite de ces visites, nous avons mis au point une méthodologie de classement des sites, classant les secteurs en fonction de leur potentiel d'impact environnemental et de risque sanitaire.

Nous avons identifié six classes, de A à E. La classe E, rassemblant les sites présentant le plus d'impact potentiel, fera prioritairement l'objet d'études sanitaires et environnementales. La classe A, pour sa part, représente les sites qui ne présentent aucun risque sanitaire et environnemental à nos yeux, ou très peu. Pour l'instant, toutes les IEM évoquées par monsieur Hadadou portent sur les sites classés en D et E. Nous en avons identifié environ 26 en 2012. Nous en avons réalisé 14. Il en reste une dizaine. Certains sites sont encore occupés par un exploitant. Nous n'y intervenons donc pas.

Cet inventaire permet de choisir les sites à traiter prioritairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

La loi de 1 999 est présentée comme un progrès en matière de réparation des dommages miniers, devant être pris intégralement en charge par l'État. Il s'avère pourtant que les dommages miniers en question restent très circonscrits et se limitent aux risques physiques tels que des affaissements. N'est-il pas temps d'actualiser le code minier afin de permettre une réparation des dommages sanitaires et écologiques liés aux activités minières ? Dans ce cas, l'État doit-il les prendre intégralement en charge, ou une responsabilisation pleine et complète de l'exploitant est-elle envisageable ?

Par ailleurs, je m'interroge sur la méthodologie de l'Ineris pour procéder à l'analyse des risques sanitaires occasionnés par une pollution industrielle, accidentelle ou chronique. Vos services effectuent-ils directement les prélèvements que vous analysez ? Si ce n'est pas le cas, pouvons-nous faire pleinement confiance aux organismes auxquels vous confiez cette mission ? Sont-ils certifiés, et observent-ils une méthodologie éprouvée scientifiquement ?

Je salue les efforts déployés par l'Ineris et Geoderis dans la modélisation des risques sanitaires et écologiques associés aux activités industrielles et minières. Vos études me semblent toutefois d'une complexité redoutable. Elles sont finalement difficilement compréhensibles des élus locaux et du grand public qui ne disposent pas toujours de l'expertise nécessaire. Selon vous, les recommandations que vous formulez dans vos études sont-elles toujours suivies d'effet et mises en oeuvre par les autorités sanitaires ? Dialoguez-vous uniquement avec les services de l'État pour expliquer vos recommandations, ou effectuez-vous également un travail de pédagogie auprès des élus locaux ?

Notre commission d'enquête a, entre autres, pour objectif de formuler des propositions pour améliorer la cartographie des risques sanitaires et écologiques liés à la pollution des sols. La base Basol semble incomplète et difficile d'accès. Les secteurs d'information sur les sols (SIS) ne sont pas encore achevés. Pouvons-nous envisager dans un avenir proche la mise en place d'une cartographie accessible au grand public, qui permettrait d'identifier les risques sanitaires et écologiques associés aux sols pollués ?

Les inondations survenues dans l'Aude il y a un an et demi ont révélé les pollutions liées à l'exploitation des mines de Salsigne et des sites orphelins autour de la vallée de l'Orbiel. J'en retiens que le risque naturel remet parfois en lumière des préoccupations perdues de vue. Les maires et élus de terrains connaissant l'histoire de leur territoire, je crois qu'il pourrait être important de les associer.

En répondant au questionnaire que nous avions transmis, vous avez considéré que la démarche nationale d'évaluation des risques ne comportait pas de zones d'ombre ou d'angles morts. Je pense à l'expansion urbaine sur d'anciens territoires industriels tels que les lotissements bâtis à Achères sur les anciens terrains d'épandage du syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap). Beaucoup de Français vivent aujourd'hui sur ces terrains pollués par des exploitations sans aucune évaluation des risques pour leur santé. Ne considérez-vous pas qu'il s'agisse d'un angle mort ?

Les techniques que vous avez développées fort brillamment sont importantes. Elles n'ont toutefois d'intérêt que si elles trouvent une application directe par rapport au lieu et à la sécurité des populations qui y vivent. Je suis admirative de l'apport scientifique et théorique. Pour autant, le vécu des personnes sur ces secteurs revêt pour moi une importance majeure. Il se doit d'être traduit dans les faits.

Vous justifiez dans vos réponses le guide méthodologique qui a été réalisé par le BRGM en 2017. Il n'a lui aussi que la portée d'un guide. Il n'a pas de portée juridique contraignante. Pensez-vous qu'inscrire des préconisations de ces textes et guides dans la loi pourrait être utile ?

Vous évoquez majoritairement les études que vous réalisez sur les anciens sites miniers. Êtes-vous vraiment chargés de suivre leur mise en oeuvre ? L'étude est passionnante. Il est toutefois important de connaître ces débouchés. Exercez-vous le suivi de la mise en oeuvre de ces recommandations pour vous assurer de sa conformité aux conseils fournis ?

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Effectivement, la loi minière de 1999 était basée sur des problèmes de sécurité publique. L'aspect environnemental n'était pas pris en compte. Selon moi, le code minier était basé sur les évènements du bassin ferrifère lorrain, assez spectaculaires et ayant nécessité d'évacuer plusieurs fermes, bien que par chance aucun mort n'ait été dénombré. L'État a pris en charge les dégâts. La création de l'après-mine et du DPSM en ont résulté.

Le code minier pourrait être amené à évoluer. Au même titre que les mouvements de terrain, je pense que nous devons prendre en compte le code de l'environnement. Tout dépendra d'autres facteurs.

Les prélèvements sont effectivement réalisés par Geoderis, en collaboration avec l'Ineris pour les aspects sanitaires. Cette méthodologie est connue et a fait ses preuves. Nous pouvons lui faire confiance.

Concernant votre question suivante, je suis moi-même étonné de la longueur des rapports de 400 ou 500 pages de Geoderis. Toutefois, une synthèse vulgarisée est fréquemment rédigée par Geoderis, afin de rendre le dossier accessible à tous les élus. Une communication est préalablement diffusée aux élus, en présence du préfet ou du sous-préfet, afin d'expliquer ce que nous allons faire. Ensuite, les résultats sont communiqués en la présence de la Dreal et de l'agence régionale de santé (ARS). Effectivement, certaines personnes posent des questions d'ordre technique. Nous sommes obligés d'y répondre.

Je ne connais pas très bien la base Basol. Nous avons répondu que les secteurs d'information sur les sols étaient en cours. Nous sommes totalement impliqués et fournissons toutes les informations dont nous disposons. Bon nombre de sites sont aujourd'hui prêts à être intégrés dans ces SIS. Ils nous semblent être les outils les plus adaptés aujourd'hui. Ils permettent aux individus de connaître la teneur en plomb de leur parcelle, par exemple. L'outil est systématiquement porté à connaissance par les préfets.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je précise ma question. Des enfants ont été touchés par l'arsenic. Les inondations ont montré que les politiques de confinement n'ont pas tenu le choc. Les systèmes étaient pourtant prévus pour tenir 30 ans. En a résulté un risque sanitaire manifesté par des taux très élevés chez les enfants. Les nouvelles populations arrivées sur site après 20 ou 25 ans n'ont pas toujours connaissance de ce qui s'est passé plus tôt sur leurs terrains. Les cours ou les écoles ne peuvent plus être utilisées puisque les inondations ont apporté de l'arsenic partout. Cette situation montre qu'une étude n'est pas figée. Les pollutions bougent. La terre vit. En se régénérant, elle transforme les problématiques. D'autres études doivent donc être menées. L'empilement d'études décontenance les élus, les populations et les services publics. Dans ce sens, je crois que nous devons simplifier les usages et voir ces enquêtes déboucher.

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Effectivement, certains cas aggravants interviennent dans des situations déjà potentiellement à risque. Nous les prenons généralement en compte dans nos recommandations. Nous préconisons par exemple une surveillance en suivant les sites. Nous considérons tous les facteurs connus à ce jour dans notre analyse. Nous essayons d'émettre un maximum de recommandations afin de maîtriser le risque.

Vous avez cité le site d'Achères. Je ne le connais pas.

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

S'il ne s'agit pas d'une mine, nous n'intervenons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Ce n'est effectivement pas une mine. Je cherchais à illustrer la question de la santé et les questionnements des riverains.

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Nous sommes associés, sous l'égide du ministère, pour transmettre au DPSM et au conseil minier des recommandations. Nous sommes ensuite informés de l'avancement des travaux, mais pas d'une manière officielle. Si, pour supprimer un risque, les travaux sont réalisés par analogie avec les études d'aléas de mouvements de terrain, nous devons savoir s'ils ont été menés conformément aux recommandations. Nous pouvons ainsi éventuellement modifier la carte, si une mise en sécurité a été réalisée. Nous sommes donc associés, sans suivre les travaux durant la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Dans la mesure où il n'a pas de portée juridique contraignante, pensez-vous qu'il serait judicieux de traduire le guide des bonnes pratiques de façon législative ?

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

L'Ineris, ayant rédigé les guides, pourra vous répondre. Ces guides constituent selon nous une aide à la décision. Une notion d'expertise en découle : nous tenons compte des seuils et des normes. Le retour d'expérience peut également faire évoluer la méthodologie. Des points sont régulièrement organisés à ce sujet entre le BRGM, l'Ineris et Geoderis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Les administrations, hôpitaux et autres établissements disposent tous de leurs guides méthodologiques. Ce sont presque des documents internes, même s'ils acquièrent une certaine validité et s'ils sont suivis par différents organismes. Ils n'ont aucun aspect contraignant si nous devons rechercher une responsabilité par défaut, non pas pour condamner, mais pour que les usagers et concitoyens connaissent l'arsenal législatif à leur disposition.

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Nous appliquons le guide méthodologique, et avons notre avis à donner. Je ne sais pas si l'Ineris pourra répondre concernant l'aspect juridique.

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Ces questions sont assez juridiques. Nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour y répondre. Nous devons trouver le bon équilibre entre ce qui relève de dispositions législatives ou réglementaires, ou de dispositions sous forme de guides, ayant pour objectif d'expliquer et détailler l'application de la législation.

Nos guides méthodologiques n'auraient pas vocation à figurer dans une loi, compte tenu de leur caractère technique et évolutif. Je pense que la réglementation renvoie déjà à un certain nombre de principes, puis à l'application de guides. Vous citiez précédemment la gestion de l'accident de Lubrizol. Dans la gestion de crise en situation post-accidentelle, des circulaires renvoient à des méthodologies appliquées de manière homogène par l'ensemble des services de l'État, et notamment les services déconcentrés. Un certain nombre d'éléments relèvent, je pense, du niveau législatif ou réglementaire. D'autres se rapprochent davantage d'une doctrine de mise en oeuvre.

Il est nécessaire de trouver un équilibre et de bien positionner le curseur entre ce qui relève de la réglementation et de la législation, et ce qui relève du guide méthodologique, par essence technique et évolutif.

Concernant l'après-mine et l'actualisation du code minier, ma réponse sera similaire à celle de Geoderis. Elle relève selon moi davantage de la responsabilité d'une décision politique.

Je rappelle que deux types de logiques peuvent entrer en oeuvre. La première, héritée du code minier, porte sur une responsabilité de l'État en dernier ressort pour réparer les dommages. La seconde, héritée du code de l'environnement, porte sur la responsabilisation de l'exploitant. Nous ne trouvons pas toujours d'exploitant solvable. Un problème de mise en oeuvre de la réparation des dégâts et de la dépollution peut alors se poser.

À l'inverse, une responsabilité automatique de l'État déresponsabiliserait les exploitants. Il est évident que la priorité, pour éviter les problèmes de sols pollués, est d'éviter que de nouveaux sols ne le soient. Pour ce faire, nous devons faire en sorte que les exploitants soient responsabilisés et ne polluent plus les sols qu'ils occupent.

Le curseur est difficile à placer entre une logique d'indemnisation par l'État, permettant de répondre rapidement aux demandes légitimes des personnes sur ces sites pollués, et une logique de responsabilisation de l'exploitant visant à prévenir les pollutions. Je crains de ne pouvoir en dire beaucoup plus, en tant qu'expert technique.

Sur les méthodologies et les questions de prélèvements, nous sommes à l'Ineris amenés à réaliser un certain nombre de prélèvements, voire à mener un certain nombre d'analyses. Ceci étant, nous n'avons pas la possibilité de le faire systématiquement, pour des raisons de disponibilité de nos équipes par exemple. Nous pouvons donc recourir à de la sous-traitance. Dans ce cas, nous sommes très vigilants quant à la qualité des personnes que nous sommes amenés à faire intervenir. Un problème plus général de compétence des bureaux d'étude peut se poser. Elle n'est pas de notre responsabilité directe. Il est évident que l'élaboration des guides méthodologiques vise à faire monter en qualité les divers intervenants dans la chaîne.

Le cas de Lubrizol pose typiquement la question de savoir gérer en urgence les questions d'analyse de prélèvement. Il a d'ailleurs été décidé que les laboratoires de l'Ineris mèneraient ces analyses, compte tenu de la sensibilité de la situation et de l'urgence de les réaliser.

Je ne peux qu'acquiescer lorsque vous évoquez la complexité redoutable des études et des modélisations. C'est vrai de manière générale en matière d'évaluation du risque, et encore plus dans le domaine de la pollution des sols. Ce milieu est encore plus compliqué que l'air ou l'eau. Nous imaginons qu'il est assez simple d'évaluer les risques liés au fait de boire de l'eau. C'est bien plus compliqué pour les sols, en raison des sources d'exposition et des transferts dans l'environnement. De plus, la méthodologie est très compliquée. Nous avons certainement des efforts à réaliser en termes de pédagogie, de discussion et d'évolution de nos méthodes et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Il est vrai que l'Ineris se concentre sur le volet national d'élaboration de guides, bien que nous soyons présents sur un certain nombre d'études locales. Nous avons essayé, avec un succès relatif, d'associer des parties prenantes dans nos instances de gouvernance. Une commission d'orientation de la recherche et de l'expertise est composée d'élus locaux, de représentants des entreprises, de syndicats ou encore d'associations environnementales. Ils sont consultés sur nos programmes de travail et sur la manière dont nous pouvons communiquer sur les différents sujets.

L'ancien maire de Moyeuve-Grande, René Drouin, est membre de notre instance de gouvernance. Il participe activement à nos travaux, et particulièrement au volet de l'impact en termes d'effondrement minier. Nous avons à coeur d'associer les élus à nos réflexions.

Nous n'intervenons absolument pas dans l'élaboration des bases de données sur les sols pollués. De manière générale, nous ne pouvons être que favorables à ce que les bases sur les sujets environnementaux soient rendues accessibles. Nous en gérons un certain nombre dans le domaine de la qualité de l'air.

Sur le sujet de Salsigne et des inondations, je pense qu'il est utile d'associer autant que possible les élus à toutes les études qui peuvent être menées. Nous souhaitons, à l'Ineris, les associer à nos réflexions globales en termes de méthodologie, plutôt que sur des dossiers plus ponctuels. Nous y intervenons plutôt en appui à la puissance publique locale, que directement en tant que gestionnaires du sujet.

Je pense que la réponse que nous avons apportée au questionnaire concernant les angles morts ne doit pas être sur-interprétée. Nous avons compris la question sur le volet méthodologique. De notre point de vue, nous considérons que la méthodologie utilisée pour évaluer les risques sanitaires liés aux sites et sols pollués ne comporte pas vraiment d'angles morts. Pour autant, le sujet est très complexe. Des progrès scientifiques peuvent toujours se produire. Des recherches sont en cours.

Il est évident qu'une excellente méthodologie est inutile si l'histoire d'un certain nombre de sites et sols pollués a été perdue. Il est problématique de ne pas savoir qu'une crèche ou une école est construite sur un site pollué.

Nous en arrivons plus à des lacunes sur la connaissance du passif existant en matière de sites et sols pollués plutôt que sur le sujet précis de la méthodologie pour évaluer les risques associés à un cas identifié. Un deuxième sujet se pose concernant ensuite le traitement lui-même.

Concernant la mise en oeuvre de nos recommandations, nous sommes amenés à intervenir dans des situations assez différentes. Notre intervention et le suivi de nos recommandations seront différents si nous intervenons à la demande des pouvoirs publics ou en tierce expertise, ou si nous sommes amenés à nous autosaisir. Tous les éléments que nous produisons sont rendus publics. C'est un premier élément pour nous assurer du suivi des recommandations émises. Si nous travaillons en accompagnement industriel, dans le cadre d'une prestation privée, nous avons un devoir d'alerte, que nous avons déjà été amenés à exercer. Si nous jugeons qu'une situation est problématique, nous serons amenés à en alerter les autorités en charge du dossier.

Nous avons le sentiment qu'il est rare que nos recommandations ne soient pas suivies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

La rapportrice a parlé de confiance. Force est de constater qu'elle n'est pas au rendez-vous du grand public, malgré la qualité de vos travaux. Nos citoyens expriment régulièrement des doutes vis-à-vis des risques industriels. Une mine de tungstène a cessé son activité en 1986 dans mon département, suite à l'effondrement du cours de tungstène orchestré par la Chine, dont nous sommes aujourd'hui totalement dépendants. Dans le contexte sanitaire actuel, nous sommes appelés à relocaliser nos activités. Un projet de réouverture est à l'étude. La préfète rencontre de nombreuses difficultés pour trouver des soutiens.

À la suite de la catastrophe de Lubrizol, nos collègues de l'Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi pour créer une autorité indépendante qui serait un véritable gendarme des sites Seveso. Dans le système actuel, le préfet est à la fois juge et partie. Il ne peut pas remplir correctement ses missions sur des sujets aussi sensibles. Pourriez-vous me faire part de votre avis concernant cette initiative parlementaire ? Elle permettrait de réconcilier les autorités et nos administrés sur ce sujet sensible. Nous avons tout intérêt à retrouver notre autonomie dans des secteurs aussi stratégiques que le tungstène.

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Il m'est compliqué de vous répondre. Si vous effectuez une comparaison avec le secteur nucléaire, l'Ineris est plus ou moins équivalente à l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique travaillant pour l'autorité de sûreté nucléaire. Nous sommes l'expert technique travaillant sur le risque industriel, non pas sous la forme d'une autorité indépendante, mais pour le compte du ministère chargé de l'environnement, et plus particulièrement de la direction générale de la prévention des risques. Je pense qu'il n'est pas de mon rôle de répondre concernant le rôle de la DGPR et d'une potentielle agence indépendante pour améliorer la situation. De mémoire, je pense que la raison essentielle ayant conduit à la création d'une autorité de sûreté nucléaire ne portait pas tellement sur des questions de crédibilité, mais plutôt des questions de potentiels conflits d'intérêts entre l'État, actionnaire de l'exploitant des centrales nucléaires, et de l'État régulateur. Dans la situation des industries et notamment des sites Seveso, nous ne sommes absolument pas dans la même configuration. L'État n'est pas actionnaire des grandes installations à risque. Je n'ai aucune raison de douter de l'indépendance des positions prises par la DGPR, les services déconcentrés de l'État et les préfets dans ce type de situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Merci pour toutes ces informations. Les diagnostics que vous réalisez peuvent-ils mettre en évidence des migrations de particules, notamment dans les zones souillées par des hydrocarbures, et donc des pollutions ? Pouvez-vous cartographier de manière dynamique et dans le temps les risques sur la terre, l'eau et l'air ? C'est important lorsque nous souhaitons urbaniser certains secteurs. Cet outil pourrait être très utile pour les collectivités, à l'heure où le foncier se raréfie et où nous devons lutter contre l'artificialisation des sols.

De votre point de vue, pouvons-nous parler d'économie circulaire des sols ? La réparation de la nature est-elle possible ? Comme réparer la destruction de la biodiversité ?

Relevez-vous l'impact de la pollution plastique dans les sols, et notamment celle des micro-plastiques ? Quels peuvent être les vecteurs de substances chimiques ? Quelles sont les dépollutions possibles pour ce type de pollution des sols ?

Je m'interroge également concernant la prescription trentenaire. La recherche de la responsabilité est parfois extrêmement difficile, notamment lorsque les exploitants ont disparu de la circulation ou ne sont pas solvables. Pensez-vous qu'il soit souhaitable de la maintenir ?

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Les micro-plastiques dans les sols constituent un sujet émergent en matière de prévention et d'évaluation des risques. À l'Ineris, nous essayons d'avoir une vision globale de l'évaluation des risques, notamment émergents. Nous avons beaucoup parlé de la présence de micro-plastiques dans l'ensemble des milieux. Ce sujet est émergent au niveau de la recherche. Nous sommes assez actifs en la matière, dans le cadre de partenariats européens. Il s'agit, je pense, d'un sujet qui prend de l'importance dans l'agenda de recherche européen.

Concernant les friches urbaines et le souci de réutiliser, dans la mesure du possible, les sites anciennement occupés par des industries, et donc potentiellement pollués, nous essayons de développer des méthodes. C'est la spécificité de l'évaluation des risques dans le domaine des sols pollués en France. Des études sont systématiquement menées en fonction de l'usage qui sera fait des sols. Nous pourrions suivre deux doctrines différentes. La première consisterait à fixer des valeurs limites de divers types de polluants partout dans les sols, en fixant comme objectif de dépolluer en atteignant ces valeurs. Ce n'est pas du tout la doctrine française. Nous regardons le niveau de dépollution le plus adapté en fonction de l'usage futur du site. La construction d'une crèche, la faible habitation d'une zone ou l'installation d'une industrie ne nécessiteront pas les mêmes niveaux de dépollution pour tous les polluants. C'est ce qui explique la complexité des études et des méthodologies existantes, pour protéger les populations dans les conditions économiques les plus acceptables possibles. Calibrer le niveau de dépollution en fonction de l'usage des sols nécessite des méthodologies sophistiquées.

Debut de section - Permalien
Martine Ramel, responsable du pôle « Risques et technologies durables » de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Dans le domaine des sols pollués, il est totalement impératif que les diagnostics intègrent tous les phénomènes de migration et de transfert, tant au niveau des particules qu'au niveau des migrations entre les sols et les nappes souterraines. Dans tous les diagnostics réalisés, nous recommandons de regarder tous les risques de ré-envol de poussière vers les environnements proches ou les populations, et d'observer les migrations au sein d'un milieu et les pollutions vers les nappes souterraines. Nous le faisons lorsque nous sommes opérateurs.

Au niveau de l'Ineris, nous ne faisons pas de dépollution à proprement parler. Pour autant, une technologie de phytoremédiation se développe pour certains sites sans pression foncière. Après une dizaine d'années de travaux de recherches, nous commençons à avoir des idées assez construites sur les situations pour lesquelles ce type de technologie est possible ou non. La phytoremédiation, technique douce, suit une logique de réparation et de reconstitution de la biodiversité.

Nous venons de démarrer un programme de recherche européen, financé par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) au niveau français, dont le seul objectif durant un an est de dresser un état des lieux des connaissances sur la présence des micro-plastiques dans les sols. Nous démarrerons un séminaire de réflexion cet automne, afin de réunir l'ensemble des connaissances déjà disponibles sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Vous évoquiez 5 000 sites miniers inventoriés aujourd'hui, avec votre méthodologie de classement de A à E. Pensez-vous avoir fait le tour des sites miniers sur le territoire ? Avez-vous prévu d'en inventorier davantage ? Certains pourraient-ils vous avoir échappé ? Le cas échéant, quels sont les critères pour être inventoriés dans votre base ?

Aujourd'hui, l'État vous mandate pour réaliser cet inventaire et pour mener des études. Vous avez pourtant indiqué que vous pouviez vous autosaisir. Sur quelles bases le faites-vous ? Des collectivités peuvent-elles également vous saisir ?

Debut de section - Permalien
Rafik Hadadou, directeur du groupement d'intérêt public Geoderis

Nous existons depuis vingt ans. Grâce aux archives des Dreal et des communes, et aux archives nationales, nous pensons aujourd'hui avoir tout inventorié. Nous avons compté les sites, concessions, sites miniers exploités aux Moyen-Âge, dont seule une trace administrative a été conservée. Dans certains cas, nous le découvrons sur le terrain. Dans d'autres cas, un effondrement se crée. Ils sont toutefois marginaux.

Geoderis n'intervient que pour l'État. Il arrive parfois, pour des cas très spécifiques, que les gestionnaires de site fassent appel à nous. C'était le cas de l'autoroute A4, gérée par la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef), qui traverse des sites miniers. Toutes les études ont été réalisées par Geoderis. Cet appui reste marginal, sous forme de prestation et avec l'accord de la Dreal.

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Je rappelle que l'Ineris est un établissement public. À la différence de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS), par exemple, nous ne faisons pas l'objet de saisines des ministères. Un contrat d'objectifs et de performance sur cinq ans fixe les grandes orientations de notre programme de travail, discuté en lien avec notre ministère de tutelle. Nous sommes en train de préparer le prochain contrat couvrant la période de 2021 à 2025. Ensuite, un programme annuel est arrêté par notre conseil d'administration. Nous décidons des sujets sur lesquels nous travaillons. Depuis quelques années, nous avons mis en place un dispositif de concertation avec les parties prenantes de la gouvernance environnementale. Nous pouvons associer la commission que j'évoquais tout à l'heure à l'élaboration de notre programme de travail annuel. Le cas échéant, à la demande notamment de cette commission, nous pouvons être amenés à nous saisir de certains sujets. Il s'agit a priori de sujets à portée nationale, portant notamment sur certaines études ou méthodologies.

En tant qu'établissement public à caractère industriel et commercial, nous pouvons être sollicités par les collectivités locales, sur des sujets très ponctuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Dans le questionnaire, vous indiquiez qu'il existait plus ou moins 500 substances polluantes, et seulement une soixantaine de valeurs toxicologiques de référence (VTR). Nous sommes étonnés de leur faible nombre. Pourriez-vous nous l'expliquer ? Poursuivez-vous leur mise en place ?

Ma seconde question porte sur une pollution qui commence à être médiatisée : les perfluorés PFAS et les PFOS. Quelle perception avez-vous de cette pollution à l'Ineris ?

Enfin, vous avez fait référence à des pollutions existant sur des sols dont nous ne connaissions pas le passé industriel. Il y a quelques années, un travail avait porté sur les crèches et les écoles construites sur des sites qui se sont révélés pollués. Cette évaluation a été arrêtée il y a quelques années, alors qu'elle n'avait pas été menée à son terme. Savez-vous si elle sera poursuivie ? L'Ineris en était-elle une partie prenante ?

Debut de section - Permalien
Martine Ramel, responsable du pôle « Risques et technologies durables » de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

Nous avons contribué à cette opération en appui au ministère de l'écologie. Le BRGM a piloté cette mission, en constituant un groupe de travail. Le ministère travaille depuis très longtemps de cette manière en matière de sols pollués. Un groupe de travail a travaillé de façon collégiale avec le BRGM, l'Ademe et l'Ineris. Nous avions un rôle d'expert sur l'utilisation des valeurs toxicologiques de référence et de hiérarchisation sanitaire des situations en cas de besoin.

À ma connaissance, l'opération a été arrêtée pour des raisons de budget. Ceci n'étant pas de notre ressort, nous ne disposons pas de davantage d'informations. Nous sommes toutefois encore mobilisés sur la fin des dossiers continuant d'être traités.

Concernant les valeurs toxicologiques de référence, je crois que notre réponse n'était pas suffisamment claire. Je pense qu'il existe bien plus que 500 substances susceptibles de polluer un sol. Leur nombre doit plutôt atteindre plusieurs milliers. Il existe en réalité environ 500 VTR au niveau international. Elles sont mises à disposition sur le portail « substances chimiques » de l'Ineris. L'ANSéS en a construit une quarantaine. C'est de sa mission de les construire, proposer et mettre à disposition.

Vous nous demandiez si nous pouvions rencontrer des substances toxiques sans valeur toxicologique de référence. C'est extrêmement rare dans les sites miniers. L'ensemble des substances des métaux et métalloïdes est en principe concerné par les VTR mises à disposition pour mener les études à leur terme de façon quantitative.

Nous avons récemment eu à traiter un cas sur le tungstène. Depuis l'étude pour Geoderis, une valeur toxicologique de référence a été publiée. Nous sommes en train de reprendre les conclusions de cette étude en la réintégrant. L'absence de VTR ne signifie pas que nous ne savons rien de la toxicité de la substance. Cela signifie simplement qu'aucun organisme n'a proposé de valeur permettant de calculer un risque. Souvent, il est tout de même possible de mener une expertise toxicologique permettant de disposer d'informations sur cette substance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Lorsque vous êtes au coeur d'une tourmente et que les avis des experts divergent, vous comprendrez qu'il est compliqué pour les familles concernées de voir trois organismes ne pas s'entendre sur un danger potentiel. Je crois que c'est au coeur de tous les sujets liés à des sites pollués, quelle que soit la pollution. Bien souvent, les pollutions découlent de l'histoire de sites sur des années d'exploitation, qui est à prendre en compte.

Chacun fait avancer son raisonnement. Pour autant, une mise en pratique est nécessaire. Alors qu'aujourd'hui, les questions environnementales et de santé préoccupent nos concitoyens, nous devons améliorer et clarifier les processus.

Dans les responsabilités et la chaîne des procédures à mettre en place, les coûts sont à prendre en compte. Tout projet se termine par une facture. Je souhaiterais conserver ce delta en mémoire. Bien souvent, les préconisations des bureaux d'étude ou des organismes comme les vôtres n'étaient pas contestées. Pour autant, les travaux n'ont jamais été réalisés pour des raisons budgétaires.

Debut de section - Permalien
Raymond Cointe, directeur général de l'institut national de l'environnement industriel et des risques

À l'Ineris, nous avons nous-mêmes été confrontés à une situation de site et sol pollué. Nous avons en effet découvert une pollution au mercure lorsque nous avons effectué des travaux dans nos locaux. Nous avons donc été confrontés à un certain nombre des difficultés que vous évoquiez. Nos salariés constituent pourtant un public averti. Nous avons également été confrontés à des questions de coûts, puisque nos travaux de dépollution nous ont coûté plusieurs millions d'euros.

Nous sommes convaincus de la complexité du sujet, tant au niveau technique qu'en termes de sensibilité. Dans un monde idéal, il serait bien plus simple de disposer de VTR pour toutes les substances. Elles ne donneraient ainsi plus lieu à des débats techniques sur les valeurs à utiliser. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui. Si nous avions plus de moyens pour mener un certain nombre d'études et de recherches et pour développer de la connaissance sur ces valeurs, nous serions tous dans une situation bien plus confortable pour gérer une situation de crise en urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le sujet est très intéressant. En Lorraine, nous avons eu à traiter le problème de la fin de la sidérurgie et du charbonnage. Le travail que vous évoquez présente plusieurs niveaux : le problème de la santé qui touche l'homme, le problème économique touchant l'entreprise et le problème de territoire. Si je m'intéresse à des dossiers tels que la mine, les intérêts ne sont pas régionaux, mais nationaux. Bien souvent, les territoires ne sont pas pris en considération, malgré la politique d'après-mine. Le degré de prise en compte ne se situe pas toujours au bon niveau. La solidarité nationale ne prend pas suffisamment en compte ce qu'a apporté le territoire à l'époque du charbonnage et de la sidérurgie.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Merci d'avoir participé de manière active aux travaux de notre commission d'enquête.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La téléconférence est close à 18 heures.