Intervention de Joël Crespine

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 27 mai 2020 : 1ère réunion
Table ronde de représentants des organismes d'inspection et de contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement en téléconférence

Joël Crespine, sites et sols pollués » du pôle « Environnement » au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes :

responsable de la subdivision « Déchets, sites et sols pollués » du pôle « Environnement » au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes. - Je vous apporterai un éclairage d'inspecteur en matière de relation avec les bureaux d'études et de méthodologie nationale. En fin de vie, les sites doivent être remis en l'état en fonction d'une méthodologie nationale prévoyant la suppression des pollutions concentrées. Cette notion est relative puisqu'une pollution concentrée est supérieure à la pollution du bruit de fond, anthropique ou naturel. Les sources de pollution doivent être supprimées et maîtrisées, soit ce qui génère un écoulement ou un rayonnement de la pollution sur le site et hors de son emprise. Il convient également de remettre le site en l'état, en le dépolluant dans des limites qui permettent une réutilisation en fonction de l'usage prévu. Si une usine laisse la place à un supermarché, les exigences seront donc moindres que si elle laisse la place à un lotissement pavillonnaire.

Cette méthodologie prévoit donc un certain nombre d'évaluations historiques, de sensibilité du milieu, et de prélèvements. Elle conclut à des seuils de dépollution sur mesure. Chaque site a ses propres seuils de dépollution qui dépendent du bruit de fond, du bilan coûts-avantages, de l'état antérieur et de l'usage futur. Cette méthodologie requiert un certain nombre de contrôles, puisque les incertitudes existent. Un bureau d'études qui souhaiterait ne pas faire valoir une pollution particulière pourrait effectuer des prélèvements qui ne sont pas adaptés ou utiliser des valeurs toxicologiques anciennes. Il pourrait utiliser des modèles de diffusion des polluants qui conditionnerait les résultats. Cette méthodologie accumule un certain nombre d'incertitudes et l'inspecteur doit vérifier que ces incertitudes sont prises en compte de manière majorante et réaliste à la fois. Un risque existerait si un bureau d'études attestait qu'un site présente un impact résiduel acceptable. D'expérience, il est rare qu'une étude de sol ne fasse pas l'objet de remarques, de concertation et d'échanges avec le bureau d'études pour qu'il se justifie ou modifie ses hypothèses pour parvenir à un consensus sur les conditions de réhabilitation d'un site. À titre d'exemple, le débit de renouvellement d'air est inversement proportionnel au risque : si le risque est deux fois supérieur à la limite acceptable, en partant de l'hypothèse que le renouvellement de l'air dans les locaux est deux fois supérieur, vous parvenez au risque acceptable, du fait d'une inversion de la proportionnalité. Notre rôle consiste à vérifier que les hypothèses sont prises de façon satisfaisante. À chaque étude de sol, nous demandons des justifications au bureau d'étude, qu'il soit certifié ou pas.

Avec la réglementation actuelle, nous ne croisons pas les bureaux d'études certifiés dans le cadre de leurs missions pour lesquelles la certification est nécessaire. Les bureaux d'études certifiés attestent de la prise en compte de la pollution d'un site pour son usage futur, dans le cas des secteurs d'information sur les sols (SIS) et dans le cadre de l'application de l'article L.556-1 du code de l'environnement qui prévoit que, pour la modification de l'usage d'un site occupé par une installation classée, le bureau d'études doive attester la prise en compte de la pollution résiduelle. Ce travail nous échappe puisque c'est un problème d'urbanisme et que l'attestation est délivrée dans le cadre du permis de construire. Nous croisons donc les bureaux d'études dans des dossiers où ils n'interviennent pas au titre de leur certification et nous échangeons de la même manière avec un bureau d'études certifié et avec un bureau d'étude non certifié.

Nous avons assisté depuis 1994 à une obligation des exploitants des installations soumises à autorisation de remettre leur site en l'état. La réglementation s'est ensuite étoffée avec des méthodologies, des modifications du code de l'environnement, dont les articles L. 556-1 et L. 556-2 sur les SIS. La loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) modifiera le contenu de nos missions et l'inspection devrait perdre la main sur un certain nombre de sites, au profit des bureaux d'études. Il me parait nécessaire de définir les responsabilités respectives des bureaux d'études et de l'inspection. Je crains personnellement les dispositifs selon lesquels « silence vaut accord ». L'objectif visant à décharger l'inspection de certaines tâches pour se concentrer sur d'autres sujets ne sera pas atteint si l'inspection doit étudier le dossier du bureau d'études pour formuler des remarques. L'expérience montre que tous les dossiers appellent des remarques ou un échange.

Un autre point semble problématique dans le projet de loi : le bureau d'études attestera la mise en oeuvre des dispositions de réhabilitation du site et le dossier nous sera transmis pour que nous mettions en place les servitudes d'utilité publique, si nécessaire. Nous récupérerons donc le dossier pour une tâche purement administrative. Au-delà de cette tâche administrative, nous devrons endosser les conclusions de l'étude de sol. Si le bureau d'études nous propose de mettre en oeuvre des servitudes, nous devrons implicitement les valider, sans disposer de droit de regard sur l'amont. Les évolutions prévues dans le cadre de la loi ASAP nécessitent de positionner clairement l'inspection dans ses missions, en distinguant les points dont elle est responsable et les points dont elle n'est pas responsable et en évitant de lui faire endosser les conclusions d'un bureau d'études pour une étude à laquelle elle n'aura pas participé.

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