Nous examinons ce matin la recevabilité de la proposition de résolution déposée par le Président du Sénat tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion.
Son exposé des motifs, très complet, développe longuement le champ d'investigation proposé. Seraient ainsi évalués : l'état de préparation de la France à la veille du déclenchement de l'épidémie ; la gestion de la crise sanitaire par les responsables politiques et administratifs ; les choix faits par la France, à la lumière des enseignements que l'on pourrait tirer des pays européens et asiatiques ; la gouvernance de la crise, les difficultés rencontrées par les personnels soignants, la gestion de la pandémie par les structures hospitalières, ainsi que par les agences régionales de santé (ARS) ; les pénuries constatées dans certains domaines, en particulier en matière de lits de réanimation, médicaments liés à la réanimation, masques, blouses, gels hydroalcooliques ou tests de dépistage ; la situation spécifique à laquelle les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été confrontés ; la communication de crise.
Une fois énoncés tous les éléments susceptibles de retenir l'attention des membres de la commission, le texte fait mention des finalités de l'enquête. Celles-ci sont très larges : il s'agirait, notamment, de déterminer dans les domaines de l'action publique et de la vie économique et sociale les dispositions nécessaires pour que notre pays soit, à l'avenir, mieux protégé contre les grands fléaux sanitaires et puisse les affronter sans restrictions excessives aux droits et libertés, ni impact majeur sur l'activité et le revenu des Français.
Il importe de relire avec beaucoup de soin ces finalités. Elles montrent clairement quelle serait la ligne directrice des travaux de cette commission d'enquête : faire en sorte que l'expérience malheureuse que nous avons vécue puisse nous apporter des enseignements et que, dans le futur, nous ne nous retrouvions plus aussi démunis que nous avons pu l'être, et ce afin d'éviter la mise en oeuvre d'une politique de confinement généralisé, attentatoire aux libertés fondamentales et porteuse de conséquences dramatiques aux plans économique et social.
À la lumière de son champ d'investigation et de ses finalités, très ambitieuses, nous pouvons conclure que cette commission d'enquête entre bien dans le cadre prévu par la Constitution et notre Règlement, son objet étant, au sens large, la gestion des services publics.
Aucune zone de recouvrement n'est constatée entre ce cahier des charges et l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, à la suite du dépôt de nombreuses plaintes. La commission d'enquête a pour objet, non pas de réunir les éléments permettant de caractériser des crimes ou des délits et d'en poursuivre les auteurs, mais d'évaluer les politiques publiques et d'en tirer les conséquences en formulant des propositions en vue d'une meilleure préparation de notre pays.
À cet égard, l'intitulé de la proposition de résolution est parlant : « proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion. » Le but, j'y insiste, est de mettre la Nation au niveau, non de poursuivre ou de stigmatiser des responsables.
Pour toutes ces raisons, la recevabilité de cette proposition de résolution ne fait pas de doute.
La procédure suivie connaît deux particularités : il s'agit, d'une part, d'une proposition de résolution présentée hors « droit de tirage » des groupes par le président du Sénat, Gérard Larcher, et qui exigera donc un vote par le Sénat lui-même, si nous en admettons la recevabilité. La commission des affaires sociales, saisie au fond, se prononcera sur l'opportunité de cette commission d'enquête.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur du travail à accomplir en six mois par la future commission d'enquête, sa composition pourrait être portée de 21 à 36 membres. Même si cette possibilité n'est pas strictement prévue par notre Règlement, elle ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ni organique, et me semble pleinement justifiée sur le fond. Elle n'entache pas la recevabilité de la proposition de résolution, d'autant que le président du Sénat s'est assuré, en Conférence des présidents et en Bureau, de l'accord de tous les groupes politiques sur cette particularité.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'admettre la recevabilité de cette proposition de résolution.