Intervention de Christine Prunaud

Réunion du 17 juin 2020 à 15h00
Report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Christine PrunaudChristine Prunaud :

Ce projet de loi organique, qui devait initialement concerner l’ensemble des élections sénatoriales et législatives partielles organisées sur le territoire, a vu son périmètre largement circonscrit du fait de l’amélioration de la situation sanitaire, même si de réelles difficultés se posent au regard de la campagne pour les élections municipales.

Cette modification profonde du texte rend cependant caduc l’avis du Conseil d’État du 27 mai dernier. Le législateur se retrouve ainsi amené à jongler entre différents impératifs constitutionnels contradictoires : maintenir en septembre 2020 l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France semble impossible au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005 et du report de l’élection des conseillers consulaires au mois de mai prochain.

Je ne fais pas tout à fait la même lecture que notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian de la décision du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle « dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat doit être élu par un corps électoral qui soit lui-même l’émanation de ces collectivités ; que, par suite, c’est à juste titre que le législateur organique a estimé que le report en mars 2008 des élections locales imposait de reporter également l’élection de la série A des sénateurs afin d’éviter que cette dernière ne soit désignée par un collège en majeure partie composée d’élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal ».

J’en conclus que, si les sénateurs sont élus de la Nation, ils sont rattachés à un territoire de représentation, dont leur collège électoral est l’émanation directe. Enfin, le report du renouvellement du collège électoral fonde le report de l’élection sénatoriale concernée.

Ces éléments nous incitent à suivre le Gouvernement et la commission des lois. Toutefois, je m’interroge sur le cas de la Guyane, mais aussi d’autres départements. En effet, même s’il faut bien souligner que la disposition en cause n’a pas encore été promulguée, il serait théoriquement possible que des seconds tours des élections municipales soient annulés d’ici au 28 juin si de nouveaux foyers épidémiques apparaissaient. Si de telles situations devaient se produire, comme c’est déjà le cas en Guyane, il nous faudrait légiférer de nouveau pour reporter les élections sénatoriales, sauf à créer deux régimes distincts en se fondant sur la seule part des élus « prolongés ».

Si le nombre de scrutins reportés était élevé, on se dirigerait vers la création de fait d’une troisième série. Se poserait aussi fatalement la question des conseillers départementaux élus en 2015, qui n’auraient jamais été appelés aux urnes sénatoriales.

Quelles autres solutions peut-on envisager ?

Prolonger les mandats de nos six collègues représentant les Français de l’étranger rattachés à la seconde série jusqu’en 2023 imposerait de décaler ceux de leurs homologues relevant de la première série jusqu’en 2026, pour satisfaire à la loi organique de 1983, qui prévoit un renouvellement partiel des représentants des Français établis hors de France lors de chaque renouvellement partiel de notre chambre. Il faudrait de surcroît pouvoir justifier d’un motif impérieux d’intérêt général.

Repousser l’élection de nos six collègues représentant les Français établis hors de France rattachés à la seconde série et maintenir une durée de mandat de six ans conduirait de fait à créer une troisième série. Il aurait été plus raisonnable de consulter le Conseil d’État afin de nous éviter de devoir voter en fonction d’hypothèses dont la constitutionnalité n’est pas réellement assurée. On le voit, aucune solution n’est parfaite ou incontestable.

Pour l’heure, notre groupe réserve son vote, même si les éléments présentés par M. Bas nous ont déjà en partie satisfaits.

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