Cette présentation de l'amendement vaudra également explication de vote.
Lors de l'examen du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom en 2003, le groupe socialiste du Sénat avait très clairement exprimé son attachement au service public des télécommunications, notamment au respect des principes régissant les services publics que sont l'égalité, la continuité et l'adaptabilité.
Nous avions ainsi déploré le fractionnement, prévu par le projet de loi, du service universel en trois composantes : le service téléphonique, les renseignements et annuaires, les cabines téléphoniques. Nous soulignions à l'époque le risque qui existait d'aller encore plus loin dans le fractionnement du service universel.
Voici un extrait de l'intervention en séance publique de l'un nos collègues : « Certaines des dispositions du projet de loi nous font craindre des pertes de qualité du service universel : fractionnement des composantes du service universel, ambiguïté rédactionnelle laissant penser que chaque composante pourra elle-même être fractionnée - je prendrai l'exemple des renseignements et de l'annuaire -, attribution d'une composante à l'opérateur offrant le service le moins cher, disparition des cahiers des charges, renvoi à des décrets en Conseil d'État dont le contenu n'est pas connu. »
Monsieur le secrétaire d'État, nous y sommes ! Ce nouvel article, qui modifie l'article L. 35-2 du code des postes et des communications électroniques, procède à un plus grand fractionnement encore du service universel.
En premier lieu, il permet de fractionner la deuxième composante du service universel en chacun de ses éléments, les renseignements d'un côté, l'annuaire d'abonnés de l'autre.
En deuxième lieu, il permet que plusieurs opérateurs assument une même composante, alors que l'article L. 35-2 prévoyait que chacune des composantes était assurée par un seul opérateur sur l'ensemble du territoire. Au fractionnement des composantes du service universel s'ajoute ainsi celui du territoire !
En troisième lieu, en cas d'appel à candidature infructueux, le nouveau texte prévoit que « le ministre chargé des communications désigne un ou plusieurs opérateurs en vue d'assurer la prestation en cause sur l'ensemble du territoire national », là où l'article L. 35-2 n'en prévoit qu'un seul.
En quatrième lieu, il supprime la clause de sauvegarde précisant que l'opérateur devait être en capacité d'assurer sur l'ensemble du territoire la composante du service universel pour laquelle il avait fait acte de candidature, à la suite de l'appel d'offre.
Ces nouvelles dispositions font peser des risques plus grands encore de fractionnement inégalitaire de notre territoire et de perte de qualité du service public des télécommunications.
Monsieur le secrétaire d'État, lors de l'examen à l'Assemblée nationale de l'amendement tendant à insérer cet article 6 quater, vous avez déclaré : « L'amendement a pour objet de modifier les modalités de désignation des opérateurs chargés du service universel. Il va dans le sens d'une plus grande souplesse dans la désignation, donc d'une plus grande concurrence, tout en préservant intégralement les principes du service public. »
Force est de constater aujourd'hui qu'accroissement de la concurrence ne rime pas forcément avec amélioration de la qualité des services - bien au contraire ! - puisque cela se traduit par une pression sur les coûts, par le développement de la sous-traitance et, in fine, par une pression sur les salaires et sur l'emploi, qui est contraire aux ambitions d'amélioration du pouvoir d'achat qu'affiche ce projet de loi.
Nous franchissons donc un pas supplémentaire, puisqu'au détour d'un amendement ce sont les modalités même de désignation des opérateurs chargés du service universel qui sont bouleversées ! Nous considérons que de telles modifications supposent un débat de fond sur le service public des télécommunications, son contenu et son financement.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.