Intervention de Charles Guené

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 4 juin 2020 : 1ère réunion
Communication d'étape de mme josiane costes et m. charles guené sur l'ingénierie territoriale et l'agence nationale de la cohésion des territoires anct

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur :

Chers collègues, comme vous l'a annoncé notre président et ma collègue Josiane Costes, la mise en oeuvre opérationnelle de l'ANCT appelle de notre part de nombreux points de vigilance. Je ne parle pas encore à ce stade de recommandations, car laissons à l'agence le temps de s'organiser, mais plutôt de « messages » à faire passer dans la perspective de la réunion du conseil d'administration de l'ANCT prévu le 17 juin prochain.

D'ailleurs, s'agissant de la gouvernance nationale de l'agence, il convient de se féliciter que la présidence et la vice-présidence du conseil d'administration aient été confiées à des élus locaux, Mme Caroline Cayeux, présidente de l'association Villes de France et maire de Beauvais, et à sa vice-présidence et M. Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France et maire de Gargilesse-Dampierre. J'encourage également nos deux collègues sénateurs Françoise Laborde et Louis-Jean de Nicolay, qui sont membres du conseil d'administration, à porter la voix des collectivités territoriales.

J'en reviens à nos points de vigilance. En lieu et place d'un guichet unique regroupant tous les moyens de l'État, l'ANCT ne regroupe au final que 3 entités - le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l'Agence du numérique -, laissant ainsi hors de son champ de décision des moyens importants, alors qu'il était initialement envisagé de fusionner également l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). La voilure n'est donc pas la même, et nous espérons que les conditions de conventionnement entre l'ANCT et ces autres agences s'inscrivent dans la durée sans devenir un risque supplémentaire de friction ou de déperdition d'énergie dans les circuits de traitement des dossiers.

La question des moyens de l'ANCT est primordiale. Sur un budget global de 75 millions d'euros, les crédits alloués pour le soutien à l'ingénierie des collectivités sont fixés à 10 millions d'euros répartis entre 2,95 millions d'euros consacrés à des projets numériques et 7,05 millions d'euros à des projets de toutes natures (études commerciales, prospectives, de mobilité, etc.). Seront-ils de nature à couvrir les besoins ? À titre de comparaison, la Banque des territoires alloue annuellement 5 millions d'euros en soutien aux collectivités territoriales et le budget annuel agrégé de toutes les agences techniques départementales est estimé entre 65 et 70 millions d'euros, sans compter les moyens engagés en régie ou par d'autres structures (syndicats, SEM, SPL, etc.).

Deux points devront faire l'objet d'une vigilance particulière, notamment lors de l'examen des prochains projets de loi de finances. Cette enveloppe budgétaire initiale doit être pérenne et affectée aux seuls projets initiés par les collectivités qui en ont le plus besoin, et non à la déclinaison locale de programmes nationaux. Au-delà de la réorganisation de l'État et de la rationalisation de ses services, l'évaluation de l'action de l'ANCT devra comporter des indicateurs de performance retraçant l'accompagnement des projets locaux, notamment ceux qui n'auraient pu se développer sans l'appui de l'agence. La rationalisation budgétaire est légitime, mais l'enjeu pour l'ANCT est avant tout d'apporter une plus-value pour les collectivités.

La question de la gouvernance locale reste une zone dont on saisit mal le rôle et les missions ainsi que l'articulation entre le préfet de département et le préfet de région. La délégation territoriale de l'agence sera confiée à chaque préfet de département, charge à celui-ci d'assurer la présence des collectivités territoriales et des acteurs locaux de l'ingénierie au sein des comités locaux de cohésion territoriale. Ces comités locaux doivent avoir un rôle primordial dans le processus d'identification des besoins et de sélection des projets, mais qu'en sera-t-il concrètement ? Par ailleurs, l'articulation de l'échelon de décision départemental avec le comité régional des financeurs, que doit mettre en place chaque préfet de région, n'est pas précisément définie dans l'instruction. Cette instance régionale sera-t-elle aussi efficace pour mobiliser des moyens existants pour les grands programmes que pour les « petits » projets émergents ?

Le principe d'action de l'agence repose sur la subsidiarité. L'ANCT n'interviendrait que si le besoin ne peut être couvert par un autre acteur local, public ou privé. Il importe donc tout particulièrement de veiller à la simplification des procédures de saisine par les collectivités afin que les territoires ruraux ne soient pas, dans les faits, les oubliés du système. À cet égard, la dotation de 10 millions d'euros doit être fléchée vers les seuls projets initiés par les collectivités, hors programmes nationaux. Il faut d'ailleurs savoir que ces crédits visent à rétribuer les cabinets d'ingénierie titulaires d'un accord-cadre dont la procédure de marché public est en cours.

Enfin, la doctrine d'action de l'agence doit s'adapter aux spécificités du maillage territorial, qu'il s'agisse des échelons communaux, départementaux et de la nécessaire coordination avec les stratégies régionales, mais aussi des intercommunalités et des Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR) qui, dans les territoires de faible densité, constituent la maille adéquate de gestation et de réalisation des projets.

Pour terminer, je ferai une observation d'ordre budgétaire. Serait-il possible, au titre des mesures d'accompagnement budgétaire de l'ANCT et des collectivités territoriales, d'étudier l'idée d'une modification de l'emploi de certaines dotations - la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la Dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) - afin de pouvoir en affecter une partie des crédits vers les frais de rémunération de personnels dédiés à l'ingénierie, à titre exceptionnel et sur des territoires en besoin tels que les PETR ?

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