Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2020 à 9h00
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen du 19 juin 2020 - Audition de Mme Amélie de Montchalin secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

L'UE nous surprend, et pour une fois la surprise n'est pas une amertume liée aux occasions manquées et à l'incapacité à dépasser certains dogmes trop rigides, imposés au fil du temps comme des mantras et des psalmodies répétés sans inflexion de voix. Non, l'UE nous surprend positivement en mettant de côté ses tables de la loi si souvent décriées. Il y a encore quatre mois, en pleine torpeur post-Brexit et en plein doute existentiel, pensait-on qu'elle allait suspendre la règle des 3 % de déficit autorisé et les sacro-saintes règles limitant les aides d'État, pour souscrire à un plan de relance post-crise ambitieux de 750 milliards d'euros financé par l'endettement durable de l'institution ? Rappelons que nous ne sommes qu'au début du processus d'adoption du paquet global pluriannuel de 1 850 milliards d'euros proposé en mai par la Commission.

Le Conseil européen du 19 juin ne sera probablement qu'un tour de chauffe dans une négociation longue et ardue, largement impulsée par un couple franco-allemand retrouvé. La présidence allemande envisage deux nouvelles réunions le mois prochain pour envisager un accord, fin juillet, sur une boîte de négociation. À ce stade, un doute plane sur le calendrier de mise en oeuvre : pour être opérationnel en 2021, le plan de relance devra être discuté et approuvé au plus tard en décembre ; le Parlement aura en outre un délai très court pour l'approuver : on parle d'une approbation au mois de septembre. Cela rend le calendrier plus qu'étroit, si l'on considère qu'aucune décision de cette ampleur n'a été ratifiée dans un délai inférieur à 13 mois. Il faudra éviter que 2021 ne soit une année blanche en matière de consommation de dépenses budgétaires.

Outre le calendrier, le blocage pourrait venir des pays dits frugaux. Je connais bien les pays d'Europe du Nord. Le Danemark et la Suède pourraient rapidement se montrer raisonnables, alors que les Pays-Bas devraient rester fermes en raison de leur hostilité au principe de l'emprunt, a fortiori pour financer 500 milliards d'euros de subventions et 250 milliards de prêts. La France est-elle prête à accepter des compromis sur ces montants en contrepartie d'un feu vert des Pays-Bas ?

Des résistances sont également à prévoir sur le remboursement des prêts, dont les modalités restent très floues à ce stade. De même, si des pistes de nouvelles ressources propres sont évoquées, aucune proposition législative concrète n'a encore été formulée. Pouvez-vous confirmer que l'Allemagne insisterait sur des délais de remboursement plus courts que ceux qui sont envisagés, c'est-à-dire de 2028 à 2058 ? Comment rassurer les États qui craignent des répercussions sur les contributions nationales, à commencer par les contributeurs nets ?

Enfin, savez-vous si une date limite pour la suspension du pacte de stabilité et de croissance est prévue ? Pour l'année 2020, c'est évident ; pour l'année 2021, c'est moins clair. La Commission prévoit une reprise de 6,3 % du PIB en 2021, même si personne n'a pu me dire comment ce chiffre avait été calculé. Une reprise qui se confirmerait serait l'occasion de lancer un avertissement sur les déficits publics.

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