Merci, madame la ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Nous nous réunissons ce matin pour le traditionnel débat préalable au Conseil européen qui se tiendra dans huit jours par visioconférence. Lors du précédent Conseil européen, nous étions encore en période de confinement, et nous vous avions entendue par téléphone, avec quelques difficultés techniques dont je vous prie encore de nous excuser. Je me réjouis donc que nous soyons aujourd'hui réunis physiquement au Sénat, et je tiens à vous remercier, ainsi que plusieurs de mes collègues, d'avoir bien voulu vous déplacer pour cela.
Le Conseil européen du 19 juin s'annonce, une fois de plus, comme un jalon important de l'histoire de l'Union européenne (UE). Celle-ci traverse une crise inédite, sanitaire, économique et bientôt sociale, qui appelle une réponse tout aussi inédite. Cette réponse s'est construite progressivement au fil des dernières semaines. La Banque centrale européenne (BCE) s'est mobilisée la première et est désormais engagée dans un programme de rachat de dettes souveraines, en réponse à la pandémie, qui s'élève à 1 350 milliards d'euros. L'UE a ensuite construit une réponse économique à hauteur de 540 milliards d'euros, à trois volets : le mécanisme européen de stabilité (MES), un instrument de soutien aux régimes nationaux de chômage partiel (SURE : Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency), et un fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement (BEI).
Lors de sa dernière réunion, le 23 avril, le Conseil européen a également décidé le principe de la création d'un instrument spécifique de relance de l'économie européenne. Un mois plus tard, s'inspirant d'une initiative franco-allemande que nous saluons, la Commission européenne proposait un nouveau schéma, qui repose sur un nouveau projet de cadre financier pluriannuel (CFP), augmenté d'un effort financier substantiel - je souligne le mot, puisqu'il s'agit de 750 milliards d'euros consacrés à la relance.
L'intégration dans le CFP de ce plan destiné à rendre l'Europe plus verte, numérique et résiliente est une bonne nouvelle pour la construction européenne, car la solidarité communautaire devient ainsi le socle du plan de relance. Elle soulève toutefois des questions complexes et exige du Conseil européen, qui l'examinera le 19 juin, de s'entendre en même temps sur le CFP et sur le plan de relance. C'est un énorme défi, surtout dans un contexte où quatre États dits frugaux ont déjà marqué leur résistance.
Le Sénat tient à se positionner en amont de cette réunion. C'est pourquoi notre commission des affaires européennes a adopté hier sur ce sujet une proposition de résolution européenne (PPRE), que la commission des finances examinera mardi. Son texte salue la proposition de la Commission, sa structure, son ampleur et ses objectifs, tout en insistant sur quelques impératifs.
Dans le CFP que je qualifierais de « socle », nous réaffirmons l'importance de la souveraineté alimentaire, et donc la priorité qu'il faut accorder au premier pilier de la politique agricole commune (PAC), dont la Commission entend raboter les crédits par rapport au CFP actuel. Nous nous inquiétons aussi de voir émerger une conception du verdissement de la PAC qui pourrait conduire, si nous n'y prenions garde - et le Sénat sera particulièrement attentif - à la décroissance, avec 10 % de surface agricole utile (SAU) en moins. Il faudra comptabiliser tous les efforts qui ont été faits par la France en la matière depuis des décennies, parce que notre pays a une fâcheuse tendance à en faire plus, quand nos autres partenaires s'en tiennent simplement aux orientations de la Commission.
Nous insistons aussi sur la nécessité de renforcer quelques lignes budgétaires essentielles pour l'autonomie européenne. Il s'agit d'abord du Fonds européen de défense, dont va nous parler Ladislas Poniatowski, qui représente parmi nous le président Cambon : il n'est pas convenable que ce fonds devienne la variable d'ajustement des crédits européens. Il s'agit aussi de la politique spatiale, dont le budget a certes été relevé par rapport à la proposition finlandaise, mais pas suffisamment. Il s'agit encore du programme ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) : si la France ne parle pas du nucléaire, qui le fera ? Il s'agit enfin de l'agence Frontex, essentielle pour la protection de nos frontières.
L'enjeu principal de cet effort financier substantiel que l'UE envisage est là : dans quelle mesure confortera-t-il la puissance européenne ? Nous relevons avec satisfaction la création d'un programme d'Union européenne de la santé ; nous nous félicitons aussi que le mécanisme juridique de filtrage des investissements directs étrangers, dont la France a récemment obtenu le renforcement, se voie doté de moyens financiers. Pouvez-vous nous en dire plus sur son montant et ses modalités de mise en oeuvre ?
L'ambition que propose la Commission européenne a un prix. Elle passe par un relèvement du plafond de ressources de l'UE. Pouvez-vous nous éclairer, à ce propos, sur la justification du relèvement permanent de ce plafond que réclame la Commission et qui viendrait en plus du relèvement temporaire nécessaire pour financer le plan de relance ? Pour notre pays, quel sera le prix de cette nouvelle ambition européenne ? La nouvelle « facilité pour la reprise et la résilience » bénéficiera surtout aux États les plus touchés, dont le nôtre...
Le financement de ce plan de relance implique assurément la création de nouvelles ressources propres pour l'UE. La Commission étend le champ des possibles en la matière, c'est heureux, mais nous nous inquiétons de l'hypothèse d'une nouvelle contribution assise sur les grandes entreprises. De quoi s'agit-il ? Il ne faudrait pas que ce plan revienne en boomerang sur l'économie européenne.
Il doit aussi s'accompagner d'une révision de la politique de concurrence, que nous appelons de nos voeux. Nous recevons d'ailleurs prochainement Mme Margrethe Vestager, dont la réflexion semble s'être affinée, notamment sur le fait, pointé par le Sénat depuis des années, que nous ne pouvions pas faire émerger des champions européens. Or, le temps économique va beaucoup plus vite que le temps politique, et il nous tarde de disposer d'une feuille de route exemplaire en la matière. Nous voudrions également une optimisation de notre politique commerciale, au risque sinon que nos efforts budgétaires et environnementaux profitent in fine à nos concurrents. Quelle assurance avons-nous à cet égard ?
Quid, enfin, de l'autre grand sujet de ce Conseil européen, l'issue de la négociation sur la relation future avec le Royaume-Uni ? Nous sommes perplexes. Cette négociation patine visiblement, au point que notre négociateur, Michel Barnier, avoue sa lassitude. Chacun campe sur ses positions. Notre partenaire britannique ne veut pas jouer les prolongations et entend restaurer sa compétitivité en s'écartant des normes européennes. Le Parlement vient d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures qui seraient nécessaires faute d'accord en fin d'année. Je me réjouis que la commission mixte paritaire (CMP) soit convenue d'une durée convenable pour cette habilitation, ce qui donne au Gouvernement une certaine latitude. Il était pourtant prévu de conclure d'ici la fin de ce mois, au moins sur le volet pêche. Avez-vous des informations ? À quoi doivent s'attendre nos pêcheurs européens, et français en particulier ?
Nous entendrons aujourd'hui MM. Bruno Lemaire et Olivier Dussopt, pour la présentation du troisième projet de loi de finances rectificative, qui a été présenté hier en conseil des ministres. Mes questions sont très directement liées à l'articulation entre la politique française, avec ses mesures de relance, et la politique européenne. L'ordre du jour du Conseil européen est consacré à la réponse économique à la crise sanitaire, se focalisant notamment sur les orientations du prochain CFP et sur la mise en place d'un fonds de relance.
La PPRE qui a été adoptée mardi par la commission des affaires européennes, à l'initiative de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, sera examinée mardi prochain, sur le rapport de Jean-François Rapin, en commission des finances. Le 27 mai dernier, la Commission européenne a présenté ses orientations sur le nouveau CFP ainsi que sur le plan de relance. L'élément central de ce plan est la facilité pour la reprise et la résilience, avec 250 milliards d'euros de prêts et 310 milliards d'euros de subventions. Ces montants viennent compléter les premières mesures prises avec le MES, la mobilisation de la BEI et le mécanisme de refinancement de l'assurance chômage.
Quel regard portez-vous sur ces chiffres ? Il s'agit de dizaines de milliards d'euros. Nous avons entendu hier M. Pierre Moscovici qui, au nom du Haut conseil des finances publiques, a exprimé un avis quelque peu mitigé, soulignant que, si certains éléments laissent penser que la reprise pourrait intervenir plus tôt, il y a aussi des facteurs de risque. Comme dans Le Soulier de satin de Paul Claudel, le pire n'est pas toujours sûr, mais les statistiques de croissance annoncées hier sont, pour certaines, bien pires que les - 11 % annoncés par le Gouvernement : l'OCDE parle d'une récession de 14 % du PIB. Si les besoins, notamment de l'Europe du Sud, étaient plus importants, cette réponse sera-t-elle suffisante ? Est-elle de nature à jouer un rôle macro-économique significatif ? Je pense en particulier aux secteurs qui sont quasiment à l'arrêt, comme l'aérien ou le tourisme, mais aussi d'autres dont on parle moins, comme celui des armateurs de bateaux entre la France et l'Angleterre, qui n'ont quasiment plus aucun trafic. Si le dispositif de chômage partiel ne perdure pas, ces entreprises ne pourront pas survivre.
En permettant de lever de l'argent sur les marchés financiers, ce plan de relance présente un double intérêt. Il réduira le coût de financement pour les États qui empruntent au plus cher, ce qui limitera la fragmentation au sein de la zone euro. Et il évite une pression accrue sur les États, puisque les remboursements n'interviendraient qu'à compter de 2028. Pour la France, qui emprunte à des conditions financières encore intéressantes, avec un coût d'endettement faible, l'intérêt est plus limité que pour un pays d'Europe du Sud.
On parle de remboursement à partir de 2028, mais ce point reste à clarifier. Le calendrier dépendra sans doute des décisions prises sur les ressources propres de l'UE. En tous cas, la contribution de la France au budget de l'UE devrait augmenter d'environ 6 milliards d'euros. Avez-vous des précisions sur les modalités de remboursement de cet emprunt ? Aucune banque ne proposerait à ses clients de ne leur communiquer qu'ultérieurement les modalités exactes de remboursement. Quelle sera la part de remboursement qui devra être assumée par la France à partir de 2028, et selon quel échéancier ?
Enfin, quelle sera l'articulation de ce plan européen avec le plan français traduit en partie dans le troisième PLFR que nous allons examiner prochainement et qui comporte un certain nombre de mesures de résilience ou de relance même si, pour des mesures de relance globale, il faudra plutôt attendre le projet de loi de finances à l'automne, ce qui nous semble trop tard. Dès aujourd'hui, beaucoup de secteurs devraient être encouragés, soit par l'investissement, soit par la consommation. Pour vous, quels sont les secteurs qui devraient bénéficier en priorité de ces crédits européens ? Est-ce la recherche ? Les Allemands ont fait des annonces sur l'hydrogène, ou sur la modernisation de leur industrie. Comment assurer une synergie ou une articulation avec le plan de relance français ?
Au risque de sortir de sujets relevant strictement de la commission des affaires étrangères, je souhaite évoquer trois points.
Sur le fonds européen de la défense, nous sommes très inquiets. Et je remarque, sous forme de boutade, qu'à chaque fois que vous venez nous voir, le montant de fonds diminue ! De 17 milliards d'euros, on est passé à 10 milliards d'euros, et désormais à 8 milliards d'euros. Le président Bizet a parlé de variable d'ajustement, il n'a pas tort. Jusqu'où ira cette diminution ? Elle constitue une erreur, pour les pays qui ont des industries d'armement - et c'est le cas de la France, qui compte des centaines de milliers de salariés dans ce domaine. Bien sûr, vous ne savez pas ce qui va sortir du prochain Conseil européen. Au moins, la France dira-t-elle clairement que cette baisse doit être endiguée ?
Second sujet d'inquiétude, la réouverture des frontières. Elle devrait être coordonnée au niveau européen, et elle ne l'est pas. Chaque soir, le journal télévisé nous montre que les pays les plus concernés par le tourisme, comme la Grèce, l'Italie ou le Portugal, sont déjà en train de préparer leurs plages et rouvrent leurs frontières, alors que d'autres pays continuent à vivre avec des frontières fermées. Cette question est liée à celle des transports aériens, qu'il faudra aussi débloquer. Pensez-vous que pourra sortir de ce Conseil européen une politique de coopération, pour que les États membres fassent la même chose au même moment ? Après tout, le tourisme est très important pour nous aussi, d'autant que nous savons très bien que nous n'aurons pas les touristes des continents américains ou asiatiques : nous avons donc besoin que l'activité touristique européenne redémarre. Quelle sera la position que la France défendra ?
Enfin, au risque de m'écarter du domaine de la commission des affaires étrangères, nous avons des inquiétudes sur le plan de relance. La réunion des ministres des finances a montré les désaccords entre les 27. Or, cette réunion était faite pour préparer le Conseil européen de la semaine prochaine. Elle a manifesté les positions des uns et des autres et, sur quatre points, on voit se dessiner désaccords et divisions.
D'abord, sur le calendrier. L'objectif annoncé est d'aller vite mais, quand on voit la vitesse à laquelle avance la préparation du CFP, depuis des mois, ce n'est pas rassurant. L'objectif de finaliser le plan de relance de 750 milliards d'euros avant la fin du mois d'août, pour que les différents programmes de chacun des pays soient engagés dès 2021, pourra-t-il être atteint ? Cela semble une mission impossible.
Il y a ensuite les réticences des pays dits frugaux que sont l'Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et la Finlande. Celles-ci portent d'abord sur le montant. Pourtant, sur les 750 milliards d'euros, seuls 500 milliards d'euros prendraient la forme de subventions. Ces pays trouvent que c'est encore trop, et souhaiteraient que l'aide revête davantage la forme de prêts. Quelle sera la position de la France vis-à-vis de ces réticences ?
Notre troisième inquiétude porte sur les critères de répartition de ces 750 milliards d'euros. Trois ont été annoncés : la taille des États, le PIB par habitant et le taux de chômage. Ils seraient pris en compte en fonction des chiffres d'avant la crise, ce qui est très surprenant ! Les enveloppes allouées à chaque pays correspondront donc à son PIB et à son taux de chômage d'avant la crise, alors que nous parlons d'un plan de relance pour redresser l'économie après la crise. Cela donne des résultats stupéfiants : dans ce qui est proposé, un pays comme la Grèce, qui a été très peu frappé par la crise, serait très bien servi ; un pays comme la Pologne, qui a traversé une crise sanitaire et économique plutôt limitée, sera parmi les plus gros bénéficiaires ; et la Belgique, dont les chiffres, en termes de nombre de morts et de personnes frappées par la crise sanitaire, sont terribles, serait très peu aidée. Et, si l'on additionne l'Italie, l'Espagne et la France, on obtient la moitié de l'aide proposée par l'UE ! C'est de la provocation ! On comprend que les pays frugaux protestent, et que ces critères suscitent des désaccords... Qu'en dites-vous ?
Dernière inquiétude : Bruxelles va porter un jugement sur les plans de relance de chacun des pays. La Commission jugera en fonction de critères dont certains sont sans doute objectifs, comme la transition verte ou la numérisation. Mais le plus important sera d'effectuer des réformes susceptibles d'accélérer la reprise, ce qui est un critère très subjectif. J'ajoute, enfin, que les désaccords portent aussi sur les modalités de remboursement des emprunts consentis. Tout le monde semble d'accord avec l'idée d'un emprunt de trente ans qui débuterait en 2028. C'est sur son financement que surgissent les désaccords. La Commission propose de le financer grâce à des taxes sur le numérique, les émissions de CO2, les multinationales et les actions polluantes. Or les 27 sont très divisés sur la répartition de ces taxes. Quelle position la France défendra-t-elle sur la manière de rembourser cet emprunt géant ?
Sur le Brexit, nous ne sommes pas rassurés par la conférence de presse qu'a tenue Michel Barnier à la suite de la dernière rencontre. Il y a un blocage sur tous les sujets qui restent à discuter et, sur certains sujets pour lesquels il y avait eu un accord, les Anglais sont en train de remettre les conclusions sur le tapis. Quel est votre point de vue ? À mon avis, c'est très mal parti - et il ne sortira pas grand-chose du prochain Conseil européen. Bref, je ne suis guère optimiste...
Je suis très heureuse de vous retrouver en chair et en os, quoiqu'encore dans un format restreint. L'épidémie est toujours parmi nous, mais nous avons gagné contre elle une première manche. En restant prudents, nous allons progressivement retrouver une vie normale, même s'il ne s'agira pas de la vie d'avant. En tous cas, la prochaine réunion des chefs d'État ou de gouvernement se tiendra, vendredi prochain, toujours par visioconférence, ce qui est un signe des temps exceptionnels que nous vivons. C'est la cinquième fois depuis le début de la crise que les membres du Conseil européen se réunissent sous ce format inédit. La première de ces visioconférences s'était tenue le 10 mars, suite à une demande du Président de la République auprès de Charles Michel, pour qu'il y ait, au plus haut niveau européen, une instance de décision, de coordination et d'impulsion.
La discussion sera effectivement centrée sur les enjeux de la relance économique de l'UE, sur le CFP 2021-2027, avec aussi un état des lieux des négociations sur la relation future avec le Royaume-Uni.
Les chefs d'État ou de gouvernement vont discuter d'un paquet, constitué de deux jambes : le plan de relance présenté le 27 mai dernier, et le budget européen 2021-2027, qu'éclipse actuellement la nouveauté du plan de relance. La proposition de la Commission repose, pour la relance, sur le principe d'un emprunt européen. C'est un vrai changement de paradigme : il y a trois mois, c'était encore un tabou. La crise a chamboulé la donne, et je crois que nous avons tous compris que nous avions besoin d'une réponse européenne massive, que les outils budgétaires dont nous disposions à l'échelle européenne étaient insuffisants, et que les taux d'intérêt étaient suffisamment faibles pour que puissions recourir à l'emprunt dans de bonnes conditions. C'est pourquoi le Président de la République a pris l'initiative, avec huit de nos voisins européens - Belgique, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Portugal et Slovénie - de plaider dès le 26 mars dernier auprès du président du Conseil européen pour un mécanisme d'endettement commun.
À l'époque, l'accueil avait été assez réservé. Le Président de la République a néanmoins, avec beaucoup de persévérance, cherché à faire avancer cette proposition, notamment par des contacts très réguliers avec la chancelière Merkel. Face à l'interdépendance économique fondamentale créée par ce marché européen, qui a fait notre prospérité, nous avons l'obligation de prévoir une réponse européenne à la hauteur des enjeux. Lors de leur dernière réunion du 23 avril, sur la base des travaux des ministres des finances, les chefs d'État ou de gouvernement ont d'ailleurs reconnu la nécessité et l'urgence de la création d'un fonds de relance, et ont mandaté la Commission européenne pour qu'elle précise les besoins et présente une proposition à la hauteur des enjeux.
Une seconde étape a été franchie le 18 mai, avec l'annonce de l'initiative franco-allemande, historique, qui consistait à associer au volet budgétaire et financier de 500 milliards d'euros la volonté de créer une nouvelle feuille de route pour l'Europe, axée sur la souveraineté et concernant la santé, l'industrie et la transition écologique. L'avenir nous montrera peut-être que cela a été un moment hamiltonien.
En tous cas, cette initiative franco-allemande a déjà contribué à nous faire passer une étape majeure, puisque nous avons fondamentalement modifié les équilibres entre les États membres et déplacé le centre de gravité au Conseil européen. C'est le succès d'une méthode et de l'idée que la France et l'Allemagne peuvent faire ensemble des propositions constructives, expliquer, rassembler. D'ailleurs, ces propositions ont été bien accueillies par la plupart de nos partenaires et ont isolé les États les plus durs, que certains qualifient de frugaux : l'Autriche, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark.
En réalité, ces pays ne constituent pas un bloc uni. Je me rends ce soir en Autriche, et serai lundi aux Pays-Bas. Je puis vous assurer que les entreprises et syndicats néerlandais et autrichiens sont d'accord avec ce plan, et que les demandes de la Suède, du Danemark, de l'Autriche ou des Pays-Bas ne sont pas les mêmes. Nous n'avons donc pas devant nous un bloc - et nous récusons, d'ailleurs, la logique de bloc. Il faut simplement bien comprendre ce dont ces pays ont besoin pour travailler avec nous, tout comme pour ceux du groupe de Viegrad. Comme l'a dit Jean-Yves Le Drian avec une pointe d'humour, les frugaux doivent manger un peu, et nous sommes tous conscients des interdépendances commerciales et économiques qui nous unissent.
C'est dans ce contexte de dynamique favorable que la Commission européenne a présenté le 27 mai sa proposition de relance, en lien avec une révision du CFP 2021-2027. La nouveauté, c'est le plan de relance de 750 milliards d'euros financé par l'emprunt, dont M. le rapporteur général a précisé les différents instruments. L'objectif de ce fonds de relance est de renforcer le budget de l'UE jusqu'en 2024 - de le doubler, quasiment, pendant ces années - grâce à un instrument financier permettant de lever des fonds sur les marchés financiers.
Les trois quarts des financements levés, 560 milliards d'euros donc, viendront financer un nouvel instrument de relance et de résilience, à hauteur de 310 milliards d'euros de subvention et de 250 milliards d'euros de prêts, avec une clef de répartition qui peut encore être discutée. Cet argent aura pour vocation de financer des plans de relance nationaux, que chaque pays présentera à la Commission européenne pour vérifier qu'il a bien intégré les priorités de l'UE, notamment en matière climatique et numérique : si nous voulons une relance européenne qui crée de la prospérité et non de la compétition, il faut s'assurer que nous marchons dans des directions compatibles. Le rôle de la Commission ne sera pas de sanctionner mais de s'assurer que ce que les pays proposent contribuera à une dynamique commune positive.
Le deuxième outil, à hauteur de 7 % de l'enveloppe, soit 55 milliards d'euros, est un nouvel instrument, appelé ReactUE, dont les financements sont alloués en fonction de l'impact de la crise, au titre de la politique de cohésion qui constitue un levier de relance fondamental dans les territoires les plus touchés. Très concrètement, pour nous, cela passera par les régions. Nous avons donc besoin que celles-ci se mobilisent pleinement et accroissent leur capacité à accéder à ces fonds européens dès les premières années du CFP : nous ne pouvons pas nous permettre le retard à l'allumage habituel de deux ou trois ans.
Enfin, ce plan vient abonder d'autres programmes déjà existants, comme InvestEU, dont les crédits vont doubler pour atteindre 30 milliards d'euros, avec un volet sur les investissements stratégiques, ou comme le deuxième pilier de la PAC, rehaussé de 15 milliards d'euros, le fonds de transition juste, qui augmenterait de 30 milliards d'euros, ou encore Horizon Europe. Il permet aussi d'accroître notre soutien à l'aide humanitaire, pour renforcer notre action extérieure. Il finance enfin un nouveau programme consacré à la santé, de 10 milliards d'euros.
La Commission a également proposé des ajustements sur certains programmes européens du CFP, notamment au vu des discussions que nous avons eues en février. Le budget de la PAC augmenterait, y compris pour le premier pilier : c'est une avancée que nous saluons - et je sais à quel point le Sénat est vigilant sur ce point. La PAC est une vraie politique de souveraineté, et cette crise sanitaire est venue, s'il en était besoin, démontrer combien il est précieux de pouvoir s'alimenter avec des produits qui ne viennent pas de trop loin. Nous veillerons à ce que ce niveau d'ambition proposé par la Commission ne soit pas revu à la baisse. Vous pouvez compter sur la détermination de Didier Guillaume, sur notre mobilisation, et sur la solide coalition que nous avons construite sur ce sujet, auquel le Président de la République est aussi très attentif.
En amont de cette réunion de vendredi, il faut souligner que, s'il y a eu un accueil très positif de la plupart des États membres, les négociations seront difficiles, vu le nombre de paramètres à intégrer. Nous préparons pour le 16 juin une réunion des ministres des affaires européennes, qui sera l'occasion de partager les premières orientations et de montrer les points de vigilance particuliers de la France. Dans cette discussion, chacun pourra aussi réagir formellement à la proposition.
Parmi les points que nous discuterons, figureront l'architecture et le montant du plan de relance. Certains exercent de fortes pressions pour faire baisser ce montant, rehausser la part des prêts, et assortir de conditions très fermes toute éventualité de transfert budgétaire. Pour autant, nous devons rester cohérents avec les besoins exprimés. Un deuxième enjeu sera la répartition des moyens entre les programmes du budget. Les modalités de la nouvelle facilité de relance et de résilience, ses objectifs, la clé de répartition, sa gouvernance, le rôle du Parlement européen, sont autant de questions qui seront également discutées. Troisième point important : le débat sur les ressources propres et les rabais. Sur ces deux sujets, la Commission maintient à ce stade ses propositions initiales. Elle rappelle la pertinence des ressources propres pour aider au remboursement du plan de relance, et maintient sa proposition d'une sortie progressive du système des rabais, tout en évoquant la possibilité d'un horizon plus lointain pour sa disparition. Nous savons tous qu'il s'agit d'un élément important du compromis que nous aurons à trouver.
Pour la France, le paquet de 500 milliards de subventions budgétaires est un minimum, dont nous avons besoin pour relancer nos économies. Au fond, il y a trois temps. D'abord, protéger les emplois et répondre à l'urgence : c'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Puis, renforcer l'économie et organiser la relance, et le plan de relance européen sera là pour que cela soit fait de manière cohérente : notre secteur automobile, par exemple, est européen, avec des fabricants de pièces détachées et des clients largement dispersés. Le troisième temps sera d'investir pour l'avenir, afin que les emplois créés soient durables et pérennes et que ce soient bien ceux que les transitions écologique et numérique nous imposent de créer.
Pour nous, le financement par la dette doit être maintenu, et les modalités de remboursement doivent intégrer des ressources propres, pour alléger la part qui impliquerait une hausse des contributions nationales. Ce que propose la Commission, c'est de payer tous les intérêts jusqu'en 2027, et de ne commencer à rembourser le principal qu'à partir de 2028, sur une période de 30 ans. L'idée est que le remboursement du principal doit être, autant que possible, financé par des ressources propres : contribution plastique, contribution ETS, mécanisme de contribution carbone aux frontières, taxe numérique sur les Gafam, taxe sur les transactions financières...
Concernant la dotation du fonds européen de défense, nous étions descendus à 5 milliards d'euros, nous sommes à présent à 9 milliards d'euros. Vous voyez que ma venue coïncide parfois à des hausses de budget ! La tribune publiée hier par Josep Borrell et Thierry Breton est claire : nous devons affirmer notre souveraineté, notamment sur le plan de la défense. C'est un élément de crédibilité et de puissance, face à la Chine, face aux États-Unis. Nous avons pour objectif que soit consacré à la défense européenne un montant en milliards à deux chiffres : je le dirai mardi à mes homologues. Le budget dédié par l'Union européenne à l'espace doit aussi augmenter, si elle veut être cohérente avec les décisions prises par l'Agence spatiale européenne. Concernant le financement du projet ITER, il nous manque 400 millions d'euros. Entre 2014 et 2020, ce projet a mobilisé 3 milliards d'euros. Pour 2021-2027, la Commission avait proposé initialement 5,4 milliards d'euros. Nous sommes actuellement à 5 milliards d'euros, et nous allons essayer d'obtenir une nouvelle augmentation de ce montant, car c'est une priorité dans le cadre de la transition climatique.
Il faut absolument que le fonds de relance soit disponible au moment nécessaire de la relance ! Nous avons donc une obligation de résultat très forte sur le calendrier. Mme Merkel est très consciente que la présidence allemande de l'UE doit commencer par un accord dès le mois de juillet. Et le Président de la République passe beaucoup de temps à créer les conditions d'un accord en juillet. Cette négociation est d'autant plus complexe que le calendrier est serré : nous allons intensifier nos efforts, et il y a beaucoup d'échanges, à la fois bilatéraux et en groupes, à tous les niveaux. Nous espérons qu'après le tour de table du 19 juin, nous disposerons fin juin d'une version révisée de la proposition, qui sera un support pour l'accord politique. L'Europe avance par étapes : nous échangeons avec l'Autriche et les Pays-Bas notamment, pour que chacun s'y retrouve.
Les négociations sur la relation future avec le Royaume-Uni ont été ralenties par la situation sanitaire. Les divergences sont profondes, et elles demeurent. Nous divergeons notamment sur la méthode de négociation. Les Britanniques souhaitent avancer sur les sujets qui les intéressent en priorité, quand l'UE défend une approche globale, pour obtenir un parallélisme des progrès sur les différentes dimensions de la négociation. Un comité conjoint se réunira le 12 juin entre les équipes de négociation, et une rencontre est prévue entre les représentants des institutions. M. Boris Johnson, si nous comprenons bien les signaux envoyés, devrait annoncer qu'il ne souhaite pas étendre la période de transition, et que celle-ci s'achèverait donc fin décembre 2020. Cela signifie qu'il faut boucler la négociation en quatre mois, ce qui semble difficilement atteignable. Nous devons donc nous préparer à tous les scénarios, et en particulier à celui d'une absence d'accord commercial. Le mois de juin sera crucial, en tous cas.
La politique de concurrence est une priorité française : vous avez en mémoire la lettre envoyée à la Commission européenne par la France, l'Allemagne et la Pologne à ce sujet ; elle figure aussi dans l'initiative franco-allemande. Nous ne l'avons pas mise sous le boisseau. La crise a mis en évidence une forte capacité d'adaptation des mécanismes existants. Cela reste pour nous une priorité : nous menons une bataille pour l'emploi et la souveraineté. Comptez sur notre vigilance et notre engagement, mais des réflexions intéressantes sont également menées au sein de la Commission.
Monsieur le rapporteur général, pouvoir payer les intérêts entre 2021 et 2027 et rembourser le principal avec autant de ressources propres européennes que possible, sur des critères cohérents avec nos ambitions numérique et climatique, est une nécessité. Il y a une forme de solidarité intertemporelle dans cette dynamique. Les investissements stratégiques sont inclus dans le plan de relance, avec notamment les 16 milliards d'euros d'InvestEU et le fonds de protection de nos secteurs stratégiques contre les investisseurs étrangers. D'autres secteurs que la santé sont concernés : les infrastructures critiques, le numérique, les stocks stratégiques...
Il faut élargir la réflexion : le plan Marshall, c'était de l'argent américain donné aux Européens pour qu'ils achètent des biens américains. Il faudrait un plan Schuman : de l'argent européen pour acheter des biens européens. Cela n'implique pas de se claquemurer, mais il est normal que les efforts que nous demandons à nos citoyens appuient une réindustrialisation européenne.
En matière de critères d'allocation, il faut penser en termes d'interdépendance économique. Ne revenons pas à une logique du retour à l'euro près : ce qui compte, c'est que cela fonctionne. Or des régions ont moins de moyens pour rebondir que d'autres. Il faut donc mettre les moyens là où c'est nécessaire. Si le nord de l'Italie ralentit, c'est toute l'industrie automobile européenne qui ralentit avec lui.
Avec les critères initiaux du fonds pour une transition juste, deux départements français auraient été éligibles. Il faut s'écarter des logiques de boutiquier pour partir des besoins économiques.
Pour les frontières intérieures, les choses sont claires : la plupart de ces frontières seront libres de contrôles dès le 15 juin. Là où la situation sanitaire ne le permet pas encore, les contrôles pourront être prolongés jusqu'au 1er juillet au plus tard. La zone de référence est l'espace Schengen élargi, qui comprend le Royaume-Uni.
Pour les frontières extérieures, le régime en place est conservé jusqu'au 1er juillet. Nous allons ensuite établir une liste de pays sur la base de critères sanitaires, pour que le même régime soit appliqué, que l'on atterrisse à Paris, Amsterdam ou Francfort. Nous avons pris des mesures d'urgence pour le transport aérien, en reportant l'application de certaines règles et en prolongeant des aides. Nous cherchons aussi à coordonner les mesures sanitaires au départ. Ce secteur, qui est au coeur de la construction européenne, fait l'objet d'un plan de relance, avec un pacte national de 16 milliards d'euros portant de fortes ambitions en matière de transition écologique.
Concernant le tourisme, je profite de cette audition pour inviter les Européens à venir passer leurs vacances en France à partir du 15 juin.
Les terrasses seront ouvertes... Ne donnons pas l'impression que les Français peuvent voyager à l'étranger sans que les citoyens européens puissent venir chez nous.
J'insiste sur l'urgence évoquée par Ladislas Poniatowski, au niveau national et européen. Nous savons que le Conseil européen du 19 juin ne sera probablement pas conclusif. Il y en aura un autre, paraît-il, en juillet. Nous souhaiterions en connaître la date. L'urgence est aussi nationale : le plan de relance a pour objet d'éviter la fragmentation des économies, or nos amis allemands, avec leur puissance de feu, créent déjà des distorsions. L'Allemagne a immédiatement obtenu le maximum de l'assouplissement des règles sur les aides d'État décidé à Bruxelles. En matière de transition énergétique et de déploiement de la 5G, nos voisins vont beaucoup plus vite que nous.
Vous avez rappelé que les régions seraient toujours les autorités de gestion sur les fonds de cohésion et le fonds pour une transition juste. Si la France reçoit 10,4 % des sommes qui seront allouées, soit environ 32 milliards d'euros, ces sommes seront gérées par l'État. Il conviendrait que le Parlement soit plus étroitement associé à cette question.
Le Parlement européen aura lui aussi un rôle important, puisqu'il doit se prononcer sur les modalités d'application des programmes européens.
S'il faut réunir deux ou trois fois le Conseil européen en juillet, nous le ferons : il y a une obligation de résultat. En effet, si nous voulons que toutes les mesures d'urgence soient effectives à la fin 2020 et que le budget européen et la plus grande partie du fonds de relance soient opérationnels dès le 1er janvier 2021, une accélération est indispensable. Ce n'est pas une négociation européenne comme les autres. Bruno Le Maire et moi-même sommes à la pleine disposition du Parlement pour détailler ces enjeux.
Le 10 juin, la présidente de la Commission européenne a cité nommément Pékin comme source de désinformation sur le coronavirus. C'est la première fois : nous avions davantage l'habitude d'entendre parler de la Russie. Allez-vous revenir sur cette question au Conseil européen ? Comme parlementaires, nous avons subi une véritable agression de l'ambassade de Chine, qui a pris des positions très dures à notre encontre. À ma connaissance, ces affirmations figurent toujours sur le site de l'ambassade.
Bientôt quatre ans se seront écoulés après le référendum sur le Brexit. On peut comprendre la lassitude des négociateurs. Mais vous avez déclaré à un quotidien allemand qu'il fallait se préparer à l'échec des pourparlers : qu'est-ce que cela signifie pour les particuliers et les entreprises ?
Dès le référendum, je ne voyais pas comment il serait possible d'éviter le retour d'une frontière en Irlande. À quelques jours de la décision probable de ne pas prolonger les négociations au-delà du 31 décembre, où en est la mise en oeuvre du protocole nord-irlandais ?
Le 6 mai 2020, le sommet virtuel de Zagreb a confirmé sans équivoque la perspective européenne pour les pays des Balkans occidentaux. Or le Président de la République a demandé une réforme du fonctionnement des institutions avant d'envisager l'ouverture à de nouveaux membres, le système actuel de négociation étant jugé trop bureaucratique. Combien de temps prendra cette réforme ? La France a-t-elle fixé un objectif de calendrier ? Nous, parlementaires, nous adressons à de vraies gens. Jean Monnet disait que l'Union européenne ne consiste pas à unir des États mais des hommes. Les Serbes attendent depuis dix ans : quelle est la perspective que nous pouvons leur donner ?
Qu'en est-il de la liberté de circulation pour les étudiants non communautaires, qui pour le moment ne sont pas même en mesure de faire des visas ?
Sur l'assouplissement des aides d'État, j'irai dans le sens de Jean Bizet : notre industrie automobile n'a pas attendu la crise pour être malade, et le décalage entre les aides allemandes et les aides françaises peut nous faire craindre le pire. Cela pourrait marquer un point d'inflexion dans la convergence des politiques industrielles pour une concurrence libre et non faussée au sein de l'UE. Ce processus doit être organisé, avec un objectif de sobriété énergétique et de neutralité carbone.
La crise n'est pas européenne mais mondiale. Nous paierons très cher la lâcheté qui a prévalu au plan international. Il y a eu d'autres souffrances que le Covid au cours des derniers mois. Je songe à la Libye, à nos relations avec la Turquie, au Sahel. Les parlementaires israéliens ont demandé à l'UE de se mobiliser sur le risque que fait peser la coalition récemment installée au pouvoir sur le processus de paix parrainé par l'Europe ! Notre politique étrangère commune est faible, pour ne pas dire inexistante, alors que l'on attend de nous que nous agissions en conformité avec nos valeurs. Si nous nous concentrons sur nos problèmes, nous en aurons d'autres.
Le nouveau processus de négociation d'adhésion à l'UE, qui prévoit des bénéfices progressifs pour les États candidats dès avant l'adhésion, doit être financé par le CFP, mais je ne vois pas apparaître ces financements supplémentaires.
Le plan de la Commission européenne a suscité beaucoup de critiques ; mais après le jugement de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et l'initiative franco-allemande, on ne peut être qu'impressionné par ses propositions. Vous avez évoqué, madame la ministre, un moment hamiltonien, c'est-à-dire un début d'union monétaire et fiscale. Mais pour cela, une pérennisation des ressources est nécessaire. Un jeune dont le premier emploi sera le chômage qui, à soixante ans, continuera à rembourser la dette créée par le plan de relance de la Commission serait tenté de dire à Mme von der Leyen : « Ok boomer ! ». Or les nouvelles ressources propres envisagées ne laissent pas d'inquiéter : au lieu de ponctionner la compétitivité des entreprises ou la consommation, il faut se poser la question de la taxation du capital au niveau européen.
Il est enfin impératif que vous nous indiquiez les modalités de participation des Parlements nationaux, qui détiennent toujours la souveraineté budgétaire et fiscale, à la Conférence sur l'avenir de l'Europe, décisive pour pérenniser les dispositifs mis en place aujourd'hui.
L'UE nous surprend, et pour une fois la surprise n'est pas une amertume liée aux occasions manquées et à l'incapacité à dépasser certains dogmes trop rigides, imposés au fil du temps comme des mantras et des psalmodies répétés sans inflexion de voix. Non, l'UE nous surprend positivement en mettant de côté ses tables de la loi si souvent décriées. Il y a encore quatre mois, en pleine torpeur post-Brexit et en plein doute existentiel, pensait-on qu'elle allait suspendre la règle des 3 % de déficit autorisé et les sacro-saintes règles limitant les aides d'État, pour souscrire à un plan de relance post-crise ambitieux de 750 milliards d'euros financé par l'endettement durable de l'institution ? Rappelons que nous ne sommes qu'au début du processus d'adoption du paquet global pluriannuel de 1 850 milliards d'euros proposé en mai par la Commission.
Le Conseil européen du 19 juin ne sera probablement qu'un tour de chauffe dans une négociation longue et ardue, largement impulsée par un couple franco-allemand retrouvé. La présidence allemande envisage deux nouvelles réunions le mois prochain pour envisager un accord, fin juillet, sur une boîte de négociation. À ce stade, un doute plane sur le calendrier de mise en oeuvre : pour être opérationnel en 2021, le plan de relance devra être discuté et approuvé au plus tard en décembre ; le Parlement aura en outre un délai très court pour l'approuver : on parle d'une approbation au mois de septembre. Cela rend le calendrier plus qu'étroit, si l'on considère qu'aucune décision de cette ampleur n'a été ratifiée dans un délai inférieur à 13 mois. Il faudra éviter que 2021 ne soit une année blanche en matière de consommation de dépenses budgétaires.
Outre le calendrier, le blocage pourrait venir des pays dits frugaux. Je connais bien les pays d'Europe du Nord. Le Danemark et la Suède pourraient rapidement se montrer raisonnables, alors que les Pays-Bas devraient rester fermes en raison de leur hostilité au principe de l'emprunt, a fortiori pour financer 500 milliards d'euros de subventions et 250 milliards de prêts. La France est-elle prête à accepter des compromis sur ces montants en contrepartie d'un feu vert des Pays-Bas ?
Des résistances sont également à prévoir sur le remboursement des prêts, dont les modalités restent très floues à ce stade. De même, si des pistes de nouvelles ressources propres sont évoquées, aucune proposition législative concrète n'a encore été formulée. Pouvez-vous confirmer que l'Allemagne insisterait sur des délais de remboursement plus courts que ceux qui sont envisagés, c'est-à-dire de 2028 à 2058 ? Comment rassurer les États qui craignent des répercussions sur les contributions nationales, à commencer par les contributeurs nets ?
Enfin, savez-vous si une date limite pour la suspension du pacte de stabilité et de croissance est prévue ? Pour l'année 2020, c'est évident ; pour l'année 2021, c'est moins clair. La Commission prévoit une reprise de 6,3 % du PIB en 2021, même si personne n'a pu me dire comment ce chiffre avait été calculé. Une reprise qui se confirmerait serait l'occasion de lancer un avertissement sur les déficits publics.
Le Conseil européen marquera une étape cruciale dans la construction européenne. C'est en période de crise et au pied du mur que l'Europe avance et se construit. L'UE a régulièrement su relever des défis, qui sont nombreux mais pas insurmontables si nous demeurons unis. La direction de l'UE a donné lieu à des questionnements légitimes. L'Europe nous étonne, disait André Gattolin : le projet présenté le 27 mai prévoit la mobilisation de 750 milliards d'euros pour faire repartir l'économie. Ce plan, s'il est validé, sera le plus important jamais porté par l'Europe : plus de 1 300 milliards d'euros au total. C'est un signe très positif.
Au-delà des chiffres, l'UE pourrait aussi, pour la première fois, emprunter collectivement sur les marchés. Malheureusement, la crise a exacerbé les dissensions sur la question budgétaire. La recherche de compromis doit pourtant prévaloir ; elle passera par une mutualisation limitée et temporaire des dettes. Aucun pays ne sortira seul de la crise. C'est notre capacité politique à compter dans le monde aux côtés des grands ensembles en cours de constitution qui est en jeu.
Nous soutenons par conséquent les ambitions de ce nouveau paquet européen. Une politique numérique efficace et juste est également nécessaire, ainsi qu'une réforme des règles de la concurrence. La politique de cohésion doit être maintenue et la PAC doit être forte, modernisée et financée. Voilà les conditions d'une transition économique verte.
Les dernières annonces sur la PAC sont déconnectées des grands enjeux de souveraineté alimentaire, et à contre-courant des politiques mises en place au sein des grandes puissances mondiales. Ne faisons pas de notre agriculture ce que nous avons fait de notre industrie. Pour protéger nos entreprises stratégiques au niveau européen, la France est très active sur les mécanismes de contrôle et de filtrage des investissements étrangers. Pouvez-vous nous préciser votre vision des secteurs stratégiques ?
Sur le Brexit également, l'unité est primordiale. Je salue l'important travail de Michel Barnier et de ses équipes, dont le flegme a été altéré par les incessants revirements des Britanniques.
Le plan de relance est une réponse inédite à une situation inédite. Je m'associe aux propos de mes collègues sur les États frugaux. Quelles sont les marges de manoeuvre pour les convaincre d'aller dans le sens de ce plan de relance, qui aura indéniablement un impact fort sur nos finances publiques, même si l'échéance est reportée à 2028 ? Pouvez-vous confirmer le chiffre de 32 milliards d'euros de retour direct à la France ? C'est celui que cite la presse, mais il est difficile d'y voir clair, entre les estimations en euros courants et en euros constants. Cela implique une participation en retour de la France dans le paiement des intérêts. Peut-on l'estimer ?
Le panier de ressources propres sur lequel la Commission compte s'appuyer traîne son lot d'oppositions de principe dans certaines capitales. La Commission évoque un accord possible d'ici à 2024, mais il pourrait ne jamais être trouvé. J'estimais en février que la partie était loin d'être achevée.
Dans l'hypothèse d'un CFP à 1 100 milliards d'euros, sans suppression des rabais ni ressources propres nouvelles, quelle serait la contribution annuelle de la France au budget européen ? On nous annonce une fourchette comprise entre 26 et 29 milliards d'euros. Pouvez-vous me la confirmer ?
Je ne partage pas entièrement l'analyse de Jean-Yves Leconte. La situation exceptionnelle justifie une réponse exceptionnelle, mais mon groupe estime que cette réponse, si elle était pérennisée, ferait basculer le financement de l'UE dans un modèle très différent ; et cela ne pourra être mis en oeuvre qu'après un débat élargi et approfondi sur l'Europe que nous voulons. Nous serons attentifs aux décisions du Conseil européen dans les jours à venir, en espérant que le Parlement sera amené à se prononcer dessus.
Je suis surpris que la distribution des crédits potentiellement accessibles se fasse sur le modèle des fonds de cohésion : c'est en décalage avec ce que l'on peut attendre d'un plan de relance. Enfin, les régions seront forcées de dépenser les crédits à 60 % en autorisations d'engagement dans les deux années à venir, avec des crédits de paiement remboursés à hauteur de 20 % seulement. Cela pourrait engendrer des décalages de trésorerie importants.
Dans le passé, face aux grandes crises, l'UE était frappée d'attentisme. Cette fois-ci, elle a répondu rapidement pour limiter l'impact économique et social de l'épidémie, avec le plan de relance de 750 milliards d'euros, des rachats massifs de titres, le feu vert donné aux aides d'État et l'assouplissement du pacte de stabilité. Cela va dans le bon sens et c'était nécessaire, alors que le recul du PIB dans la zone euro est estimé à 8,7 % pour 2020. À ces mesures conjoncturelles, les autorités européennes ont coutume d'ajouter l'effet attendu des politiques traditionnelles inscrites dans le CFP. Il semble que la répartition des crédits entre les différentes politiques de l'UE conserve l'équilibre discuté depuis plusieurs mois.
Le cadre financier dévoilé le 27 mai dernier par la Commission repose sur un budget de 1 100 milliards d'euros, fruit d'un compromis. Le groupe RDSE aurait préféré la proposition de mai 2018, qui fixait le budget à 1 279 milliards d'euros. Cela aurait évité quelques décisions qui suscitent des réserves, notamment la baisse des moyens consacrés à la PAC et au développement rural. Je citerai aussi le Fonds européen de défense abondé de 8 milliards, alors que la première proposition était de 13 milliards d'euros. C'est insuffisant au regard des enjeux stratégiques.
Le RDSE souscrit à l'ambition d'une économie plus verte portée par le prochain CFP, tout en se demandant comment les aides d'urgence serviront cet objectif. La création d'un nouveau programme de l'Union européenne pour la santé est intéressante, mais il faut des précisions.
Sans mutualiser les dettes, l'initiative franco-allemande instaure une solidarité plus que souhaitable entre les pays et évitera une spéculation sur la dette des pays les plus fragilisés par la crise sanitaire. Mais quelle sera la gouvernance de cet instrument ? Quelle sera la répartition entre les dons et les prêts ? Comment seront définies les clés de distribution ?
Il conviendra de construire un instrument temporaire de relance en incluant les États membres dits frugaux : nous ne gagnerions rien à une Europe divisée par des écarts de croissance trop importants.
Il y a un consensus croissant sur l'importance de développer nos outils face à la désinformation. C'est d'autant plus important qu'il y a des impacts sur la santé publique. La France soutient pleinement ces efforts : le Président de la République a proposé la création d'une agence européenne de la démocratie pour nous préserver des ingérences extérieures dans les processus politiques ou les périodes de crise. Le Parlement européen est mobilisé sur la circulation de contenus dangereux sur les réseaux sociaux, notamment les contenus terroristes. Dans une époque de réseaux sociaux parfois envahissants, veillons à ne pas mettre en danger la vie des citoyens.
L'ambassadeur chinois a été convoqué plusieurs fois par Jean-Yves Le Drian pour des clarifications. Nous sommes très vigilants sur ce sujet.
Que signifie se préparer à l'échec des pourparlers avec les Britanniques ? Il y a deux semaines, je vous demandais une habilitation pour traiter tous les sujets non couverts par l'accord de retrait entre l'UE et le Royaume-Uni, qui serait le seul accord liant les deux entités en cas d'absence d'accord commercial. Nous avons évoqué ensemble la circulation des personnes et des marchandises, les droits des citoyens, la protection des assurés et des épargnants. Un accord commercial sans tarif ni quotas, qui est l'objectif des Britanniques, ce n'est pas une situation sans contrôles. La nature et l'intensité des contrôles dépendent de l'accord commercial. Mais il faut faire comprendre aux entreprises que, même en cas d'accord, la situation sera différente, notamment les procédures de contrôle aux frontières - car la sortie de marchandises du marché intérieur implique le rétablissement de contrôles.
Michel Barnier l'a répété, et la France le soutient pleinement sur ce point : sur le protocole nord-irlandais, nous ne pouvons pas imaginer de nouveaux accords si les précédents ne sont pas pleinement appliqués. La Commission européenne devra être en mesure d'observer sur le terrain que les engagements pris sont tenus.
Même vigilance sur les droits des citoyens européens au Royaume-Uni, et bien sûr sur ceux des expatriés britanniques dans l'UE. Les engagements pris relèvent du droit international. La confiance se gagne avec des actes concrets.
La date de l'élargissement dépend des pays engagés dans le processus. Dans la nouvelle méthodologie des négociations d'adhésion, un pays qui engage les réformes rapidement a plus vite accès aux bénéfices des politiques européennes. Avec 13 milliards d'euros consacrés à l'instrument de préadhésion dans le budget européen, nous avons des moyens importants. D'autres outils budgétaires peuvent être mobilisés en faveur de ces pays : nous l'avons fait au cours de la crise sanitaire. La date de l'élargissement dépend donc du rythme des réformes sur le terrain et de l'engagement concret des pays concernés. La convergence se place sur les terrains économique, juridique, universitaire... C'est un match qui se joue à deux.
Monsieur Leconte, nous avons besoin d'un plan de relance européen pour éviter la fragmentation du marché intérieur. Les États ont un taux de chômage, un endettement, un PIB très hétérogènes. L'assouplissement des aides d'État risque d'aggraver cette fragmentation.
La Turquie, la Libye, le Sahel, la situation en Israël ont-ils été oubliés ? Nous avons toutes les semaines, en conseil des ministres, des échanges sur ce qui se passe en dehors de nos frontières. Nous avons également travaillé au sein du Conseil de sécurité de l'ONU sur ces différentes crises auxquelles se surajoute la crise sanitaire. Sur la Libye, le groupe dit 5+5 a fait une déclaration très forte voici quelques jours en faveur de la reprise des efforts diplomatiques, notamment sur la question des eaux territoriales. Jean-Yves Le Drian a récemment échangé avec les Égyptiens sur le sujet. En Israël, nous suivons avec beaucoup d'inquiétude un processus d'annexion qui serait une violation très grave du droit international. Nous sommes très clairs sur ce point.
La diplomatie française est totalement mobilisée sur ces crises, même si cette mobilisation n'est pas visible du grand public. J'ajoute qu'au-delà du multilatéralisme, nous employons aussi la fermeté, comme l'a montré la récente neutralisation du leader d'Al-Qaida au Maghreb islamique.
Monsieur Gattolin, il reste beaucoup de paramétrages à effectuer dans l'accord mais nous avons des lignes rouges : les subventions, des investissements massifs, un budget qui doit être à la hauteur du plan de relance. Comme vous l'avez dit, le combat pour les ressources propres est fondamental si nous voulons éviter un financement de ce plan par le rehaussement des contributions nationales.
Bruno Le Maire a déjà annoncé plusieurs fois que nous demanderions la suspension du pacte de stabilité en 2021. Nous l'avons vu en 2009 : un rétablissement trop précoce vient à contretemps. Par cohérence, si nous voulons une relance cohérente et européenne, il faut que ce qui a prévalu en 2020 prévale aussi en 2021.
Pour convaincre les États frugaux, il faut quitter le plan dogmatique, théorique et moral. C'est ce que je m'apprête à faire ce soir en Autriche et lundi aux Pays-Bas. Leurs syndicats et entreprises sont favorables à ce plan de relance, pour des raisons pragmatiques : ils ont des clients et des fournisseurs dans les autres pays. L'Autriche ne va pas bien si l'Italie ne va pas bien. Dans les conditions actuelles, un système de prêts reviendrait à demander aux pays endettés de trouver par eux-mêmes les moyens d'une relance qui ne peut fonctionner à l'échelle nationale. Notre marché intérieur, c'est un espace économique de 400 millions d'habitants. Soit nous prenons conscience de cette réalité pour en faire une force, soit l'interdépendance devient une fragilité.
L'évaluation de ce que représentera la contribution de la France entre 2021 et 2027 est très complexe, avec de très nombreux paramètres : inflation, flexibilités internes au budget européen, réponses administratives, ressource TVA, frais de collecte de douane, année de mise en oeuvre du mécanisme d'inclusion carbone, etc. Nous avons établi des scénarios en fonction de chaque paramètre. Cependant, je tiens à dire que la logique du juste retour et de la comptabilité à l'euro près n'est pas conforme à ce qu'est l'Europe. Je tiens à vous rassurer sur la PAC. Nous avons beaucoup travaillé à la défendre, avec votre soutien et votre engagement constants. Moi-même et l'ensemble du Gouvernement y sommes très attachés : c'est un pilier de notre souveraineté et de notre crédibilité. Aucun pays au monde ne peut imaginer être une puissance s'il importe sa nourriture.
Je tiens également à souligner que l'enveloppe totale de la PAC est en augmentation de 4 % en euros courants par rapport à 2014 : + 3 % sur les paiements directs, et + 6 % sur le Feader. Pour la France, l'augmentation est de 5 %. L'enjeu est de maintenir ce niveau, avec une vigilance particulière sur le premier pilier. Plus largement, une réflexion est nécessaire sur l'efficacité de ces aides, pour que les agriculteurs les perçoivent comme un soutien à l'investissement et à la transition. C'est pourquoi une réforme des instruments de la PAC est en cours de préparation.
Je vous remercie. Vous savez combien le Sénat est attentif à l'évolution de la PAC, et sur ce sujet nous n'avons pas la même calculatrice... Nous sommes particulièrement préoccupés par les fuites organisées à dessein par les autorités européennes sur le Green Deal, notamment en matière d'utilisation de produits phytosanitaires. Il est évident que nous devons nous engager davantage dans le verdissement, mais il convient aussi que les 27 États membres se mettent d'accord sur la définition du verdissement, et que l'on tienne compte des progrès déjà réalisés par la France en la matière. Les compteurs doivent être remis à zéro, parce qu'au fil du temps ont émergé des distorsions de concurrence aujourd'hui inacceptables.
C'est exactement la position qu'a portée Didier Guillaume la semaine dernière au Conseil agriculture et pêche. Je tiens au mot « commune » dans « politique agricole commune ». Elle doit être un champ de cohérence et non de distorsion. Les ambitions du verdissement doivent être évaluées à l'échelle européenne, en prenant en compte le point de départ de chacun pour ne pas imposer d'efforts supplémentaires à ceux qui ont déjà beaucoup fait. Il convient également de privilégier certaines modalités de production et appliquer cette préférence aux biens que nous importons. La position française me semble cohérente avec vos exigences. La transition ne doit pas être synonyme de distorsion et de concurrence intérieure.
Nous sommes en phase, madame la ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 55.