Intervention de Amélie de Montchalin

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2020 à 9h00
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen du 19 juin 2020 - Audition de Mme Amélie de Montchalin secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État :

Il y a un consensus croissant sur l'importance de développer nos outils face à la désinformation. C'est d'autant plus important qu'il y a des impacts sur la santé publique. La France soutient pleinement ces efforts : le Président de la République a proposé la création d'une agence européenne de la démocratie pour nous préserver des ingérences extérieures dans les processus politiques ou les périodes de crise. Le Parlement européen est mobilisé sur la circulation de contenus dangereux sur les réseaux sociaux, notamment les contenus terroristes. Dans une époque de réseaux sociaux parfois envahissants, veillons à ne pas mettre en danger la vie des citoyens.

L'ambassadeur chinois a été convoqué plusieurs fois par Jean-Yves Le Drian pour des clarifications. Nous sommes très vigilants sur ce sujet.

Que signifie se préparer à l'échec des pourparlers avec les Britanniques ? Il y a deux semaines, je vous demandais une habilitation pour traiter tous les sujets non couverts par l'accord de retrait entre l'UE et le Royaume-Uni, qui serait le seul accord liant les deux entités en cas d'absence d'accord commercial. Nous avons évoqué ensemble la circulation des personnes et des marchandises, les droits des citoyens, la protection des assurés et des épargnants. Un accord commercial sans tarif ni quotas, qui est l'objectif des Britanniques, ce n'est pas une situation sans contrôles. La nature et l'intensité des contrôles dépendent de l'accord commercial. Mais il faut faire comprendre aux entreprises que, même en cas d'accord, la situation sera différente, notamment les procédures de contrôle aux frontières - car la sortie de marchandises du marché intérieur implique le rétablissement de contrôles.

Michel Barnier l'a répété, et la France le soutient pleinement sur ce point : sur le protocole nord-irlandais, nous ne pouvons pas imaginer de nouveaux accords si les précédents ne sont pas pleinement appliqués. La Commission européenne devra être en mesure d'observer sur le terrain que les engagements pris sont tenus.

Même vigilance sur les droits des citoyens européens au Royaume-Uni, et bien sûr sur ceux des expatriés britanniques dans l'UE. Les engagements pris relèvent du droit international. La confiance se gagne avec des actes concrets.

La date de l'élargissement dépend des pays engagés dans le processus. Dans la nouvelle méthodologie des négociations d'adhésion, un pays qui engage les réformes rapidement a plus vite accès aux bénéfices des politiques européennes. Avec 13 milliards d'euros consacrés à l'instrument de préadhésion dans le budget européen, nous avons des moyens importants. D'autres outils budgétaires peuvent être mobilisés en faveur de ces pays : nous l'avons fait au cours de la crise sanitaire. La date de l'élargissement dépend donc du rythme des réformes sur le terrain et de l'engagement concret des pays concernés. La convergence se place sur les terrains économique, juridique, universitaire... C'est un match qui se joue à deux.

Monsieur Leconte, nous avons besoin d'un plan de relance européen pour éviter la fragmentation du marché intérieur. Les États ont un taux de chômage, un endettement, un PIB très hétérogènes. L'assouplissement des aides d'État risque d'aggraver cette fragmentation.

La Turquie, la Libye, le Sahel, la situation en Israël ont-ils été oubliés ? Nous avons toutes les semaines, en conseil des ministres, des échanges sur ce qui se passe en dehors de nos frontières. Nous avons également travaillé au sein du Conseil de sécurité de l'ONU sur ces différentes crises auxquelles se surajoute la crise sanitaire. Sur la Libye, le groupe dit 5+5 a fait une déclaration très forte voici quelques jours en faveur de la reprise des efforts diplomatiques, notamment sur la question des eaux territoriales. Jean-Yves Le Drian a récemment échangé avec les Égyptiens sur le sujet. En Israël, nous suivons avec beaucoup d'inquiétude un processus d'annexion qui serait une violation très grave du droit international. Nous sommes très clairs sur ce point.

La diplomatie française est totalement mobilisée sur ces crises, même si cette mobilisation n'est pas visible du grand public. J'ajoute qu'au-delà du multilatéralisme, nous employons aussi la fermeté, comme l'a montré la récente neutralisation du leader d'Al-Qaida au Maghreb islamique.

Monsieur Gattolin, il reste beaucoup de paramétrages à effectuer dans l'accord mais nous avons des lignes rouges : les subventions, des investissements massifs, un budget qui doit être à la hauteur du plan de relance. Comme vous l'avez dit, le combat pour les ressources propres est fondamental si nous voulons éviter un financement de ce plan par le rehaussement des contributions nationales.

Bruno Le Maire a déjà annoncé plusieurs fois que nous demanderions la suspension du pacte de stabilité en 2021. Nous l'avons vu en 2009 : un rétablissement trop précoce vient à contretemps. Par cohérence, si nous voulons une relance cohérente et européenne, il faut que ce qui a prévalu en 2020 prévale aussi en 2021.

Pour convaincre les États frugaux, il faut quitter le plan dogmatique, théorique et moral. C'est ce que je m'apprête à faire ce soir en Autriche et lundi aux Pays-Bas. Leurs syndicats et entreprises sont favorables à ce plan de relance, pour des raisons pragmatiques : ils ont des clients et des fournisseurs dans les autres pays. L'Autriche ne va pas bien si l'Italie ne va pas bien. Dans les conditions actuelles, un système de prêts reviendrait à demander aux pays endettés de trouver par eux-mêmes les moyens d'une relance qui ne peut fonctionner à l'échelle nationale. Notre marché intérieur, c'est un espace économique de 400 millions d'habitants. Soit nous prenons conscience de cette réalité pour en faire une force, soit l'interdépendance devient une fragilité.

L'évaluation de ce que représentera la contribution de la France entre 2021 et 2027 est très complexe, avec de très nombreux paramètres : inflation, flexibilités internes au budget européen, réponses administratives, ressource TVA, frais de collecte de douane, année de mise en oeuvre du mécanisme d'inclusion carbone, etc. Nous avons établi des scénarios en fonction de chaque paramètre. Cependant, je tiens à dire que la logique du juste retour et de la comptabilité à l'euro près n'est pas conforme à ce qu'est l'Europe. Je tiens à vous rassurer sur la PAC. Nous avons beaucoup travaillé à la défendre, avec votre soutien et votre engagement constants. Moi-même et l'ensemble du Gouvernement y sommes très attachés : c'est un pilier de notre souveraineté et de notre crédibilité. Aucun pays au monde ne peut imaginer être une puissance s'il importe sa nourriture.

Je tiens également à souligner que l'enveloppe totale de la PAC est en augmentation de 4 % en euros courants par rapport à 2014 : + 3 % sur les paiements directs, et + 6 % sur le Feader. Pour la France, l'augmentation est de 5 %. L'enjeu est de maintenir ce niveau, avec une vigilance particulière sur le premier pilier. Plus largement, une réflexion est nécessaire sur l'efficacité de ces aides, pour que les agriculteurs les perçoivent comme un soutien à l'investissement et à la transition. C'est pourquoi une réforme des instruments de la PAC est en cours de préparation.

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