Intervention de Agnès Constant

Réunion du 24 juin 2020 à 15h00
Assurance récolte — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Agnès ConstantAgnès Constant :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, l’agriculture française est confrontée à une succession d’événements climatiques qui ont gravement impacté toutes les régions et toutes les productions.

Au cours de ces quatre dernières années, les agriculteurs ont dû faire face à des événements d’ampleur – citons les excès d’eau en 2016, le gel en 2017, la grêle en 2018, la sécheresse en 2019.

Cette année, nous battons à nouveau des records de température moyenne. Et, si la recharge hivernale a été bonne, il n’empêche que la sécheresse menace à nouveau plusieurs régions de France. La crise sanitaire et économique que nous vivons est une nouvelle illustration des aléas que doivent affronter les agriculteurs. Ces aléas ont des conséquences sur les volumes de production, et donc sur les cours, qui sont de plus en plus volatils.

Face à cette situation, les mécanismes d’assurance récolte semblent en théorie une protection efficiente pour nos agriculteurs.

L’assurance récolte constitue en effet un outil de gestion des risques reconnu sur le plan international pour son efficacité. L’évaluation du programme national de gestion des risques et d’assistance technique, commandée par le ministère de l’agriculture en 2019, permet d’affirmer que l’assurance récolte est aujourd’hui tarifée de manière justifiée.

Pourtant, malgré les efforts entrepris par les différentes parties prenantes, cette assurance ne s’est pas suffisamment développée en France.

Aujourd’hui, seules 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisque climatique. Les prairies ne sont pas assurées ; l’arboriculture ne l’est quasiment pas. En outre, les indemnités versées par le régime des calamités agricoles, conçu comme un dispositif de solidarité nationale, ne permettent pas toujours aux agriculteurs de relancer un cycle de production dans des conditions satisfaisantes.

Je me félicite donc de ce que la Haute Assemblée se saisisse aujourd’hui de ce sujet si essentiel pour notre agriculture.

Cela a été dit : le problème face auquel nous nous trouvons est un problème d’attractivité de l’assurance. Personnellement, je ne crois pas à l’assurance récolte obligatoire. Il faut trouver une solution qui mêle des aides publiques et de l’assurance privée. Ce système assurantiel doit être généralisé, mutualisé, le plus large possible, et incitatif d’un point de vue financier.

Pour atteindre cet objectif, nous devons nous reposer sur le triptyque suivant : simplification, adaptation, modernisation.

Alors que les agriculteurs n’ont pas toujours les moyens de s’assurer, nous devons prévoir des mécanismes de financement innovants, en ayant notamment davantage recours aux fonds européens. Les propositions contenues dans le présent texte vont dans cette direction.

Il faut également renforcer l’attrait des assurances récolte, car tous les agriculteurs ne sont pas convaincus de leur utilité. Une meilleure évaluation des pertes et un règlement rapide de l’indemnisation seraient ainsi de nature à renforcer cet attrait. Nous pourrions également faciliter la création d’associations d’agriculteurs, afin que ces derniers disposent d’un plus grand pouvoir de négociation avec les assureurs.

Concernant la viticulture, il est urgent de revoir les bases de rendement sur lesquelles on calcule l’indemnisation de l’exploitant. La moyenne olympique sur cinq ans est particulièrement inadaptée ; ce laps de temps est en effet trop court pour que le chiffre obtenu soit représentatif de la performance de l’exploitation, du fait des aléas climatiques.

Monsieur le ministre, j’en suis convaincue, vous partagerez notre objectif commun, qui est de mieux sécuriser nos agriculteurs et de faire face au développement dramatique des risques climatiques en France en assurant la pérennité de l’assurance récolte et en augmentant les surfaces agricoles assurées.

En juillet dernier, vous avez décidé de lancer une large consultation sur les voies d’amélioration ou de refondation des outils de gestion des risques en agriculture.

Cependant, avec un ratio de plus de 100 % entre les indemnités versées aux agriculteurs et les cotisations encaissées sur la période 2005-2019, le marché de l’assurance des récoltes n’a pas atteint son équilibre technique. Celui-ci est aujourd’hui fragilisé et menacé par un risque d’antisélection et de moindre couverture des agriculteurs les plus exposés. Dans ce contexte, et afin de pérenniser et de développer ce dispositif assurantiel, le Conseil de l’agriculture française a proposé de faire évoluer le système actuel vers un modèle « à l’espagnole » qui fait, depuis plus de trente ans, la démonstration de son efficacité.

Il s’agirait ainsi de constituer un pool national de marché réunissant l’ensemble des assureurs désireux de proposer des garanties d’assurance récolte à leurs clients, y compris les assureurs qui ne disposent pas aujourd’hui des moyens suffisants pour le faire.

En bénéficiant des subventions attachées à l’assurance des récoltes, ce pool fixerait les conditions contractuelles et la prime de risque y afférente commune à tous, chaque assureur y ajoutant ses chargements propres dans une logique concurrentielle de distribution et de gestion.

L’établissement de la prime de risque bénéficierait en particulier du résultat de la mutualisation de tous les aléas de la ferme France, limitant ainsi l’effet de leur volatilité. Ce pool s’accompagnerait d’une gouvernance associant les assureurs, les réassureurs, les agriculteurs ainsi que l’État en tant que tiers de confiance.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche votera en faveur de cette proposition de résolution. Donnons à l’assurance récolte les moyens de faire de nouveaux progrès dans les mois et les années à venir, afin qu’elle soit un véritable outil de soutien d’un secteur stratégique pour notre pays.

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