Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’initiative de nos collègues du RDSE, qui se sont emparés du sujet du développement de l’assurance récolte en agriculture.
Depuis près d’une dizaine d’années, l’agriculture française est confrontée à des successions d’événements climatiques qui ont gravement impacté les productions, sans parler de la volatilité croissante des prix des matières premières agricoles.
Au cours des quatre dernières années, les agriculteurs ont dû faire face à des événements de grande ampleur. La fréquence de ces événements climatiques extrêmes doit donc nous interpeller, tout comme leur ampleur. Entre 2016 et 2019, le montant des dégâts a avoisiné 2 milliards d’euros.
Face à l’accroissement des aléas climatiques, il est nécessaire de prévenir les dommages, de réduire leurs impacts et de compenser les préjudices subis.
Il existe notamment un fonds public d’indemnisation : le régime des calamités agricoles, outil historique et politique du ministère de l’agriculture. En complément de ce dispositif, l’assurance privée se développe, mais peine à convaincre. Un tiers seulement des surfaces agricoles sont actuellement couvertes par un contrat d’assurance.
Ce débat nous invite à réfléchir à cette situation qui ne saurait se prolonger. Nos collègues du RDSE proposent d’encourager et de développer le régime de l’assurance récolte. Nous partageons pleinement les objectifs des auteurs de la proposition de résolution. La France ne peut se résoudre à laisser son agriculture ainsi exposée. L’assurance récolte constitue un outil de gestion des risques reconnu et efficace.
Cependant, avec un ratio de plus de 100 % entre les indemnités versées aux agriculteurs et les cotisations encaissées sur la période 2005-2019, le marché de l’assurance récolte n’a pas atteint son équilibre technique et financier. Il est aujourd’hui fragilisé et il existe un risque de moindre couverture des agriculteurs les plus exposés.
Par ailleurs, force est de constater que le système actuel n’est pas équilibré et ne s’appuie pas suffisamment sur la mutualisation nécessaire des risques et des sinistres.
En effet, le taux de couverture de la surface agricole utile par l’assurance récolte était proche de 30 % en 2018. La diffusion est plus importante dans les grandes cultures et dans la viticulture. En revanche, les taux sont presque nuls dans les autres filières comme l’arboriculture, pourtant particulièrement exposée, ou les prairies, pour lesquelles l’offre semble inadaptée.
Cette disparité est due au coût trop élevé pour nombre d’agriculteurs, notamment pour certaines productions. Il nous paraît donc important et nécessaire d’améliorer le dispositif d’assurance récolte afin de le rendre plus efficient et plus attractif. À défaut, il conviendrait de le rendre obligatoire.
Pour ce faire, il convient d’en repenser l’architecture, les paramètres techniques, les seuils de déclenchement, les taux de subvention et les dispositifs de financement. Nous ne pourrons y parvenir sans simplifier le dispositif assurantiel. Les trois niveaux de garantie disposant de taux de subvention variables sont sans doute trop complexes.
Il serait judicieux d’instaurer, d’une part, un seuil unique et un même taux de franchise et, d’autre part, un seul niveau de garantie subventionnable identique pour tous les groupes de cultures, en s’appuyant sur une mutualisation inter-cultures inter-régionale et inter-risques. Ce dernier point est fondamental.
Concernant la limite du prix subventionnable, il faut aussi entamer une démarche de simplification tant pour l’assuré que pour les assureurs. Il conviendrait certainement d’opter pour un prix maximum subventionnable fixé par barème qui correspondrait au prix de vente moyen.
Enfin, concernant l’indemnisation concrète des agriculteurs, l’Europe s’est largement impliquée à travers le règlement Omnibus. Il permet d’augmenter le taux de financement de l’assurance récolte à 70 % au lieu de 65 % et de baisser le seuil de déclenchement de 30 % à 20 % de perte de rendement. La France doit intégrer ces nouvelles possibilités.
Nous souhaitons vivement que les débats engagés sur la réforme de la PAC puissent être l’occasion d’intégrer avec plus d’ambition la gestion des risques en agriculture.
Les arbitrages budgétaires sont indispensables, mais complexes. Il faut le dire : des choix seront à faire, sans doute plus stratégiques pour garantir notre souveraineté alimentaire que certaines annonces faites il y a quelques jours par la Commission européenne en matière agricole, annonces déconnectées des réalités actuelles et d’ailleurs à contre-courant des orientations retenues par les autres grandes puissances mondiales.
Nous comptons sur notre ministre de l’agriculture pour proposer les améliorations nécessaires afin de mieux appréhender la gestion des risques en agriculture. Je sais qu’il y travaille. La gestion des risques ne se résume pas uniquement à l’assurance récolte.
Bien évidemment, la gestion du risque repose sur la combinaison de dispositifs complémentaires, notamment assurantiels, mais aussi sur l’épargne de précaution que vous avez mise en place, sur la déduction pour aléas (DPA), sans ignorer le volet recherche agronomique et variétale, ainsi que la gestion de l’eau. Vous l’aurez compris, nous voterons cette proposition de résolution.