Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 24 juin 2020 à 15h00
Assurance récolte — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’ici à 2040, dans vingt ans, les sinistres agricoles liés aux aléas climatiques auront doublé.

Comme vous le savez, 70 % des surfaces de grandes cultures et de vignes ne sont aujourd’hui pas couvertes contre l’ensemble des aléas climatiques. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait vrai, puisque 30 % de ces surfaces sont assurées contre le seul risque de grêle. Les superficies de prairies et de maraîchage, dans leur quasi-totalité, ne sont pas couvertes par un contrat multi-périls, et sur celles-ci le FNGRA est considéré comme obsolète. Cela entraîne un double risque, pour nos exploitants agricoles et pour le monde de l’assurance.

Face à l’urgence de la situation, il apparaît plus que jamais important de mettre en place pour nos agriculteurs, à l’instar de ce qui existe aux États-Unis, une couverture généralisée des risques climatiques dont l’objectif serait de permettre à chaque exploitation de survivre en cas d’événement extrême.

En 2009 a été créé un contrat aléas climatiques, géré par les assureurs pour les cultures céréalières et viticoles. Ce contrat couvre l’ensemble des risques liés à la grêle, aux sécheresses, tempêtes et inondations. Les cotisations sont subventionnées à hauteur de 65 % par la PAC, sur le deuxième pilier. En cas de sinistre, une franchise de 30 % reste à la charge de l’agriculteur, franchise jugée trop élevée par l’ensemble de la profession.

En parallèle, le FNGRA continue d’indemniser ces aléas pour les prairies, l’arboriculture, le maraîchage et autres productions. La cotisation de 5, 5 % prélevée sur l’ensemble des contrats agricoles est restée inchangée, bien que les risques assurables soient dorénavant exclus de toute indemnisation.

Comme nous le disions précédemment, les contrats d’assurance multirisque climatique demeurent peu souscrits. Aujourd’hui, seul un tiers des surfaces agricoles est assuré. Il faut rappeler que cette proportion était plus importante avant 2016, année lors de laquelle les subventions ont été versées avec plus d’un an de retard. Ce retard se cumulant avec une baisse des cours et une mauvaise récolte, les agriculteurs ont alors choisi de résilier leur contrat aléas climatiques, exception faite de ceux qui étaient installés dans des zones où le risque est élevé. Bilan pour les assureurs : les cotisations ont diminué, mais les risques sont restés constants, et nous observons aujourd’hui une forte dégradation de la rentabilité des contrats dans ce domaine.

Chez les assureurs, la rentabilité est calculée selon un rapport sinistre sur prime. Alors qu’il devrait être, comme le préconise la directive Solvabilité 2, inférieur à 65 %, nous constatons qu’en 2019 ce rapport s’établissait à 120 % chez Groupama et à 150 % chez Pacifica. Pour les autres compagnies – AXA, MMA, Suisse Grêle ou Allianz –, il est situé entre 70 % et 85 %.

Cette différence s’explique par une sélection des risques moins draconienne chez les mutualistes, et par des expertises moins rigoureuses. Les assureurs mutualistes avouent qu’il existe une fraude de l’ordre de 20 % du fait de ces conditions d’expertise.

C’est pourquoi la poursuite du système actuel de gestion des risques n’est plus envisageable en l’état. Il entraîne un phénomène d’antisélection de la part des agriculteurs et un désengagement de certaines compagnies d’assurance sur ce marché. Une rupture est nécessaire pour que la dynamique de couverture se mette en place rapidement.

La profession des assureurs travaille sur un projet de mise en place d’une couverture récolte universelle (CRU). Dans ce dispositif, les risques extrêmes seraient couverts pour toutes les productions, avec une franchise de 50 % et des cotisations entièrement subventionnées. En option, la franchise de 50 % pourrait être réduite jusqu’à 10 %, mais les cotisations seraient à la charge de l’agriculteur, qui pourra faire jouer la concurrence entre les assureurs et définir ainsi son modèle de garantie. Cette attractivité tarifaire en phase de démarrage nous semble indispensable pour aboutir à une généralisation rapide.

Il reste un point important à régler : l’estimation du montant des subventions pour la ferme France est aujourd’hui de l’ordre de 780 millions à 950 millions d’euros par an.

Pour rappel, la subvention de la PAC sur les contrats aléas climatiques est de 120 millions d’euros par an, et le FNGRA de 120 millions par an. Nous arrivons à un total de 240 millions d’euros ; il reste 600 millions d’euros à trouver !

L’avantage de la CRU sera également d’offrir un interlocuteur unique à l’agriculteur, tant pour les cotisations que pour les sinistres. Cela évitera les confusions et les situations dramatiques que nous observons chaque année, certains agriculteurs pensant à tort que le FNGRA pourra intervenir, ce qui n’est en réalité jamais le cas sur les risques assurables.

Il est aussi primordial que l’ensemble des acteurs de l’assurance interviennent sur ce sujet. La concurrence est en effet une chose saine, et force l’intelligence à trouver des moyens de gestion et d’indemnisation qui soient justes pour chaque partie. Cela tendra à diminuer le recours à la subvention d’équilibre qui sera imposée aux contribuables français ou européens, dans le cas où l’assureur est unique.

Je crois beaucoup en cette CRU actuellement à l’étude. Je valide également les points de la proposition de résolution qui visent à mieux évaluer les pertes de rendement en allongeant la moyenne olympique sur une durée de dix ou quinze ans, sans nécessairement la supprimer à terme ; à favoriser le règlement rapide de l’indemnisation, qui relèvera uniquement de l’assurance récolte ; à sécuriser l’enveloppe budgétaire dédiée à la subvention des primes d’assurance ; à faire respecter le calendrier de versement des aides publiques ; à développer une politique ambitieuse de prévention pour inciter les agriculteurs à recourir davantage à l’irrigation, …

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