… notamment, pour ne citer que deux exemples, sur le Vidourle, dans le Gard, et sur l’Ouvèze ardéchoise.
Toutefois, ces dispositifs ne sauraient suffire à eux seuls et les mécanismes de mutualisation des risques, qui sont à la base du système assurantiel, paraissent particulièrement intéressants aux yeux de tous les participants du groupe de travail. Dès lors, le Gouvernement ne peut que partager un certain nombre de points de votre proposition de résolution.
Le mécanisme d’assurance récolte pose nécessairement la question de l’articulation avec le régime des calamités agricoles, particulièrement dans le cas où les deux outils seraient amenés à se superposer – je pense à l’arboriculture et aux prairies, évoquées par certains d’entre vous – ; c’est le premier point de votre proposition de résolution. C’est évident, le régime assurantiel n’a pas vocation à se substituer à celui des calamités, qui conserve toute sa pertinence pour les pertes de fonds, c’est-à-dire lorsqu’il y a destruction de l’outil de travail et qu’il ne s’agit pas seulement d’une année de mauvaise récolte.
En outre, dans la perspective de la mise en place d’un système assurantiel, l’enjeu est de rendre le dispositif attractif, alors que, aujourd’hui, les contrats sont trop peu souscrits. Il va sans dire qu’une simplification, dans le respect du principe de sécurité juridique, serait nécessaire ; votre proposition de résolution invite, dans un second point, le Gouvernement à procéder à cette simplification. S’ajoute à cela la prise en compte de la diversité des productions, dont a parlé le sénateur Bonhomme.
Cela dit, d’autres points de votre proposition de résolution suscitent, à ce stade, des interrogations de la part du Gouvernement.
Je dirai tout d’abord un mot de la période de référence prise en compte pour l’appréciation du potentiel de production. Vous n’ignorez pas que, dans le cadre des négociations de la prochaine PAC, la France porte l’ambition d’un allongement à huit ans de la période de référence pour le calcul des rendements assurés. Il s’agit du premier point de divergence entre nous, puisque vous proposez une période de dix ou quinze ans. Le Gouvernement n’y est pas favorable : une période de référence trop longue conduirait à une déconnexion des réalités de terrain. Le potentiel de production historique doit être apprécié en cohérence avec la réalité de l’impact durable des changements climatiques. Si tel n’était pas le cas, le risque des pertes de production serait logiquement plus important donc, mécaniquement, les cotisations à verser le seraient aussi.
De la même manière, nous devons débattre du seuil des pertes déclenchant le dispositif : 30 % des récoltes, comme c’est le cas aujourd’hui, ou 20 %, comme le prévoit le règlement Omnibus, évoqué par le sénateur Menonville ?
En outre, le Gouvernement souhaite dissiper un certain nombre de malentendus au sujet du versement des aides à l’assurance récolte, financées dans le cadre de la PAC. Cela a été évoqué par le sénateur Segouin, ces versements sont revenus à la normale depuis 2018, car, c’est vrai, en 2016, le décalage des versements avait marqué les agriculteurs. Les paiements interviennent désormais à partir du mois de février de l’année qui suit ; très concrètement, la majorité des agriculteurs a déjà perçu l’aide à l’assurance récolte pour la campagne de 2019.
Enfin, nous avons un point de divergence sur les taux de subvention : 65 % pour un contrat simple et 45 % pour un contrat de niveau complémentaire. Porter le niveau de subvention à 70 % du contrat et abaisser le seuil de déclenchement de 30 % à 20 % du potentiel de recueil conduiraient à un surcoût d’environ 450 millions d’euros par an, financé à due concurrence par la diminution d’autres actions incluses dans les différents piliers de la PAC, en particulier le deuxième.
Or, on l’a dit, ce pilier finance également des mesures de transformation et d’évolution. Cela n’est pas raisonnable, en tout cas à ce stade, dans la mesure où les actions pour 2020 et 2021 – années de transition de la PAC – sont déjà prévues, voire engagées. Cette question a été soulevée en particulier par les sénateurs Constant et Gay.
Monsieur le sénateur Cabanel, vous nous invitiez à faire des choix ; effectivement, il faudra en faire entre les différents piliers. L’heure des choix viendra au moment de la décision sur la PAC.
Pour terminer, je veux insister sur l’absolue nécessité de mettre en avant la prévention pour faire face aux aléas climatiques. Je constate que ce point de vue n’est qu’en partie abordé par votre proposition de résolution, à la fin. Le Gouvernement souhaite qu’un exploitant agricole soit davantage aidé s’il investit dans un système de prévention et d’évolution de son exploitation. Ce sujet a été évoqué, en d’autres termes, si j’ai bien compris, par le sénateur Cabanel.
Dans le cas de l’arboriculture, par exemple, il convient d’encourager l’équipement en filets paragrêles ; l’agriculteur ayant investi dans la prévention doit pouvoir percevoir davantage d’aides, lorsqu’il est indemnisé à la suite d’un sinistre, que celui qui n’a pas investi dans un tel système. Cela fait partie des pistes de travail, de même que la nécessité d’améliorer la formation de nos agriculteurs en la matière.
Le Gouvernement partage donc votre constat et votre ambition : l’instauration d’un système plus simple, plus efficace et plus attractif d’assurance récolte, mais, outre le problème de calendrier que nous rencontrons, au regard de la PAC et des consultations en cours, certains points de votre proposition de résolution posent encore question – la période de référence, le seuil de déclenchement de l’assurance et le niveau de subventions, je n’y reviens pas.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse connue du Sénat pour l’adoption de cette proposition de résolution. Il croit fermement à notre capacité collective à trouver des solutions pérennes pour accompagner les agriculteurs, donc notre société, face au changement climatique. Cette proposition de résolution nous permet de prendre date, de distinguer ce qui constitue d’ores et déjà les points de convergence – par exemple, l’encouragement à la couverture des risques – et les points sur lesquels nous devrons encore débattre et travailler, à l’issue des conclusions qui seront rendues au mois de juillet prochain. C’est l’enjeu du travail que nous aurons à mener, avec vous en particulier, puisque vous avez été très en pointe sur ces sujets.
Encourager la couverture des risques doit s’accompagner de mesures de prévention, de protection et d’encouragement à faire évoluer les modèles de production. Un tel changement doit aussi se faire avec l’idée que l’agriculture française devra compter avec d’autres formes d’aléas ; il n’y a pas que les aléas climatiques, il y a également des aléas de marché, des cours mondiaux, et tout cela est très lié. Nous débattrons de cela quand nous aborderons la question assurantielle dans le cadre du débat sur la PAC, le sénateur Louault l’a indiqué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Collin, je vous remercie du débat que cette proposition de résolution a permis de tenir. Certaines étapes sont devant nous ; j’ai dressé quelques éléments de calendrier pour que nous puissions avancer face à des aléas climatiques de plus en plus nombreux et fréquents.