Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 24 juin 2020 à 15h00
Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour la rapporteure Laurence Harribey de ses travaux et de sa présentation très claire des enjeux de cette proposition de loi dont l’objet, bien que technique, est à la fois simple et consensuel : clarifier le dispositif de l’article 706-5 du code de procédure pénale, qui encadre les différents délais de forclusion de la demande d’indemnité de toute personne ayant subi un préjudice résultant d’une infraction.

Ce texte concerne en effet spécifiquement la procédure d’indemnisation des victimes d’infractions. Deux instances en sont les garantes : les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions, les CIVI, et le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI.

Pour mémoire, une CIVI est une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal judiciaire, devant laquelle les victimes d’infractions, ainsi que leurs ayants droit, peuvent réclamer une indemnisation. Elle a le caractère d’une juridiction civile, qui se prononce en premier ressort et de manière autonome.

Le recours devant la CIVI n’est pas subsidiaire ; il peut être exercé par les victimes avant que des poursuites pénales ne soient engagées, ou après, si ces poursuites ne lui ont pas permis d’obtenir réparation.

Il faut rappeler que cette procédure se déroule en parallèle des procédures judiciaires contre les auteurs des faits devant le juge pénal. La phase judiciaire devant la CIVI permet ainsi de reconnaître à la victime la place dont elle ne bénéficie pas toujours lors du procès pénal. Par ailleurs, lorsque ce procès n’a pas lieu, le passage devant la CIVI est la seule occasion pour elle de pouvoir être écoutée.

Après avoir été saisie par la victime, la CIVI transmet ensuite la demande au FGTI, qui propose un montant indemnitaire dans un délai de deux mois, au titre de la solidarité nationale, moyennant un recours ultérieur du fonds contre l’auteur des faits.

La CIVI, en tant que juridiction, peut soit homologuer l’accord, si la victime accepte l’offre du FGTI, soit fixer un montant d’indemnité si elle rejette l’offre. Selon la nature des atteintes portées à la victime, la réparation est intégrale ou plafonnée.

En outre, le délai dans lequel la CIVI peut être saisie d’une demande indemnitaire a évolué depuis la réforme de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Aux termes de l’article 706-5 du code de procédure pénale, à peine de forclusion, la demande d’indemnité doit être présentée dans un délai de trois ans à compter de la date de l’infraction. Toutefois, lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé. Il n’expire qu’un an après la décision de la juridiction pénale ayant statué définitivement sur l’action publique ou sur l’action civile.

L’article 706-15 oblige, quant à lui, la juridiction pénale qui a accordé des dommages et intérêts à aviser la victime de son droit de présenter une demande d’indemnité à la CIVI dans le délai d’un an.

Dans ce dernier cas – le versement de dommages et intérêts –, l’article 706-5 précité dispose que le délai d’un an court à compter de l’avis donné par la juridiction. A contrario, ce délai pour saisir la CIVI est supprimé en l’absence d’avis donné par la juridiction.

L’intention du législateur était bien sûr d’accorder à la victime des garanties supplémentaires par rapport à celle qui n’a pu, au terme d’une décision statuant définitivement sur l’action publique ou l’action civile, obtenir d’indemnisation.

Il ressort également des travaux préparatoires à l’adoption de la réforme du 15 juin 2000 que le délai d’un an court à partir de l’avis donné par la juridiction ayant statué définitivement.

Dans un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2013, les juges ont considéré que l’absence de caractère définitif de la décision de la juridiction pénale était sans incidence sur le point de départ du délai de saisine de la CIVI et que seule comptait la date de communication de l’avis d’information.

En conséquence, selon cette interprétation, pour les victimes s’étant vu allouer des dommages et intérêts par une juridiction, le délai d’un an ne court pas à compter de la décision ayant statué définitivement, comme pour les autres cas prévus à l’article 706-5, mais à compter de l’avis donné par la première juridiction qui alloue des dommages et intérêts, même si la décision de cette juridiction n’est pas définitive. Cela aboutit, de facto, à réduire le délai de forclusion.

Cette interprétation, non contestable juridiquement, revenait donc à altérer les droits des victimes, contrairement à la volonté du législateur exprimée en 2000, qui était de prévoir, lorsqu’un jugement pénal est intervenu, que le délai pour saisir la CIVI est d’un an à compter de la décision définitive de la juridiction pénale.

En application de cette jurisprudence, les parties civiles doivent donc saisir la CIVI sans attendre l’expiration des voies de recours contre la décision leur allouant des dommages et intérêts.

Or, comme cela a été souligné, certaines victimes pourraient légitimement préférer attendre une décision définitive du juge qui ne puisse plus être contestée et tenter ensuite de recouvrer les dommages et intérêts contre l’auteur des faits, avant de faire appel à la solidarité nationale afin d’obtenir une indemnisation.

L’application du texte étant rendue complexe par l’interprétation jurisprudentielle, la création de deux cas distincts instaurant de surcroît une inégalité entre les victimes, cette proposition de loi nous apporte les clarifications nécessaires.

La nouvelle rédaction de l’article 706-5 du code de procédure pénale crée ainsi un délai unique d’un an après la décision définitive de la juridiction pénale pour présenter la demande d’indemnité.

Elle maintient en outre l’obligation incombant à la juridiction d’informer les victimes ayant reçu des dommages et intérêts de leur possibilité de saisir la CIVI.

Enfin, elle crée un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n’a pas été donnée.

Ainsi adoptées, ces dispositions permettront sans conteste d’améliorer la situation des victimes d’infractions. Notre groupe soutiendra donc pleinement cette proposition de loi et renouvelle ses félicitations à la rapporteure.

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