Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’histoire déjà trop longue du conflit israélo-palestinien, le 1er juillet 2020 fera date comme point de départ d’une nouvelle étape. C’est en effet à partir de ce jour que le gouvernement israélien devra se prononcer sur la mise en œuvre du plan de paix de l’administration Trump relatif au Proche-Orient.
Ce plan, présenté en janvier dernier comme le « deal du siècle », ne propose rien de moins que l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain et des colonies juives de Cisjordanie, soit environ le tiers de la superficie de cette dernière, en échange de la reconnaissance d’un État palestinien à la souveraineté diminuée, sans armée ni contrôle sur ses frontières, et sans Jérusalem.
Ce plan, bien évidemment fait sien par le Premier ministre israélien et rejeté par les Palestiniens, marque tout d’abord une rupture.
Une rupture avec le consensus international, car il jette aux orties les accords d’Oslo de 1993, qui devaient aboutir à la création mutuellement acceptée de deux États souverains, avec des frontières stables et Jérusalem pour capitale partagée.
Une rupture, aussi, car c’est la première fois qu’un plan de résolution prend pour point de départ une situation de fait, celle de la colonisation, et non la situation depuis longtemps artificielle que reconnaît le droit international.
Une initiative unilatérale d’Israël vers l’annexion serait considérée comme une violation du droit international ; elle créerait, de surcroît, un risque de chaos dans la région, ce qui aurait des conséquences terribles pour la population, le risque de flambée de la violence au Proche-Orient étant au plus haut.
Telle est la position de la France et de la plupart de ses partenaires occidentaux. Cependant, cette seule position ne nous permet pas d’influer sur la situation, car nous en sommes réduits aux protestations de principe qui sont, avouons-le, sans grande portée.
Conscients des enjeux, les États européens tentent en effet de faire valoir la prévalence du droit international.
Alors que l’Union européenne, premier partenaire économique d’Israël, pourrait être en position de force, notre désunion nous rend inaudibles. La politique étrangère de l’Union se décidant à l’unanimité des États membres, il lui faut trouver des compromis, d’autant plus délicats que l’héritage de la Shoah s’ajoute aux enjeux stratégiques et économiques.
Cet attentisme forcé est d’autant plus dommageable que ce qui serait vécu comme une humiliation par les Arabes pourrait très bien avoir des répercussions jusque dans notre pays, notamment dans nos quartiers les plus sensibles. Au-delà même de l’Union européenne, la pression internationale s’était déjà révélée inefficace pour lutter contre le processus de colonisation. Le soutien indéfectible de Washington au gouvernement Netanyahou, depuis quatre ans, surpasse le reste. Pour comble, il vient même accélérer le processus, l’État hébreu souhaitant agir vite dès lors que les élections américaines de novembre prochain pourraient conduire à un changement d’administration.
La perspective de l’annexion pose également de graves questions au sein même du peuple israélien. Ce serait en effet une erreur de considérer celui-ci comme un bloc monolithique, uni derrière son Premier ministre.