Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 24 juin 2020 à 21h30
Quelle réponse de la france au projet d'annexion de la vallée du jourdain par l'état d'israël — Débat organisé à la demande du groupe crce

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Certains Israéliens voient ainsi dans cette perspective une aubaine à saisir, quand d’autres la considèrent comme un cadeau empoisonné. D’autres encore jugent que le plan Trump ne va pas assez loin et que la Cisjordanie et Gaza appartiennent à Israël.

Cependant, la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19 incite d’autant plus les Israéliens à la prudence qu’ils sont conscients des troubles sécuritaires qu’occasionnerait l’annexion. Autant dire que l’idée est loin de faire consensus.

Il est donc permis de croire que la population israélienne est moins naïve que certains aimeraient le penser, car bien consciente que ce plan de paix permettra tout sauf, justement, la paix.

Comment imaginer un seul instant qu’un État palestinien non viable, à la souveraineté limitée, puisse jamais être accepté par son peuple et, si tant est qu’il le soit, puisse vivre normalement ?

Le découpage de la Cisjordanie proposé par le plan Trump ne répond à aucune logique, mais s’apparente à une succession d’enclaves sans aucune cohérence, à une conurbation désordonnée.

À l’extérieur des frontières d’Israël et de la Palestine, l’annexion entraînerait nécessairement une réaction des pays arabes voisins. Malgré leur lassitude à l’égard de ce conflit, ils ne peuvent rester sans réagir, au risque de se décrédibiliser aux yeux de leur opinion publique.

Les Émirats ont d’ailleurs récemment mis en balance la perspective de leur normalisation des relations avec l’État hébreu dans l’espoir de faire pencher la balance vers la retenue.

La Jordanie serait, pour sa part, sans doute contrainte de remettre en cause sa coopération avec Tel-Aviv, notamment concernant les lieux saints de Jérusalem. Ce pays devrait en outre se préparer à voir arriver de nouveaux flux de réfugiés en provenance de la vallée du Jourdain, ce qui mettrait gravement en danger son économie et sa cohésion déjà si fragiles. Le risque de déstabilisation de la région est donc immense.

La question de l’eau me semble également être une donnée cruciale du conflit. L’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin l’expliquait déjà en 1992 : « Si nous réglons tous les problèmes du Proche-Orient, mais pas celui du partage de l’eau, la région explosera. La paix ne sera pas possible. »

La question centrale et inquiétante de l’accès à l’eau des territoires palestiniens est pourtant posée par l’annexion de la vallée du Jourdain. Faut-il y voir la fin de l’agriculture palestinienne et donc l’apparition d’une certaine insécurité alimentaire pour ces territoires ?

La mise en œuvre de l’annexion des colonies et de la vallée du Jourdain constitue donc une manœuvre infiniment dangereuse, qui déstabilisera encore plus une région déjà soumise à de multiples tensions.

Pour satisfaire la frange la plus extrême de l’opinion israélienne, elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, au premier rang desquels le statut des Palestiniens eux-mêmes.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons garder en mémoire cette citation d’Albert Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardent sans rien faire. »

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