Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la tenue de ce débat arrive à point nommé, à l’aube d’une date qui pourrait porter le coup de grâce à deux promesses que nous avons d’ailleurs de la peine à tenir depuis soixante-dix ans de négociations internationales. Ces promesses, ce sont celles d’une paix durable au Proche-Orient et d’une issue positive au conflit israélo-palestinien, qui permettrait à Israéliens et Palestiniens de vivre côte à côte, en paix et sécurité. Cette date, c’est celle du 1er juillet, qui a été actionnée par un compte à rebours en deux temps.
Le 28 janvier a marqué le premier temps de ce compte à rebours, lorsque le Président américain Donald Trump a présenté son plan de paix pour le Proche-Orient. Ce plan américain a été préparé sans les Palestiniens. Il met en cause le droit international en s’inscrivant en contradiction avec les accords d’Oslo de 1993 et les résolutions du Conseil de sécurité.
Ce plan peut difficilement être une base pour une solution de paix viable au moins sur deux points : d’une part, il ouvre la voie à une annexion en reconnaissant sans délai la souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain et sur les colonies dans les territoires palestiniens occupés de Cisjordanie, ce qui sortirait Israël du régime de l’occupation en vigueur depuis 1967 ; d’autre part, il nie le statut de Jérusalem comme capitale des deux États, en admettant qu’il devienne la capitale indivisible d’Israël.
Le 13 mai a marqué le second temps de ce compte à rebours, avec la prestation de serment devant la Knesset du gouvernement d’union et d’urgence de Benjamin Netanyahou et de son rival électoral Benny Gantz.
Sur la base de l’accord de coalition, Benjamin Netanyahou a solennellement affirmé le projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie occupée à partir du 1er juillet prochain, conformément au plan de paix américain et en coordination avec Washington. Présenté comme un « exercice de souveraineté », son caractère illégal au regard du droit international ne fait pourtant aucun doute. Peu importe que cette annexion forcée soit majeure ou ne concerne que quelques bribes de la Cisjordanie, elle serait une acquisition de territoires par la force, contraire au droit international.
Dans la société israélienne, une telle annonce ne fait pas l’unanimité, car elle fait prendre un risque aux intérêts israéliens. Un sondage du 9 juin a fait ressortir que près des deux tiers des Israéliens ne la soutiennent pas, car ils ne veulent ni trouble supplémentaire ni se retrouver au ban de la scène internationale, alors qu’ils auront assez de soucis avec les conséquences économiques de la pandémie. Le chômage s’est d’ailleurs envolé pour atteindre le taux très élevé de 29 %.
Dans une tribune publiée au début du mois d’avril, des experts et anciens hauts gradés des milieux militaires israéliens ont considéré que l’annexion de la vallée du Jourdain constituerait une menace pour la sécurité nationale d’Israël. Elle remettrait en cause le traité de paix avec l’Égypte, intermédiaire incontournable dans le dialogue avec le Hamas à Gaza et, de plus, partenaire dans la lutte contre le terrorisme dans le nord du Sinaï. Le traité de paix avec la Jordanie pourrait aussi en sortir fragilisé, la stabilité du pays se trouvant clairement remise en cause en raison de sa proximité géographique et de son rôle de garant de l’accès à l’esplanade des mosquées. Enfin, selon eux, une telle annexion anéantirait tout espoir d’une coopération renforcée entre Israël et les monarchies du Golfe. La réaction récente de l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington est un premier avertissement.
Loin de nous l’idée de nier le droit souverain d’Israël à assurer sa sécurité nationale. Au contraire, c’est plutôt par souci de sa sécurité et de la stabilité de la région : cette décision risquerait de l’enfermer dans une dangereuse impasse et dans une fuite en avant qui pourraient être regrettables pour tous.
Monsieur le ministre, notre groupe soutient l’action que vous menez, sous la conduite du Président de la République, laquelle consiste à ramener toutes les parties à la table des négociations afin de préserver la solution juste à deux États viables, vivant en paix et en sécurité, au sein de frontières sûres et reconnues et ayant Jérusalem pour capitale. Nous vous soutenons dans la tâche ardue d’empêcher que le 1er juillet ne soit le point de départ d’un bouleversement historique, regrettable, pour le Proche-Orient. Nous le faisons en accord avec plus d’un millier de parlementaires européens, qui viennent de signer une pétition contre ce projet d’annexion. Il faut que nous portions un message ferme, cohérent et uni.
Ce même 1er juillet, l’Allemagne prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne, tandis que le 19 juin, vous aviez tenu une conférence de presse conjointe avec votre homologue allemand, Heiko Maas, au cours de laquelle ce sujet a été évoqué. Nous savons la force de votre travail à deux. Peut-on espérer un format nouveau, avec un moteur franco-allemand, de relance du processus de paix au Proche-Orient ?
Jean-Paul Sartre disait : « Chaque parole a une conséquence. Chaque silence aussi. » Oublions les paroles et les silences ! Adoptons les actes concrets qui s’imposent, au nom des intérêts des Israéliens et des Palestiniens, au nom de la paix et de la sécurité au Proche-Orient !