Intervention de Elisabeth Borne

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 24 juin 2020 à 16h35
Audition de Mme élisabeth Borne ministre de la transition écologique et solidaire et directrice du cabinet de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie en 2014-2015

Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Le sujet des relations entre les sociétés concessionnaires d'autoroutes et l'État n'est pas nouveau et le Sénat s'y intéresse depuis longtemps. Nous avons eu l'occasion d'échanger l'année dernière dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative à la nationalisation des autoroutes. Les concessions autoroutières, autorisées par la loi du 18 avril 1955, ont contribué à développer un réseau de routes à haut niveau de service et de sécurité pour l'usager. La France dispose d'un réseau de plus de 9000 kilomètres de voies concédées. Lors de l'émergence de ce modèle, nous avions un retard en termes d'équipements, la voiture était le moyen de transport privilégié et les considérations environnementales n'étaient alors pas centrales. Les sociétés autoroutières étaient pour l'essentiel publiques et leurs bénéfices permettaient de développer les investissements dans les transports. Par ailleurs, la durée des concessions était initialement d'une trentaine d'années, puis nous avons recouru à l'adossement pour créer des liaisons interurbaines moins rentables. Bien que bénéfique pour l'aménagement du territoire, l'adossement a eu pour effet de doubler la durée des concessions par rapport à celle prévue dans les années 1960. Historiquement, les sections à péage étaient loin des agglomérations et servaient aux trajets occasionnels des particuliers et aux transports de marchandises sur longues distances. Du fait de l'extension des agglomérations et des changements de mode de vies, beaucoup de Français utilisent désormais l'autoroute pour leurs déplacements quotidiens, ce qui pose la question de l'acceptabilité du modèle du péage pour ce type de trajet. Dans le même temps, le modèle d'une infrastructure financée entièrement par l'usager a un avantage, car l'acceptabilité de l'impôt est elle aussi discutée.

La décision de la privatisation en 2005 a, par construction, privé l'État des dividendes qui étaient jusque-là affectés aux investissements dans les infrastructures de transport. On peut s'étonner que cette évolution n'ait pas été précédée d'une révision des contrats. Contrairement à ce que l'on observe généralement dans les actifs régulés, ces contrats ne font en effet pas l'objet d'un recalage périodique de la rentabilité entre le concédant et les sociétés concessionnaires. Ils ont été conclus entre les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA) et l'État, mais régissent aujourd'hui des relations avec des groupes privés cotés dont la logique est différente. Cela explique les questions récurrentes sur le déséquilibre entre concédant et concessionnaire. Ce modèle a toutefois évolué vers une plus grande transparence sous l'effet des travaux de l'Autorité de la concurrence.

Nous sommes aujourd'hui à dix ans de la fin des premiers contrats de concessions historiques et il est légitime de penser à l'après. Si nous voulons conserver un modèle concessif, il faudra introduire des clauses de revoyure, comme pour les autres actifs régulés, afin de s'assurer de l'absence de surrentabilité. Il faut également un régulateur fort. Je plaide, en tant que ministre de la transition écologique et solidaire, pour que les sociétés concessionnaires accompagnent le développement des mobilités propres sur leur réseau, par l'implantation de bornes de recharge et en incitant les usagers au covoiturage ou aux véhicules propres.

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