Nous étions dans une situation très tendue avec les sociétés concessionnaires du fait des éléments que j'ai évoqués. François Hollande voulait faire aboutir les négociations. Il est apparu utile de trouver un chemin afin de solder les litiges en cours et de prendre appui sur l'opinion de l'Autorité de la concurrence, sur les travaux du groupe de parlementaires et sur les recommandations et les engagements pris auprès de la Commission européenne lors de la notification du plan de relance autoroutier. Ce protocole a été discuté avec le directeur de cabinet du ministre de l'économie de l'époque, moi-même, en tant que directrice de cabinet de la ministre, et Bruno Angles, que vous avez déjà auditionné et qui avait été désigné par les sociétés concessionnaires. Dans la foulée de cet accord dans le cadre de la loi dite « Macron », une autorité de contrôle des concessions autoroutières a été mise en place, disposant d'un pouvoir d'avis public sur les projets de contrats et d'avenants et sur la rentabilité du secteur autoroutier en général. Cette autorité, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devenue l'Autorité de régulation des transports (ART), possède également un pouvoir de contrôle des marchés passés par les autoroutes.
Ce protocole est le fruit d'un processus de rééquilibrage des relations entre l'État et les concessionnaires, qui a été compliqué par la décision du gel des tarifs intervenue au milieu de sa discussion. Le bilan du protocole est sans conteste positif, car il a permis d'éviter des litiges qui auraient été forcément défavorables l'État. Mais il n'a pas pu empêcher le report du gel des tarifs en 2015 par des hausses de tarifs jusqu'en 2023. Lorsqu'on s'exonère de l'application d'un contrat, il faut également en tirer les conséquences. Autre effet positif du protocole, au cours de la négociation du plan d'investissement autoroutier en 2018, nous avons pu nous appuyer sur l'avis obligatoirement sollicité de l'Arafer, ce qui a permis de revoir à la baisse les conditions financières du plan.
Le protocole contenait des avancées importantes, notamment l'insertion d'une clause de plafonnement de la rentabilité permettant de réduire la durée des concessions en cas de surprofits, l'absence de compensation de la taxe finançant l'Arafer, le versement d'une contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes, la mise en place de mesures commerciales ciblées pour favoriser le covoiturage et l'utilisation des cars dits « Macron », enfin la possibilité pour l'État d'assister au conseil d'administration des sociétés.
L'objectif de ce protocole, qui était de solder les litiges en cours et de permettre un premier rééquilibrage des contrats, a été atteint.
Quant à savoir si Ségolène Royal a été informée, la ministre suivait de près ses dossiers. Je vous confirme qu'elle en était informée et qu'elle a même pris en main la finalisation de la négociation avec les sociétés concessionnaires.