Intervention de Elisabeth Borne

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 24 juin 2020 à 16h35
Audition de Mme élisabeth Borne ministre de la transition écologique et solidaire et directrice du cabinet de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie en 2014-2015

Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

On peut supposer que le calcul de l'ART est le bon. Le bénéfice des hausses effectuées après le gel est rapporté à la situation initiale en tenant compte d'un taux d'actualisation. Les usagers payent donc finalement plus. J'ai eu ce débat en tant que ministre des transports, alors que certains élus demandent aujourd'hui un gel des tarifs, voire la gratuité. Ce n'est possible que si les sociétés concessionnaires décident de renoncer à leurs droits, ce qui est rare, y compris vis-à-vis de leurs actionnaires. Mais le droit des contrats implique que lorsqu'on prend quelque chose, on en cède une autre. Les décisions unilatérales, si elles peuvent être valorisantes politiquement, sont contreproductives dans la durée.

Les débats autour du taux d'actualisation peuvent être infinis. Si le concédant souhaite un taux le plus bas possible, les sociétés concessionnaires d'autoroutes indiquent qu'il leur faut couvrir les risques auxquels elles sont exposées. Les conditions financières doivent être prises en compte. Le point d'atterrissage était sans doute à mi-chemin entre ce que préconisait l'administration et ce que recherchait le concessionnaire. Ce taux a pour ailleurs été validé par la Commission européenne au titre du respect des règles des concessions et des règles encadrant les aides d'État qui limitent les avantages accordés à une entreprise. Dans le programme d'investissement autoroutier, nous avons fait baisser le taux envisagé sous le précédent quinquennat en nous appuyant sur les avis de l'ART. Cela montre tout l'intérêt d'une autorité de régulation puissante. Les taux d'actualisation ne sont pas une science exacte. Par ailleurs, je souligne que la validation du taux par la Commission ne m'offrait pas une marge de négociation très large pour baisser le taux en jouant sur la crainte d'un rejet de la Commission européenne.

Je ne peux pas vous répondre sur le secret du protocole. Ce n'est pas moi qui ai empêché sa publication, car cela peut créer de la crispation. Le ministère de l'économie était réticent à le publier du fait de son caractère de protocole transactionnel. Il a d'ailleurs été transposé dans les contrats de concessions qui sont, eux, parfaitement publics. Je comprends la crispation que ces motivations juridiques ont pu provoquer.

Sur la préparation de l'avenir, tout dépend si l'on juge utile le modèle concessif, ou si les services de l'État reprendront en direct la gestion des autoroutes. Le recours à ces sociétés a permis d'avoir un niveau de service échappant aux régulations budgétaires, et un réseau financé par l'usager mieux entretenu que le réseau non concédé. Ce modèle me semble présenter un intérêt. Les contrats futurs seront très différents. Lors de la conclusion initiale des contrats, les concessionnaires ont pris un risque trafic. Le réseau est aujourd'hui mature, et le contrat devrait davantage ressembler à un contrat de partenariat ; je ne vois pas l'intérêt de rémunérer un risque trafic aujourd'hui limité. Cependant, le risque trafic s'est matérialisé pendant la crise de 2008 où le trafic poids lourds a chuté dans des proportions considérables et se concrétise violemment aujourd'hui. Le risque trafic n'est donc pas un concept. Un contrat de partenariat avec des engagements appliquant davantage le principe du pollueur-payeur me paraît une piste à creuser, en tenant compte de l'acceptabilité auprès des usagers. Aujourd'hui des centaines de milliers de citoyens empruntent des trajets à péages pour se rendre au travail. Il faut prendre en compte ce paramètre.

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