Intervention de Philippe Pemezec

Réunion du 25 juin 2020 à 9h00
Nouvelle ère de la décentralisation — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Philippe PemezecPhilippe Pemezec :

Quoi qu’il en soit, depuis quelque temps, nous sommes de plus en plus nombreux à appeler le Gouvernement à prendre conscience qu’il est temps d’ouvrir un acte III de la décentralisation. La crise sanitaire n’a fait que confirmer cette absolue nécessité.

Où donc était l’État, devenu obèse, dans la gestion des masques ? Totalement absent ! Ce sont les communes, les régions et les départements qui ont acheté et distribué les moyens de protection nécessaires à l’ensemble de la population. Dans ma commune, nous avons même dû fournir la police nationale pour qu’elle puisse effectuer ses contrôles…

Où donc est l’État, devenu obèse, dans la gestion des tests ? À longueur de conférences de presse, le ministre de la santé nous a annoncé le passage à 700 000 tests par semaine. On doit être à peine à la moitié – mais impossible d’avoir des chiffres… Là aussi, ce sont les collectivités territoriales qui ont fait le travail. Au Plessis-Robinson, par exemple, nous avons testé tous les agents communaux au contact des enfants et des personnes fragiles ; nous avons même élargi les tests aux agents de l’éducation nationale, ce mammouth impotent, parce qu’on nous l’a demandé…

Oui, l’État s’est perdu ! À vouloir s’occuper de tout, il ne s’occupe plus de rien, notamment pas d’assumer les missions régaliennes, pourtant sa raison d’être : la politique étrangère et la place de la France dans le monde, l’immigration, la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le bon fonctionnement de la justice – les derniers rebondissements de l’affaire Fillon ne plaident pas en faveur de l’institution judiciaire.

Oui l’État s’est perdu, et il est en train d’envoyer le navire France par le fond, alors que notre pays a un potentiel et des ressources peut-être uniques : un territoire et surtout un maillage local extraordinaires, une histoire, une culture, des savoir-faire que le monde entier nous envie et que nous n’arrivons plus à faire prospérer, du fait d’un système politique à bout de souffle.

Les Français l’ont d’ailleurs bien compris et l’appellent de leurs vœux. Un sondage réalisé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation révèle que trois Français sur quatre estiment que la décentralisation est une bonne chose et souhaitent son renforcement.

Alors oui, 1 000 fois oui, il faut passer à un acte III de la décentralisation pendant qu’il est encore temps, au moment où nous abordons un tournant majeur de notre histoire et où nous devons faire face à la crise économique, sociale et environnementale sans doute la plus grave que nous ayons connue depuis 1929.

Ce débat capital sur la décentralisation, chacun en est conscient, ne fait que commencer. Nous n’en sommes pas encore à détailler les mesures et les solutions qui nous permettraient de trouver un équilibre entre la capitale et les régions, entre la métropole et les zones périurbaines, entre la ville et les territoires ruraux, car, avant d’en arriver à ces mesures précises, il faut commencer par se débarrasser de quelques contre-vérités.

La première de ces contre-vérités est la confusion entre décentralisation et déconcentration. Nul n’est besoin, dans cette noble assemblée, de rappeler nos cours de droit précisant que la première – la décentralisation – consiste à déléguer des pouvoirs aux assemblées territoriales élues, alors que la seconde – la déconcentration – se contente de renforcer les pouvoirs de l’administration préfectorale dans les territoires, ce dont, bien sûr, nous ne voulons pas.

J’ai noté plusieurs fois que le Président de la République, pourtant issu de la plus haute école d’administration, fait souvent la confusion entre les deux, sans doute à dessein, imité en cela par notre ami le ministre délégué aux collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, qui m’a fait sursauter il y a quelques semaines en parlant des maires comme des agents de l’État dans leur commune.

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